Mont Vérité

Texte et mise en scène Pascal Rambert

Chorégraphie Rachid Ouramdane

Spectacle d’entrée dans la vie professionnelle du Groupe 44 de l’Ecole  du TNS , « Mont Vérité » sort en juin 2019 puis se heurte au Covid 19. Ce n’est donc que maintenant qu’il peut être repris et joué ce  qui permet aux jeunes comédiens de se retrouver pour reprendre ces partitions écrites spécialement pour eux par Pascal Rambert.

Les voilà donc, tous les douze sur scène pour 2h35 de spectacle, Océane Caîraty, Houédo Dieu-Donné Parfait Dossa, Paul Fougère, Romain Gillot, Romain Gneouchev, Elphège Kogombé Yamalé, Estelle Ntsende, Ysanis Padonou, Mélody Pini, Ferdinand Régent-Chappey, Yanis Skouta, Claire Toubin nous offrant le bonheur de leurs retrouvailles et le plaisir manifeste du jeu.

En trois moments, le spectacle permet de les voir évoluer avec l’énergie et la compétence qui les caractérisent.

C’est tout d’abord leur apparition au milieu de la roselière majestueusement dressée sur le plateau qui frappe notre attention.(scénographie Aliénor Durand) Tous vêtus  de toges blanches, ils esquissent une chorégraphie mise en place par Rachid Ouramdane, une danse  fluide et joyeuse, bras levés vers le ciel, se balançant avec grâce et naturel.

Mais le parti pris esthétisant n’est pas le but recherché. Il s’agit plutôt, et on l’apprendra vite, de la quête de soi. Pour cela le support du rêve, largement sollicité lors de la création du texte par l’auteur ; viendra pour chacun d’eux créer l’esquisse d’un chemin. Toutefois si le rêve interfère, il ne peut priver les différents protagonistes d’essayer également de se situer dans le monde.

Alors chacun y va  de son appartenance à cette roselière qui, pour l’un constitue un refuge, pour l’autre la concrétisation d’un rêve, celui d’échapper à un monde trop violent pour lui.. Cependant, dès ce moment de révélation, la prise de conscience de faire parti d’une « communauté » déclenche des problèmes de cohabitation. Sont évoqués des bousculades, des affrontements, on n’ose parler de meurtre mais le sang est évoqué et des peurs se font jour, peurs d’agression  et l’on parle d’avoir entendu des coups de feu ce qui en a traumatisé certains. Peut-on faire vivre les utopies sans  oublier que l’escalade précède la chute, à ce propos revient comme un leitmotiv l’image du grand immeuble blanc  que l’on monte puis que l’on descend.

Et puis voilà que l’un ou l’autre vient témoigner de son parcours. On entend alors parler d’enfance, de jeunesse, d’école, du collège d’où l’on peut se faire exclure pour comportement inapproprié, au grand dam de celui qui risque de subir l’opprobre et la refuse tout net. Claire  parle de ses balades à cheval en Camargue, elle était « la fille qui monte son cheval à cru ». Elphège était préoccupée  par l’utilisation de sa force de travail, un autre évoque la violence qui l’habitait. Dans leurs propos on sent un besoin de révolte mais aussi des tendances à la moralisation.

Dans une ultime partie, quand la roselière aura disparu, après une course folle autour de ce lieu devenu vierge, ils installeront des tables autour desquelles ils viendront discuter d’un projet théâtral. Cela donnera lieu à des disputes, des confrontations, parfois de méchantes réflexions entre ceux qui ont des idées constructives, et les autres les démolissant de la belle manière. Image réaliste de ce groupe qui a sans doute vécu ainsi la recherche et la construction de ce spectacle  qui dit qu’on n’atteint pas sans risques et sans périls le « Mont Vérité », celui où se confrontent les rêves et la réalité.

Un questionnement porté haut et fort, avec beaucoup d’authenticité par ces jeunes qui ont fait le choix pour leur vie de  se mettre au service du théâtre.

Marie-Françoise Grislin

représentation  du 17 mai au TNS  

C’est jusqu’au 25 mai