Cléone au musée Würth d’Erstein

Photo Claude Menninger

La passion chevillée
au corps

Hélène de Beauvoir, dont je
m’abstiendrai de préciser
qu’elle est la sœur de…,
collectionne depuis peu les
hommages alors qu’elle aurait
tant souhaité être reconnue de
son vivant ! Lors d’une
rencontre avec l’artiste à
Goxwiller où elle m’avait invitée
à la fin des années 90, Hélène
de Beauvoir déclarait « avoir été oubliée » par Paris mais
également par les protagonistes de l’art officiel de la région.

Désabusée mais d’une énergie toujours débordante, elle
m’avait reçue alors qu’elle achevait une œuvre monumentale
réalisée sur plexiglas. Le souvenir vivace de cet après-midi
ensoleillé d’automne, c’est celui d’ une confidence
inattendue. Sur un ton espiègle, elle m’avait déclaré laisser
dans chacun de ses tableaux une note d’humour
compréhensible d’elle seule, « c’est mon petit secret », avait-
elle ajouté malicieusement.

Cette note drolatique, je l’ai retrouvée dans les créations que
Cléone dédie à Hélène de Beauvoir sous l’intitulé « La
passion chevillée au corps ».

L’ode à la féminité de la styliste fait évidemment écho aux
tableaux de l’artiste bien en avance sur son temps quant à la
définition de ce que l’on appelle aujourd’hui le féminisme.

Cléone, comme Hélène de Beauvoir a connu la notoriété à
Paris avec sa maison de couture, puis à son instar, elle s’est
installée en Alsace avec son atelier à la Petite Pierre et sa
boutique à Strasbourg rue des Hallebardes. Sa « griffe » est
maintenant signe d’élégance et de magnificence à
Strasbourg, Paris ou New York !

La styliste qui se plaît à jouer du noir et du blanc dialogue en
toute liberté et complicité avec les gravures épurées
d’Hélène de Beauvoir. « Le noir est la couleur de l’élégance »,
affirmera Cléone lors du vernissage de son exposition et
d’invoquer l’histoire du costume alsacien.

On ne peut que tomber sous le charme de ses robes
agrémentées de dentelles vénitiennes, cousues et brodées
avec des perles fines de Murano. On se prend à rêver devant
« Les gondoliers » peints en 1960 par Hélène de Beauvoir en
revêtant une robe azurée créée par Cléone qui nous invite à
prendre le large entre ciel et mer…

Devant les toiles « Neige à Courchevel » et des « Skieurs », la
robe de Cléone floconne dans une grâce immaculée,
intemporelle qui flotte tel un poème de lumière.

On retiendra également, l’image belle, envoûtante d’une
robe flamboyante qui semble entrer en dansant dans une
toile d’Hélène de Beauvoir pour s’embraser dans une
rencontre qui transcende tous les écrits et que seule l’âme
peut saisir…

La styliste qui adore les matières premières crée des « robes
transformables », elle leur ajoute comme Hélène de
Beauvoir, des petites notes magiques qui font la différence
et identifient sa griffe.

Ainsi les poches d’une robe noire deviennent-elles de petits
masques ! Cléone ne cesse d’innover et de se réinventer au
fil de ses découvertes au quotidien. Les bris d’un rétroviseur
sont recyclés, peints en blanc, bleu, dorés ou argentés, ils
sont incrustés tels des bijoux dans une ceinture aux allures
stellaires, une énorme épingle à nourrice se transforme en
fermoir de choix…

Nul doute que « La passion chevillée au corps » de Cléone
rejoint celle du bonheur de peindre d’Hélène de Beauvoir !
Ces deux femmes exceptionnelles illustrent à merveille la
prédiction d’une autre femme au destin fabuleux, celle de
Simone Veil 
qui affirmait que « Le changement passera par
les femmes » !

Françoise Urban-Menninger

Jusqu’au 9 septembre 2018