Partage de Midi de Paul Claudel

Eric Vigner, scénographe et metteur en scène a présenté au TNS sa dernière création « Le partage de midi » qu’il inclut dans un cycle sur l’amour et la mort  pour lequel il a déjà réalisé « Tristan », en reprenant l’histoire de Tristan et Yseut et qu’il conclura avec « Le Vice-consul » de Marguerite Duras, prochainement mis en scène.

Pour Eric Vigner il était fondamental de mettre en scène cette pièce de Paul Claudel car c’est par elle qu’il a eu la révélation du théâtre en la lisant à l’âge de  dix-sept ans.

La version de 1906 qu’il a choisie raconte l’expérience vécue par Claudel, quand, se rendant en Chine, il rencontre sur le bateau une femme dont il tombe amoureux  et qui lui fera connaître les tourments de l’amour et de l’abandon.

Le décor retient d’emblée notre attention et intrigue, palpitant de références diverses et faisant fi de tout réalisme. Y apparaîtront cependant, en clins d’oeil pertinents, les chaises longues qu’on place sur le pont des bateaux, les malles entassées des voyageurs, le mobilier oriental. Tout cela est beau, raffiné, allusif, comme cette grande sculpture représentant un marin quelque peu enfantin pointant sa longue-vue  sur l’horizon.

Les costumes (Anne-Céline Hardouin) sont ce qu’ils doivent être pour évoquer  cette fin du XIXe siècle, les hommes en chemises blanches et petits gilets, la jeune femme en robe ample et majestueuse, colorée au début de l’histoire et noire à la fin.

Ysé (Jutta Johanna Weiss), l’héroïne de cette histoire d’amour retient et sépare les hommes. Ici pas la pesanteur d’une mère de famille comme celle dont Claudel est tombé amoureux, plutôt une femme légère, charmeuse, préoccupée d’elle-même, de son image.

Quant aux hommes, celui qui l’a, le mari, De Ciz (Mathurin  Voltz)  reste distant, alors qu’Amalric (Alexandre Ruby) sûr, croit-il, de la posséder un jour affiche sa virilité. Mesa(Stanislas Nordey) est l’hésitant qui aura cependant le privilège d’être choisi, d’abord comblé il sera bientôt floué. C’est lui qui représente Claudel.

Alors, bien sûr tout cela ne va pas sans les mots, les longues tirades, les réflexions, les questionnements.

Les comédiens multiplient les entrées et les sorties, tournent en rond, l’image  de leurs incertitudes,  se rapprochent et s’éloignent dans le ballet constant des tourments qui les habitent,  bien mis en valeur par le jeu des lumières (Kelig Le Bars).

Ainsi est retenue l’attention du spectateur pour cette cérémonie qui marie par allusion permanente l’amour et la mort, le spirituel et le charnel.

Selon ses propres sensibilités et convictions, on s’attache ou non à ces personnages et à leurs problèmes existentiels et l’on adhère ou pas à cette mise en scène qui donne à chaque comédien le pouvoir de jouer sa solitude au contact de l’autre qui ne cesse de lui échapper.

On en sort ,éprouvé.

Marie-Françoise Grislin