Si vis pacem, para bellum

Le rôle de la guerre à Rome.
Une histoire musclée 

L’histoire est souvent sélective et
ne retient que quelques images.
Dans le cas de Rome, elle se résume à Jules César et pour les
Français à sa victoire sur
Vercingétorix, à quelques
empereurs surtout durant les
deux premiers siècles comme
Caligula ou Marc Aurèle et au
déclin d’une civilisation sous la
double pression de barbares et
de mœurs dépravés. Voilà ce qui reste dans la mémoire collective
de plus de mille ans de civilisation. Mais derrière ces bribes
demeure la conviction que cette civilisation devenue une
république puis un empire se construisit par le glaive.

L’ouvrage de Yann Le Bohec, éminent spécialiste de la Rome
antique et auteur remarqué d’un ouvrage sur l’armée romaine
(tallandier, 2014) détaille avec toute l’érudition qu’on lui connait,
l’histoire des guerres romaines.

La guerre a d’abord à Rome une fonction idéologique et politique.
On fait la guerre pour propager le modèle de sa propre
civilisation. « Finalement, cette longue histoire nous ramène à
Clausewitz : la guerre n’est qu’une façon de faire de la politique,
assurément la pire. Et guerre et politique sont indissolublement liées »

écrit ainsi l’auteur. La guerre n’est donc que la première étape
d’une démarche à long terme qui passe d’abord par la soumission
de l’ennemi pour les plus récalcitrants puis par leur intégration
afin comme le rappelle Yann Le Bohec, de « gagner les coeurs ». On
leur demande de se romaniser et pour ce faire, on leur octroie
privilèges et même citoyenneté. Cela donna les généraux
d’origine barbare Stilicon ou Ricimer à la fin de l’Empire. Mais tous
les Barbares ne souhaitèrent pas s’intégrer et développèrent des
stratégies militaires pour contrer cet impérialisme en copiant la
tactique romaine ou en constituant des ligues. Ainsi les Alamans,
les Goths ou les Huns mirent souvent à mal les défenses
impériales lors de batailles restées célèbres comme à Teutoburg
(9 apr. J-C) ou à Andrinople (378).

Reste les Perses et leur redoutable cavalerie, l’autre grand
ennemi de Rome. Ici point d’intégration mais une lutte
civilisationnelle centrée sur une zone irako-arméno-syrienne et
marquée par de grandes batailles dont celle qui vit la capture de
l’empereur Valérien en 259, et des compromis obtenus au prix de
tributs qui pesèrent lourdement sur le budget de Rome.

Tout au long de cette histoire, accompagnée de cartes et de plans,
on arpente les déserts arides de Syrie ou les forêts touffues de
Pannonie dans les états-majors et les légions en compagnie d’un
auteur toujours prompt à nous narrer ces grands épisodes
militaires tirées des sources ainsi que les stratégies employées où
la force rivalise avec la ruse. A partir du III siècle apr. J-C durant la
période dite de l’anarchie militaire, la société romaine se
militarisa plus encore. L’empereur devint surtout un chef militaire
qui devait répondre de sa vie en cas de défaite. L’auteur explique
alors bien que la déliquescence de l’Etat combinée à une
multitude de crises au sein de la société et à une médiocrité des
titulaires de la pourpre impériale conduisirent Rome et son
empire vers son inéluctable fin.

Yann Le Bohec,
Histoire des guerres romaines,
Chez Tallandier, 2017

Laurent Pfaadt