#Lecturesconfinement : Stella Finzi d’Alain Teulié par Dominique Dyens

Rares sont les livres qu’on garde en
mémoire longtemps après les avoir
lus. Pendant cette période de
confinement où le temps est entre
parenthèses, nous avons plus que
jamais besoin de nous perdre dans
une belle histoire et de laisser notre
imaginaire nous emporter ailleurs,
bien loin de notre quotidien.
L’histoire est celle d’un écrivain qui,
après avoir connu le succès fragile
d’un premier roman, se trouve en mal
d’inspiration, ruiné et dépressif et qui
choisit Rome pour lieu de son suicide et de sa disparition du monde.
C’est dans cette ville qu’il rencontre Stella Finzi, personnage aussi
surprenant que fantasque et dont la caractéristique la plus notable
est d’avoir un visage d’une laideur parfaitement repoussante.
L’écrivain la fuit, la riche italienne se retrouve toujours sur son
chemin. Au fil des jours et des semaines, une étrange relation, aussi
troublante que sensuelle, se noue entre eux.
J’ai été transportée de Rome en Toscane, je me suis laissée glisser
dans la peau d’un homme qui a perdu le goût de tout et surtout celui
des autres, j’ai aimé être dérangée par la lecture de ce roman
baroque, surtout à notre époque où tout est tristement consensuel.
Ce roman peut être interprété de différentes façons. Mais au delà
de l’histoire, j’y ai lu une jolie métaphore du processus de création et
de l’inspiration. Là où le désir de l’écrivain s’éteint, celui de se réjouir
comme celui de créer, l’arrivée de Stella est une injonction à vivre.
En lui faisant effleurer le beau et le bon, cette femme au visage
disgracieux, redonne à cet homme de goût, l’envie de prendre soin
de lui, elle éveille son désir et l’aide à retrouver le chemin de la vie.
Dominique Dyens est écrivaine. Dernier livre paru : Cet autre amour
(Robert Laffont, 2017)

Stella Finzi
d’Alain Teulié (Robert Laffont)
par Dominique Dyens

#Lecturesconfinement : M l’enfant du siècle d’Antonio Scurati par Dominique Manotti

Un vrai bouquin pour
période de
confinement, allégé
ou pas : en 850
pages, la montée du
fascisme en Italie
après la guerre de
14, racontée en
roman noir, dans une
belle écriture qui nous embarque. Et une façon nouvelle de ponctuer
de place en place l’écriture romanesque de documents historiques.
Scurati revisite le roman historique, lui donne une vigueur nouvelle.
Il faut le lire pour vivre vraiment cette période, et donc la
comprendre mieux que jamais. Et c’est une urgence pour nous qui,
cent ans plus tard, sommes confrontés à la lente montée d’un régime
policier. Inexorable ? M, le noir de l’Histoire.
Dominique Manotti est auteure de romans policiers. Elle a
notamment remporté le Grand prix de littérature policière en 2011.
Dernier livre paru : Marseille 73 (Les Arènes)

M l’enfant du siècle
d’Antonio Scurati (Les Arènes)
par Dominique Manotti

#Lecturesconfinement : Ida n’existe pas d’Adeline Fleury par Sarah Briand

C’est un roman de la rentrée littéraire qui m’a bouleversée et qui
se lit hors du temps et encore plus
pendant cette période de
confinement où les corps sont
enfermés. J’écris roman mais ce
texte se lit comme un conte dont les
mots vous prennent au corps. Ida
parle à notre cœur, femme
touchante dans sa fragilité et
effrayante face à son enfant dont on
sait dès les premières pages qu’elle
va l’abandonner sur une plage du
nord de la France et dont on sait que
sa petite vie s’arrêtera dans les vagues. Ce roman-récit a trouvé ses
racines dans un fait divers dont certains se souviendront. Mais
qu’importe, cette mère est une femme qui pourrait être soi, et dont
Adeline Fleury nous raconte avec pudeur et sensibilité le parcours
et les doutes. Le lecteur est sans cesse balancé entre empathie et
horreur. Le texte se lit d’un trait jusqu’à ce que nous manquions de
souffle. Un vrai coup de cœur.
Sarah Briand est journaliste et réalisatrice de documentaires. Elle
est également l’auteur de Simone, éternelle rebelle (Fayard, 2015) et
Romy, une longue nuit de silence (Fayard, 2019) Elle a récemment
coordonné l’ouvrage Pour l’amour de Beyrouth (Fayard, 2020)

Ida n’existe pas
d’Adeline Fleury (Editions François Bourin)
par Sarah Briand