#Lecturesconfinement : Pechkoff, le manchot magnifique de Guillemette de Sairigné par Sylvie Bermann

Pendant le confinement quand les
frontières sont fermées et que
vous ne pouvez plus prendre de
trains ou d’avions, vous pouvez
voyager dans le temps et l’espace
avec le Général Pechkoff, né russe
en 1884 à Nijinsky Novgorod sur
les bords de la Volga, mort français
en 1966 à Paris sur les bords de la
Seine après avoir mené une vie
héroïque, romanesque et
cosmopolite. Zinovi Pechkoff est
adopté par Maxime Gorki dont il
devient le fidèle secrétaire. Pour
échapper à l’incorporation dans les armées du Tsar au moment de la
guerre russo-japonaise de 1904, il commence une vie d’errance et
de petits métiers qui le mène en Finlande, en Angleterre, en Suède
puis au Canada. Il organise la tournée triomphale de Maxime Gorki à
New York et aux États-Unis. Après être passé par l’Australie et la
Nouvelle Zélande, il rejoint Gorki en 1907 dans son exil à Capri où il
côtoie Lénine. Engagé dans la légion étrangère pendant la première
guerre mondiale il perd un bras dans les tranchées. À la demande du
ministre des affaires étrangères, Aristide Briand, il retourne aux
États-Unis pour les convaincre avec succès d’entrer en guerre. Le
général Pechkoff est des derniers combats, en tant que conseiller
des armées blanches en Extrême-Orient, en Sibérie, dans l’Oural et
le Caucase jusqu’à la Crimée. Il est présent ensuite au Maroc
pendant la guerre du Rif, en Syrie, au Liban, en Afrique du Sud, ainsi
qu’à Madagascar. On le retrouve en Chine à Chongqing comme
délégué de la France libre et ambassadeur du général de Gaulle
auprès de Tchang Kaï-chek puis au Japon où il se lie d’amitié avec le
général Mac Arthur. Le général-ambassadeur, légionnaire dans
l’âme, a croisé les personnalités politiques de son temps mais aussi
les écrivains et les musiciens, le prix Nobel Ivan Bounine et le grand
Chaliapine. Il fut lui-même un temps acteur au théâtre d’art de
Moscou dirigé par Stanislavsky. Un personnage hors norme,
séduisant et attachant. Un livre d’aventures, vraies et
passionnantes.

Sylvie Bermann est diplomate. Elle a notamment été ambassadrice de France en Chine, au Royaume-Uni et en Russie.

Pechkoff, le manchot magnifique de Guillemette de Sairigné (Allard Éditions)
par Sylvie Bermann 

#Lecturesconfinement : Miarka d’Antoine de Meaux par Laurent Pfaadt

On serait tenté de voir en Miarka
une autre Simone Veil, celle de la
Résistance. Mais Miarka, de son
véritable nom Denise Vernay, fut
tellement plus que cela, tellement
plus que l’ombre d’un mythe
républicain. Celle qui partagea
avec son illustre cadette, le même
sang et cette même douleur qui
coula dans les pays Baltes et à
Auschwitz où périrent leurs
parents et leur frère, fut une
résistante, et quelle résistante.
Agent de liaison pour le
mouvement Franc-Tireur dans la région lyonnaise et en Savoie, elle
fut arrêtée, torturée puis déportée à Ravensbrück et Mauthausen.

Le grand mérite d’Antoine de Meaux est ainsi d’avoir singularisé
cette femme digne, empathique, courageuse, altruiste et d’avoir
immortalisé sa modestie en même temps que sa grande force de
caractère qui, à bien des égards, lui a permis de survivre. Avec ses
magnifiques mots parfaitement choisis comme on sculpte un
mausolée de marbre, l’écrivain n’omet rien : l’enfance avec André, ce
père tiré d’un roman de Joseph Roth, « épris de la beauté du monde
qui avançait sur le fil de la vie comme un funambule »,
l’antisémitisme, les horreurs de la guerre et cette sinistre prison de
Montluc, puis la déportation, celle qu’elle vécut mais également celle
que l’on suit avec angoisse à l’autre bout de la France et de l’Europe,
de Simone et de ses parents. Il y a cette injustice qu’elle combattit
toujours quel que soit l’oppresseur comme lorsqu’elle se substitua
aux « lapins », ces femmes mutilées, victimes d’expériences
médicales à Ravensbrück mais également les joies retrouvées de
l’après-guerre, le compagnonnage avec Germaine Tillion,
l’éloignement avec Milou, l’aînée. Grâce à l’abondante
correspondance confiée par la famille Veil/Vernay, Antoine de
Meaux nous fait entrer dans la tête de son héroïne, dans son esprit
et surtout dans le cœur de cette femme qu’il a si bien connu.

Chez les scouts, Denise et Simone étaient éclaireuses. Elles le
restèrent, chacune à leur manière, toute leur vie. Aujourd’hui, au
Panthéon dorment Simone Veil et Germaine Tillion. Un jour, une
anonyme y abandonnera un exemplaire du livre d’Antoine de Meaux.
Une anonyme au Panthéon. Telle fut la destinée de Miarka.

Miarka d’Antoine de Meaux (Phébus)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Le dépaysement de Jean-Christophe Bailly par Olivier Bleys

Qu’est-ce qu’un bon livre de
géographie ? C’est, joli paradoxe, un
livre qui donne envie de le refermer. 

Non par lassitude ou par désintérêt,
mais pour lacer ses chaussures et
mettre ses pas dans ceux de Jean-
Christophe Bailly. 

Ce grand lecteur du paysage et des
hommes sait rendre comme
personne l’intimité d’un territoire.

Il décrit la France tantôt d’en haut,
tantôt d’en bas, dans l’ensemble et dans le détail, comme s’il adoptait
les points de vue alternés de l’oiseau et du mille-pattes. 

Dans une langue admirable, riche et secrète comme une source en
forêt, l’écrivain nous abreuve de ses voyages, de ses lectures, de ses
méditations.
À lire et à relire jusqu’à plus soif.

 
Olivier Bleys, écrivain – marcheur, poursuit un tour du monde à pied par étapes qui vient d’atteindre Moscou.

Il vient de publier La leçon du brin d’herbe aux éditions de la
Salamandre

Le dépaysement de Jean-Christophe Bailly (Seuil)
par Olivier Bleys

#Lecturesconfinement : La Harpe Hagarde, ou Mr Earbrass écrit un roman d’Edward Gorey par Franck Bouysse

Je n’ai rien lu de plus libre, parfois
cynique et désespérément drôle
sur le monde littéraire, la création démystifiée. Et cette phrase tirée
du livre, que je trouve d’une
fulgurante justesse pour définir
l’auteur: «  Il est de ceux à qui jamais
rien n’arrive; peut-être en sera-t-il
autrement lorsqu’il sera de l’autre
coté. 
»
Franck Bouysse est écrivain. Son
roman Né d’aucune femme (La
Manufacture de livres) a remporté
le prix des libraires et le Grand prix des lectrices Elle en 2019.
Dernier livre paru : Buveurs de vent (Albin Michel)

La Harpe Hagarde, ou Mr Earbrass écrit un roman
d’Edward Gorey
(Le Tripode)
par Franck Bouysse

#Lectures confinement : Patagonie route 203 d’Eduardo Fernando Varela par Evelyne Bloch-Dano

Impossible de voyager ? Avec le
roman de Varela nous parcourons
en tous sens les paysages
extraordinaires de la Patagonie, au
côté de de Parker, ancien
saxophoniste de Buenos Aires
devenu camionneur. Que
transporte-t-il ? Nous ne le saurons
jamais.  Avec lui, la géographie se
conjugue à tous les temps, des
hameaux perdus surgissent de nulle
part, des personnages burlesques et
désespérés semblent tourner en
rond comme le train fantôme d’une
fête foraine, et l’amour pourrait bien être une illusion de plus. Ce
road-trip vertigineux vous happe et vous emporte avec lui au bout
du monde, et un peu plus loin…
Evelyne Bloch-Dano est écrivain et membre du jury du prix Femina.
Dernier ouvrage paru : Mes maisons d’écrivains (Stock)
Patagonie route 203 d’Eduardo Fernando Varela (Métailié)
par Evelyne Bloch-Dano

#Lecturesconfinement : L’Enfant céleste de Maud Simonnot par Aude Cirier-Gouraud

Dans un roman à deux voix, Maud
Simonnot dépeint avec une rare
justesse et sensibilité l’histoire de
Mary et de son fils Célian : l’une,
blessée par une rupture
amoureuse, l’autre, enfant rêveur,
curieux, qui peine à trouver sa
place dans le système scolaire –
enfant à part, si lumineux, enfant
céleste.

À la brutalité du monde qui les
entoure et les assaille, les fait
souffrir sans les comprendre,
Mary oppose une fin de non-recevoir. Avec ce petit garçon qui lui
ressemble tant, elle part en quête d’un abri, et c’est sous le ciel de
l’île de Ven en mer Baltique que le duo se réfugie. Sur cette île
préservée, terre de l’astronome Tycho Brahe qu’ils connaissent et
admirent tous deux, et de son observatoire splendide, Uraniborg, le
temps paraît suspendu. En parcourant forêts et rivages, en
observant le ciel scandinave, les plaies se pansent tandis que les
rencontres (un Des Esseintes, un géant du nom de Björn,
Shakespeare et Hamlet en trompe-l’œil…) leur offrent une destinée
nouvelle.

D’une écriture sensuelle et délicate, teintée des nuances nordiques
qui rappellent les textes de Jón Kalman Stefánsson, ce premier
roman, aux confins de la poésie et de la philosophie, est une ode à la
beauté du cosmos et de la nature, une ode à l’amour maternel
inconditionnel, une ode à la vie et à la quête de sens.
Aude Cirier-Gouraud est la directrice éditoriale de la collection
Quarto de Gallimard
L’Enfant céleste de Maud Simonnot (Editions de l’Observatoire)
par Aude Cirier-Gouraud

#Lecturesconfinement : La petite dame en son jardin de Bruges de Charles Bertin par Sophie Benech

C’est un petit récit qui n’est plus tout
jeune, comme son héroïne (il est paru
chez Actes sud en 1996), mais qu’on
peut lire et relire sans se lasser, il
suscite toujours la même émotion, le
même émerveillement. 
Il parle du début des années trente,
d’un jardin de Bruges et de la relation
d’un petit garçon avec sa grand-mère.
Dépositaire des rêves de cette vieille
dame « à qui une grâce initiatique
personnelle avait accordé le pouvoir
d’entretenir commerce avec les
puissances de l’invisible » et dont « la mémoire a continué de briller en (lui) comme une petite lumière », l’auteur nous plonge dans le monde de son enfance et fait revivre à la fois le petit garçon qu’il est toujours resté au fond de lui, et une grand-mère dont l’originalité, la liberté intérieure et un sens inné de la poésie ont à jamais marqué sa vision du monde.

Tout cela est raconté avec humour dans une langue superbe et
délicate. C’est un petit chef-d’œuvre qui sait évoquer les beautés les
plus secrètes, les plus intérieures et les plus authentiques, que ce
soit celles de la nature ou celles des êtres.

Sophie Benech est la traductrice entre autres de Ludmila Oulitskaïa,
Svetlana Alexievitch et Varlam Chalamov mais également éditrice
(éditions interferences)
 La petite dame en son jardin de Bruges de Charles Bertin (Actes sud)
par Sophie Benech

#Lecturesconfinement : Une maison faite d’aube de N.Scott Momaday par Francis Geffard

Riche en images et scènes d’une grande
beauté, Une maison faite d’’aube, le
roman
 de N. Scott Momaday, premier
écrivain amérindien à recevoir le prix
Pulitzer, 
réconcilie la littérature moderne
avec le sens du sacré, et impose
l’universalité de 
la condition humaine
dans un style empreint de lyrisme et de
poésie.

« Dans un pays très ancien, que l’on
disait éternel, il y avait une maison faite d’aube, de pollen et de
pluie. La plaine resplendissait des reflets miroitants des argiles et
des sables et les collines alentour étaient multicolores. C’était un
pays fort et tranquille. Tout y était beau. »

Francis Geffard est éditeur de la collection « Terres d’Amérique »
chez Albin Michel

Une maison faite d’aube
de N.Scott Momaday (Albin Michel)
par Francis Geffard