Klangformator | Live-Stream

feat. Adrian Mears
Mi 10.02. | 20:00 Uhr | Live-Stream über
#infreiburgzuhause.de

Für den Klangformator im Februar kommt der gebürtige Australier
Adrian Maers ins E-WERK. Adrian Maers lebt schon länger im
Dreiländereck, von wo aus er sowohl regional, als auch mit den
Weltstars des Jazz arbeitet. Neben seiner Tätigkeit als Posaunist (er
ist auf über 62 Veröffentlichungen zu hören!) ist er seit 20 Jahren
Dozent am Jazzcampus Basel.

Der Posaunist, Komponist und Didgeridoo-Spieler, Jahrgang 1969,
landete nach einer Zwischenstation in München bei Lörrach an der
Schweizer Grenze, wo er heute lebt. Bereits in Australien wurde er
zum besten australischen Posaunisten gewählt und für seine
Kompositionen ausgezeichnet. Mit seinem dortigen Jazz Quintet
„Free Spirits“ gewann er die Auszeichnung „Beste australische
Band“. Nach einem Studienaufenthalt in New York, wo er bei Conrad
Herwig, Steve Turre, Robin Eubanks und Slide Hampton Unterricht
nahm, übersiedelte er endgültig nach Europa. Schnell fand er
Anschluss und entwickelte sich zu einer starken Stimme der
deutschen und europäischen Jazzszene.

Gefördert von der Beauftragten der Bundesregierung für Kultur
und Medien, dem Bundesverband Soziokultur, sowie durch die
Fördermaßnahme NEUSTART Kultur

MIT
Adrian Mears (Posaune)
Lou Lecaudey (Posaune)
Jörgen Welander (Tuba)
Konrad Wiemann (Blechbecken und Trommeln)

E-WERK Freiburg
Eschholzstraße 77
D. 79106 Freiburg
http://www.ewerk-freiburg.de

Destins fragmentés

Sous un ciel bas de Waël Ali

Le spectacle a été filmé à la Filature devant quelques rares invités.
Les comédiens intègrent ce dispositif dans leurs marges
d’improvisation et jouent des regards caméra. C’est en cohérence
avec la forme, puisque la commande et la fabrication de la pièce sont évoquées dans le texte (créé en 2019).

Deux parois en équerre ferment l’espace de jeu. Celle à jardin est
nue pour les projections – souvent en noir et blanc, toujours
muettes, les comédiens assurant le doublage en direct au besoin.
Une fenêtre perce celle à cour où se dresse une grande étagère
encombrée d’accessoires datés. Sur le plateau, deux chaises et une
cantine contenant d’autres souvenirs. Les indices du temps d’avant…
Car le temps hante l’exil de Jamal, un documentariste syrien. Il est
installé dans une petite ville en France et on ne le verra pas : un
troisième personnage en creux, mais omniprésent. Ses amis, en
l’occurrence les deux comédiens, l’évoquent. C’est leur rôle !
Surgissent le réel et leur propre exil : celui de Nanda au Caire et celui
de Sharif en Belgique.

D’emblée l’Histoire s’invite dans ces destinées. Cet accord verbal
mais fondateur : la cession de Mossoul à la Grande-Bretagne par
Clemenceau le 1er décembre 1918 qui amende l’accord Sykes –
Picot (1916). Et ce livre Sur les routes de Syrie (1927) du comte Roger
de Gontaut-Biron qui sert de fil conducteur avec cette question :
est-ce que la Syrie a un avenir ?
Ainsi se complote le destin des hommes, des femmes, du pays.
Les images, les sons surgissent : films d’archives, prises de vues de
Jamal – ses parents, ses lieux –, photos punaisées au mur, fragments
de conversation, de lettres et ce répondeur où les questions se
heurtent à l’absence de Jamal.
Des fragments pour un pays fragmenté.

La vie, une vie peut-elle surgir de ces fragments ?
Les ruines aussi sont des fragments…

avec Sharif Andoura, Nanda Mohammad

© Salvatore Pastore

texte & mise en scène Waël Ali
scénographie & costumes Bissane Al Charif
lumières Camille Mauplot
vidéo Ghazi Frini, Bissane Al Charif
musique & son Yazan Charif, Akkad Nizam Edine, Basile Pflug

Par Luc Maechel

Dessein d’exil

Ma chambre syrienne, documentaire d’Hazem Alhamwi

À la renverse, comme cette tortue mise sur le dos. Et qui se débat, se
débat…

Alors le cadre se concentre sur les très gros plans : l’œil de l’animal
ou des témoins, les rescapés des geôles des Assad. Le réalisateur
laisse les ruines et la tragédie syrienne hors-champ et traque ces
minuscules éclats de vie.

Quand il l’élargit, il montre les décombres ou les images de
propagande, l’endoctrinement des enfants dans les écoles ou cette
maîtresse à la retraite qui veut se laver des mots sales (selon le mot
de Christian Bobin). Très sales !

Autre mise à distance : les dessins de l’auteur. Des dessins à l’origine
du documentaire et qu’il a filmés avant de dévoiler le réel derrière
les dessins. Beaucoup sont à la plume : la pudeur du noir et blanc
pour éviter le rouge du sang ? Des dessins politiques, des masques
dessinés (avec la vibration de la palette graphique) sur les visages
des témoins qui souhaitent rester anonymes. Et en écho, ces paroles
qui racontent l’insoutenable.

Un ami le regarde finir une planche et lui demande : Où sont les
humains ? Il n’y en a pas. L’auteur lève les yeux et répond : Si, sous les
décombres…

Le regard du réalisateur prolonge celui du peintre et nous offre de
beaux plans emblématiques : ces oiseaux mécaniques attachés qui
battent des ailes sans parvenir à s’envoler, à accéder à l’espace et au
ciel, ces ralentis de plantes qui restituent ce temps long, cette
patience subie pour survivre sous ce régime ou nécessaire pour
endurer l’exil.

Le geste de dessiner, de filmer comme un refuge contre la répression
et la barbarie.

Documentaire d’Hazem Alhamwi réalisé en et 2014, diffusé par arte 
après Sous un ciel bas

Par Luc Maechel

Orchestre philharmonique de Strasbourg

La fermeture des salles de spectacles depuis le dernier automne
entrave bien évidemment le déroulement de la saison 2020-21 de
l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Si la plupart des
concerts ont bien lieu, c’est néanmoins dans une salle privée de son
public, avec des musiciens pour la plupart masqués jouant des
programmes parfois modifiés du fait du nombre restreint de
pupitres autorisés sur scène. Dans cette ambiance
sciencefictionnelle,  les concerts sont enregistrés en vue d’une
diffusion radiophonique (Radio Classique, Accent 4) ou télévisuelle
(Arte). J’ai toutefois eu le bonheur d’être physiquement présent
durant certaines séances d’enregistrement.

Le soir du 28 janvier, l’orchestre enregistrait les seconde, quatrième
et sixième parties d’un des chefs d’œuvre de la musique occidentale,
Le Chant de la terre de Gustav Mahler. Dans ce moment planétaire
qui est aujourd’hui le nôtre, l’écoute de l’immense lied final Der
Abschied revêt une dimension toute particulière, d’autant que
l’interprétation offerte ce soir-là ne mérite que des éloges  tant pour
la prestation vocale de la jeune mezzo Marianne Crebassa(déjà
remarquée il y a trois ans lors de l’enregistrement des Troyens) que
pour la direction orchestrale du chef Stanislav Kochanovsky,
originaire de Saint Petersbourg et dont les concerts publiques avec
l’Orchestre de Paris en octobre dernier ont eux aussi été très
remarqués. A Strasbourg, circonstance sanitaire oblige, on a
renoncé au grand orchestre mahlérien et opté pour la très habile
version pour tout petit orchestre (une quinzaine d’instruments !)
écrite par Arnold Schoenberg. Il n’empêche : même ainsi, la
puissance dramatique de cette grande œuvre est telle qu’elle s’avère
inébranlable, surtout quand elle est si bien interprétée et si bien
jouée par l’ensemble des musiciens sur scène. Que ce soit dans Der
Einsame im Herbst (Le solitaire en automne), dans Von der Schönheit
(De la beauté) ou dans Der Abschied (L’adieu), le grand style
mahlérien que le chef insuffle à l’orchestre et la voix marmoréenne
de la soliste rayonnent dans cette musique inspirée par la poésie
chinoise de l’époque Tang, disant le caractère éphémère de
l’existence en contraste avec l’inaltérable beauté du monde. Dans
une prodigieuse déclamation finale, sur des paroles de Mahler lui-
même, ‘’la terre adorée, partout, fleurit au printemps et reverdit :
partout toujours, l’horizon bleu luira ! Éternellement…
Éternellement’’, un Éternellement (ewig) repris sept fois pianissimo au son du célesta. 

Enregistrés lors d’une autre séance (où je n’étais pas), les premier,
troisième et cinquième mouvements chantés par le ténor Andreas
Schager furent, m’a-t-on rapporté, d’un niveau comparable. S’il en
est bien ainsi, cette grande symphonie pour voix solistes et
orchestre aura vraiment resplendi à Strasbourg ; car, déjà, en 2012, 
elle avait excellé sous la baguette  de Marko Letonja, lequel achève
aujourd’hui son mandat de directeur de l’orchestre dans des
circonstances que ni lui, ni personne n’avait pu imaginer.

Adam Laloum portrait

Cette année musicale 2021 commençait par un concert joué et
enregistré d’un seul tenant, le vendredi soir 15 janvier, avec la
participation du jeune mais déjà très connu pianiste Adam Laloum.
La suite de Pulcinellade Stravinski précédait le second concerto
pour piano de Brahms. Plus encore que ses autres œuvres
concertantes, celui-ci est une vraie symphonie pour piano et
orchestre, doté qui plus est de non pas trois mais de quatre
mouvements. Le jeu de l’orchestre y revêt une importance égale à
celui du pianiste. A l’instar de toutes les grandes œuvres, ce
concerto autorise des approches très variées, ce dont témoigne la
masse de documents discographiques laissée par les plus grands
pianistes. On peut notamment l’aborder dans un climat automnal et
assagi, celui de la dernière musique de chambre de Brahms. Mais on
peut aussi souligner ce qu’il possède de fébrile et de conflictuel.
C’est en tout cas cette option vitaliste qu’aura retenu Adam Laloum,
pour sa prestation strasbourgeoise du moins, car il m’a confié avoir
déjà abordé l’œuvre dans d’autres perspectives. Toujours est-il que
sous ses doigts ce choix est soutenu avec vaillance. On apprécie tout
particulièrement sa capacité à faire entendre, jusque dans les
passages les plus virtuoses et les moments les plus risqués,
l’évidence du chant au sein même de la texture harmonique. L’ardeur
des tempi n’empêche nullement le mouvement lent de déployer toute sa gravité. 

Tant de qualités pianistiques auraient vraiment mérité un soutien
orchestral plus inspiré. Le chef anglais Duncan Ward, consciencieux
mais flegmatique, aura d’abord fait entendre un Stravinsky terne et
pauvre en couleurs, dépourvu de tout espèce d’humour. Dans
Brahms, tout paraît un peu enlisé alors même que l’effectif restreint
(pour raison sanitaire) pouvait laisser espérer un jeu instrumental
acéré. Dans le sublime début, le dialogue cor-piano manque
vraiment d’aura et de mystère. Cela ne s’arrange guère avec le
premier tutti d’orchestre, pâteux et prosaïque, augurant mal de la
suite. Seul le troisième mouvement adagio, au demeurant répété
trois fois, parvint pour finir à un dialogue piano-orchestre
satisfaisant. 

Michel Le Gris, pour la revue Hebdoscope

Etrange est le chagrin

Il est toujours délicieux de découvrir un inédit d’un grand écrivain
comme cet Etrange est le chagrin de V.S. Naipaul, Prix Nobel de
littérature 2001. Dans ce petit texte, l’auteur d’Une maison pour
Monsieur Biswas (1961) revient sur le chagrin qu’il éprouva à
l’occasion des décès de son père, de son frère et de son chat. Dans
ces méditations sur la perte, Naipaul décrit à merveille notre
attachement aux êtres qui peuplent nos vies et les transforment –
un chat nous rendant plus humain – ainsi que la fugacité de l’amour
que nous ignorons peut-être trop souvent et que nous regrettons
dès lors qu’il est sublimé par le chagrin.

Vous pensez être devenus plus forts après avoir enduré le chagrin,
être immunisés de son doux poison après l’avoir surmonté. Et
pourtant, nous dit Naipaul, il se renouvèle, se métamorphose et nous
affecte comme s’il s’agissait de la première fois. Etrange, comme
l’amour en somme. Car c’est de cela qu’il s’agit en réalité.

Par Laurent Pfaadt

V.S. Naipaul, Etrange est le chagrin
Hérodios Editions, 42 p.