John Nelson

Les 7 et 8 juin derniers, la saison de l’OPS s’est achevée avec un évènement musical d’importance : l’enregistrement public de la symphonie dramatique d’Hector Berlioz, Roméo et Juliette. Un concert de qualité superlative et dont on se souviendra d’autant mieux qu’il a fait l’objet, au cours des deux soirées, d’un enregistrement par la firme Warner. Le chef américain John Nelson aura ainsi ajouté une pierre de plus à son projet discographique d’une intégrale Berlioz, entamée il y a quatre ans à Strasbourg avec Les Troyens, suivi de La Damnation de Faust ; deux enregistrements ayant l’un et l’autre, suscité commentaires élogieux et reçu d’innombrables distinctions. On ne prend pas de gros risques en annonçant un probable accueil du même type pour ce Roméo et Juliette d’exception.


Je ne manquerai pas, lors de la publication de l’enregistrement au printemps prochain, de me livrer à une analyse en détail de l’interprétation. Mais globalement, celle entendue le mardi 7 juin laisse sur une étonnante impression de fraîcheur et de jeunesse, particulièrement remarquable quand elle est insufflée par un chef octogénaire, doté au demeurant d’une verve et d’une vitalité peu communes. Sous sa houlette, l’orchestre d’une centaine de musiciens fait preuve d’une souplesse et d’une spontanéité de jeu qui, tous pupitres confondus, le place au niveau des meilleurs. La distribution vocale, elle aussi, est au sommet : on se réjouit de retrouver la mezzo Joyce Didonato, ici dans le rôle de Juliette. Quant au ténor Cyrille Dubois, il offre sa voix lumineuse à un Roméo fervent et passionné. Pour le Père Laurence, le chant, le phrasé et la diction de la basse Christopher Maltmann surclassent tout ce que j’ai pu entendre, dans ce rôle, jusqu’ici. Enfin les Coro Gulbenkian de Lisbonne (déjà remarqués dans La Damnation) et le Chœur de l’Opéra du Rhin, excellemment préparés par leurs chefs respectifs (parfois présents sur scène), auront rayonné par la qualité de leur chant et leur puissance vocale. Conçus dans le cadre de l’enregistrement, les déplacements scéniques des deux chœurs, tantôt au fond de la scène pour le petit chœur du début, puis de chaque côté et à mi-hauteur des rangées de fauteuil dans la seconde partie, enfin dans les premiers gradins devant l’orchestre lors de la scène finale auront ajouté à l’ambiance sonore et à l’atmosphère théâtrale. Son enthousiasme à maîtriser de tels dispositifs jointe à la puissance de son inspiration aura valu à John Nelson une ovation interminable, de la salle bien sûr, mais aussi de l’ensemble des musiciens sur scène.

Par Michel Le Gris

Photo © Nicolas Roses