Musica 2022

L’invitée d’honneur du Festival, Kaija Saariaho.

Musica, en attribuant une place importante à l’œuvre de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho reconnaît implicitement que la part donnée aux femmes dans la création musicale reste par trop discrète et qu’il est temps d’y remédier.


C’est donc, dès le début du Festival que nous avons pu suivre la représentation de son opéra « Only the sound remains » qui fait la part belle au théâtre Nô japonais à partir de deux contes dont le point commun est de parler de disparition. Ils ont été adaptés par le poète américain Ezra Pound à partir d’une traduction du japonologue Ernest Fenollosa.  Dans le premier « Always strong » il s’agit de la réapparition d’un guerrier Tsunemasa tué au combat dans un temple où il retrouve son luth. Dans le second « Feather Mantle » du manteau de plumes perdu par une nymphe qui le réclame au pêcheur Hagoromo qui l’a trouvé et se l’est approprié.

De grands artistes à la réputation internationale ont été requis pour cette superbe représentation.

 Une disposition scénique très simple signé Aleski Barrière et Etienne Exbrayat nous met en présence de différents protagonistes qui sont en l’occurrence les musiciens, les chanteurs et le danseur.

Côté jardin se tiennent les musiciens, le Quatuor Ardeo avec Carole Petitdemange et Mi-Sa Yang aux violons, Yuko Hara à l’alto et Matthijs Broersma au violoncelle et  le petit orchestre dirigé par le chef catalan Ernest Martinez Izquierdo, qui soutiendra avec audace et nuances, grâce aux flûtes de Camilla Hoitenga, aux percussions de Mitsunori Kambe et aux sons si particuliers du kantele, un instrument traditionnel de Finlande joué ici par Eija Kankaanranta, les péripéties des héros de ces aventures pleines de mystères et de surnaturel.

Côté cour ont pris place les chanteurs, solistes du Cor de Cambra del Palau de la Musica

La soprano Linnéa Sundfoer, la mezzo-soprano Mariona Llobera, le ténor Matthew Thomson, le baryton Joan Miquel Munoz. Ce sont eux qui vont narrer les aventures de nos héros et par les modulations de leurs voix nous en révéler les moments d’espoir ou d’abandon pour ce qui concerne le fantôme du guerrier mort qui retrouve son luth et par la même ses meilleurs souvenirs ou le harcèlement du pêcheur qui veut garder le manteau de plumes qu’il a trouvé et résiste  à la jeune sylphe qui le lui réclame.

Mais c’est au centre du plateau que se concentre la représentation, en fond de scène se dresse une immense cloison translucide dont le savant éclairage (Etienne Exbrayat) laisse entrevoir des ombres, des silhouettes. De là surgira le personnage tragique par excellence, celui qui les incarne tous le merveilleux danseur Kaiji Moriyama. Sa magnifique silhouette, au milieu d’immenses voiles blancs est en soi une apparition prodigieuse qui nous place dans ce monde de l’étrangeté qui constitue celui des personnages. Ses mouvements amples,parfois acrobatiques, en font une danse légère, aérienne,fascinante qui peut évoquer aussi les postures des sports de combats japonais.

La musique de Kaija Saariaho si nuancée, si raffinée et ici si bien interprétée et accompagnée, nous fait vivre un moment exceptionnel où se mêle subtilement Orient et Occident.

Représentation du 16 septembre au Maillon

Marie-Francoise Grislin