Hypnotic

Un film de Robert Rodriguez

Avec plus d’une vingtaine de longs-métrages à son actif,
Robert Rodriguez a démontré qu’il était un cinéaste éclectique. Le réalisateur américain d’origine mexicaine a en effet prouvé qu’aucun genre ne l’effrayait
.

Capable d’aborder le film de gangsters (El Mariachi et ses suites, les Desperados), celui de vampires (Une nuit en enfer), pour ensuite passer par le film d’invasion extra-terrestre (The Faculty), la comédie d’action pour adolescents (Spy Kids et ses nombreuses suites), le film d’anticipation (Alita : Battle Angel) et le film d’horreur(Planète Terreur), Robert Rodriguez a démontré sa curiosité à la moindre occasion. Son amour pour le cinéma s’étend à tous les genres, et le pousse même à cumuler de nombreuses casquettes sur chacun de ses films.

En effet, le réalisateur ne se contente pas de la mise en scène de ses films, il en est très souvent le scénariste, le producteur, le monteur, le compositeur, tout en se permettant ici ou là des petits caméos bien sympathiques. Véritable homme-orchestre, son amour du Septième Art lui fait embrasser ses créations comme peu de cinéastes aujourd’hui. Avec Hypnotic, il choisit d’aborder un genre hybride, entre le thriller psychologique et le film d’anticipation, renvoyant à des classiques du cinéma. A la vue de certaines scènes et concepts, comment en effet ne pas penser aux Matrix des Wachowski, ainsi qu’à Christopher Nolan et son célèbre casse-tête Inception…

Le début du film nous montre un flic, Danny Rourke (interprété par Ben Affleck), en pleine conversation avec sa psychiatre. Le personnage est fatigué, amaigri, il suit une thérapie suite à la disparition de sa fille quelques années auparavant. Alors que le père et sa fille partageaient un moment ensemble dans un parc de la ville, celle-ci avait brusquement disparu. Rourke avait juste détourné le regard une fraction de seconde, elle n’était plus là… La séance de thérapie touche à sa fin, Rourke est déclaré apte au service alors qu’on l’appelle justement sur une affaire urgente.

Sur le lieu du braquage en cours, il constate rapidement que certains intervenants se comportent de manière étrange. Comme agissant dans un état second. Commence alors une course contre la montre dans laquelle il va découvrir une sombre machination et des personnes aux capacités étranges. Il devra faire face à une organisation opaque, dont le but ne sera jamais très clair (bras armé secret des USA, obscure organisation criminelle, secte …?). Dans le rôle de ce père qui n’a toujours pas fait le deuil de sa fille disparue, Ben Affleck s’en sort plutôt bien, de même qu’Alice Braga (La Cité de Dieu, Le Rite, Elysium et plus récemment le Suicide Squad version 2021 de James Gunn) dans celui de sa compagne de fuite, Diana Cruz. Le grand méchant nous offre le plaisir de croiser William Fichtner, second rôle de plus d’une soixantaine de films (Heat, Armageddon, La Chute du Faucon Noir, Strange Days, En pleine tempête, Pearl Harbour, Hell Driver), surtout connu pour sa participation aux séries Prison Break et Crossing Lines. Sa présence suffit à personnifier une menace plausible, même si on aurait aimé voir le personnage de Lev Dellrayne un peu plus développé à l’écran.
Hypnotic s’avère être un drôle d’objet, une pellicule qui pourra paraître brouillonne à certains, tandis que d’autres y verront une fois encore la sincérité de son metteur en scène. Pour certains, Robert Rodriguez a réalisé un sous-Christopher Nolan. Nous préférons y voir un film à prendre au premier degré, plein de bonnes intentions, parsemé de rebondissements et qui nous donne la brève occasion de revoir cette bonne vieille trogne de Jeff Fahey.

La scène qui suit le début du générique laisse entendre qu’une suite serait possible, mais au vu des chiffres d’exploitation au box-office (très mauvais, en grande partie du fait d’une campagne publicitaire inexistante aux USA) cela est malheureusement peu probable….

Jérôme Magne

encontre avec le Conseil d’Administration (monde) Urban Sketchers

Événement rare, les 8 membres du Conseil d’administration (monde) Urban Sketchers se réunissent en France, à Strasbourg
du 8 au 13 septembre 2023.

À cette occasion nous organisons une rencontre ouverte à tous du 
8 au 10 septembre à Strasbourg

Vous vous demandez comment fonctionne l’association Urban Sketchers ?
Comment, créer, dynamiser un chapitre Urban Sketcher dans votre Ville ?
Vous voulez savoir quels sont les prérequis pour candidater à un Symposium USK ?
Vous êtes intéressé par un atelier ?
Vous souhaiter simplement venir dessiner et nous rencontrer ?

Rejoignez-nous !

Vendredi 8 septembre

Drink&Draw

À partir de 18h, Café Atlantico 9A Quai des Pêcheurs

Samedi 9 septembre :

Échanges avec le conseil d’Administration

Au caveau de l’AFGES 1 quai du Maire Dietrich (arrêt de tram Gallia)
9h00 à 10h30 : Tour d’horizon de l’organisation et des différents rôles au sein du Conseil d’Administration Urban Sketchers
10h30 à 12h00 : Comment candidater et accueillir un Symposium Urban Sketchers ?
14h00 à 15h00 : Comment créer et dynamiser un chapitre Urban Sketchers ?
15h00 à 16h00 : À propos d’Urban Sketchers France
16h00 : moment de rencontre entre administrateurs des chapitres Urban Sketchers

Sketchwalks

9h00 à 12h00 : quartier Petite France
14h00 à 18h00 : quartier Cathédrale

Drink&Draw

À partir de 18h, Café Atlantico 9A Quai des Pêcheurs

Dimanche 10 septembre :

Ateliers de 9h00 à 12h00:

1 Sélectionner et simplifier ce que vous dessinez, par Rita Sabler (USA) – Objectifs: capacité à simplifier des scènes complexes, à simplifier la végétation et l’architecture, à capturer l’essence d’un lieu

2 Choisir et fêter la couleur ! par Annette Morris (UK/FR) – Objectifs : capacité à faire des choix de couleurs compatibles en fonction d’une scène spécifique, en équilibrant les valeurs de couleur dans une composition, travailler avec l’espace blanc et l’aquarelle

3 Raconter votre histoire d’un lieu par, Genine Carvalheira (Colombie) – Objectifs : Apprendre à combiner les croquis en utilisant votre manière de dessiner, vos mises en page et textes pour restituer l’essence d’un lieu, enrichir vos souvenirs de voyage et raconter votre propre expérience.

Sketchwalks

9h00 à 12h00 : quartier Neustadt
14h00 à 18h00 : Place Saint-Étienne, desssiner en compagnie du Conseil d’Administration

Drink&Draw

À partir de 18h, Café Atlantico 9A Quai des Pêcheurs

• du 11 au 13 la réunion du Conseil d’administration (non ouvert au public)

Informations et inscriptions aux ateliers : https://france.urbansketchers.org

Zeitgenuss Karlsruhe

Festival für Musik unserer Zeit

Vom 12.–15. Oktober 2023

DONNERSTAG, 12.10.2023

Workshops und öffentliche Proben

11–17 Uhr Hochschule für Musik Karlsruhe CampusOne – Schloss Gottesaue

Räume werden auf dem aktuellen Tagesplan bekannt gegeben.

EINTRITT FREI

ZeitGenuss_EINS
Jubiläumskonzert 30 Jahre ALEPH Gitarrenquartett

ALEPH Gitarrenquartett
© Sabine Haymann

19:30 Uhr

Hochschule für Musik Karlsruhe CampusOne – Schloss Gottesaue Wolfgang-Rihm-Forum

ALEPH Gitarrenquartett Andrés Hernández Alba Tillmann Reinbeck Wolfgang Sehringer Christian Wernicke

SAM•ComputerStudio der Hochschule für Musik Karlsruhe, Klangregie

Hans-Peter Jahn, Moderation

Dominika Szope, Leiterin des Kulturamtes der Stadt Karlsruhe: Grußwort
Prof. Dr. Matthias Wiegandt, Rektor der Hochschule für Musik Karlsruhe: Grußwort

Uraufführungen von Birke Bertelsmeier, Ludger Brümmer, Huihui Cheng, Arturo Fuentes, Irene Galindo Quero, Zeynep Gedizlioğlu, Malte Giesen, Núria Giménez-Comas, Sara Glojnarić, Georg Friedrich Haas, Alberto Hortigüela, Markus Hechtle, Manuel Hidalgo, Nikolaus A. Huber, Peter Jakober, Jens Joneleit, Bernhard Lang, Sophie Youjung Lee, Yunseck Lee, Yangkai Lin, Jörg Mainka, Helmut Oehring, Jaime Reis, Franz Ferdinand August Rieks, José María Sánchez-Verdú, Martin Smolka, Mathias Spahlinger, Lisa Streich, Erika Vega, Gerhard E. Winkler, Fredrik Zeller.

15 Euro | 10 Euro (erm.)

Un dîner de génies

Le musée du Louvre a invité son homologue napolitain. Une occasion unique de contempler quelques grands chefs d’œuvre de la peinture européenne.

« A force de palais et de souverains installés dans le golfe, la ville est plutôt monarchiste que républicaine. Elle a besoin d’une reine ou d’un roi, mais seulement le dimanche. Les jours ouvrables, elle se gouverne toute seule, intolérante aux hiérarchies » note ainsi le célèbre écrivain italien Erri de Luca, dans son portrait de Naples qui figure en ouverture du magnifique catalogue qui accompagne l’exposition et tient lieu de véritable voyage pictural dans cette cité italienne à nulle autre pareille.


Raphael, Moïse devant le buisson ardent
© Luciano Romano Real Museo e Real Bosco di Capodimonte

De portraits, il en est d’ailleurs question dans la très belle exposition que consacre le musée du Louvre à son éminent invité transalpin, le musée de Capodimonte, venu avec quelques-unes des plus belles toiles de l’art européen. Car à la grande table que l’institution parisienne lui a dressé dans la Grande Galerie, comme un souverain invité dans celle des glaces de sa royale cadette, quelques places de choix ont été réservées aux grands maîtres que sont Léonard de Vinci ou Raphaël et leurs merveilleux cartons tirés des fresques des palais de Mantoue et du Vatican notamment ce Moïse devant le buisson ardent de toute beauté. Le pape, celui du Titien avec son fameux Portrait de Paul III avec ses petits-fils a même fait le déplacement et n’est pas venu seul puisqu’il est accompagné du Clément VII d’un Sebastiano del Piombo relégué cependant au milieu de l’auguste galerie. Eh oui, n’est pas Titien qui veut même si on sent chez ce dernier une petite pointe de jalousie de ne pas être l’objet de toutes les attentions de ces agapes touristiques, les visiteurs préférant La Flagellation du Christ d’un Caravage offrant d’émouvantes retrouvailles entre le fils et sa mère avec La Mort de la Vierge, l’une des fiertés du Louvre.

Caravage, La Flagellation du Christ
© Luciano Romano Real Museo e Real Bosco di Capodimonte

Ceux de moindre renommée mais non de qualité inférieure, qui ont pris place en bout de table, ont trouvé des homologues avec qui converser. L’exposition ainsi disséminée dans la Grande Galerie justifie sa pertinence : celle d’offrir un dialogue entre des Ribera, des Preti ou des Apollon et Marsyas notamment d’un Luca Giordano, artiste en vogue de cet été pictural qu’il fallait avoir à sa table. Le visiteur a ainsi le sentiment de revenir dans quelques ateliers napolitains pour découvrir des similitudes, des techniques avant que ces chefs d’œuvre ne s’envolent, à travers les vicissitudes de l’Histoire, de part et d’autre des Alpes. Le Saint Jérôme et l’ange du jugement d’un Ribera figurant un saint au corps vieillissant ou le Saint Nicolas en extase d’un Preti avec ses variations de blancs et de gris méritent assurément le détour. Nous reprendrons bien volontiers un peu de poissons de Giuseppe Recco ou de Parmesan surtout quand celui-ci vous est donné par la magnifique Antea.

Pour autant, il était à prévoir que même les strapontins de ce dîner pictural seraient convoités. Y viendraient s’assoir rois et maréchaux français et notamment le plus napolitain d’entre eux, Joachim Murat dont le portrait équestre d’Antoine Gros, rappelle, après les Farnèse et des Bourbons peints par l’espagnol Anton Raphael Mengs, que Naples fut une cité européenne en même temps qu’une ville monde, tant artistique que politique.

Vient alors le dessert forcément éruptif aux couleurs éclatantes et pimentées à faire rougir Lucrèce ou à draper la Judith d’Artemisia Gentileschi lorsque cette dernière s’apprête à découper ce dernier et non la tête d’Holopherne pour régaler nos yeux et nos papilles. Une magnifique exposition donc à voir et à revoir pour apprécier telle œuvre, tel détail, croiser le regard de Giulio Claro du Greco ou celui, apeuré de l’Abel de Spada. Une exposition pareille à un dîner où la curiosité comme l’appétit s’avèreront forcément insatiables.

Par Laurent Pfaadt

Naples à Paris.
Le Louvre invite le musée de Capodimonte, Musée du Louvre,
jusqu’au 8 janvier 2024

A lire le merveilleux catalogue de l’exposition :

Naples à Paris. Le Louvre invite le musée de Capodimonte, Louvre éditions, Gallimard, 320 p.

Ainsi que les romans d’Erri di Luca regroupés dans Itinéraires, le volume de la collection Quarto de Gallimard

Les récents CD de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg

Leos Janacek (1854 – 1928)
Messe Glagolitique JW 3/9, version septembre 1927
Sinfonietta  JW 6/18
Malin Byström, soprano
Jennifer Johnston, mezzo
Ladislav Elgr, ténor
Adam Plachetka, baryton-basse
Johann Vexa, orgue
Chœur philharmonique tchèque de Brno, direction :
Petr Fiala
Orchestre philharmonique de Strasbourg, direction :
Marko Letonja
Warner classics

Enregistrée fin août 2021 dans une salle Érasme sans public, la Messe glagolitique de Leos Janacek dirigée par Marko Letonja offre bien des qualités, à commencer par celle de faire entendre la version originale de l’œuvre, celle de septembre 1927, rarement jouée ; bizarrement, on lui préfère le plus souvent celle éditée deux ans plus tard, après la mort du compositeur : simplifiant le jeu des musiciens et amoindrissant quelque peu le dramatisme de l’œuvre, elle comporte en outre des changements effectués sans le consentement explicite de Janacek. 

De cet oratorio agnostique écrit en vieux-slave (glagolitique désigne son alphabet), l’ancien directeur musical de l’OPS nous laisse une interprétation des plus attachantes, jouant d’un bel équilibre entre la dimension sombre et le côté explosif et vitaliste d’une partition écrite dans la fébrilité par un homme de 73 ans, éperdument amoureux d’une jeune femme de quarante ans sa cadette à qui il dédiera d’ailleurs son dernier quatuor à cordes, Lettres intimes. Le début du disque pourra cependant surprendre car cette version originelle ne s’ouvre pas sur l’habituelle introduction cuivrée mais par cette courte intrada d’une gestique effrénée et convulsive, qui généralement conclut l’œuvre mais du coup l’ouvre également : le caractère insolite de cette étrange messe s’en trouve encore accentué. Dans l’Introduction, ainsi placée en second mouvement, Marko Letonja obtient des vents du philar de belles couleurs patinées, évoquant l’aspect d’un vieux vitrail, bien plus prenantes et envoutantes que le brillant voire le clinquant que l’on y met parfois. A la gravité du Kyrie, succède la verve du Gloria, un hymne à la vie particulièrement bien rendu dans cet enregistrement. Mouvement le plus long de l’œuvre, le Credo est également restitué dans la diversité de ses atmosphères changeantes. Quant aux incantations vocales et cuivrées du Sanctus, elles sont des plus enthousiasmantes, avant que l’Agnus dei ne réinstalle une atmosphère plus grave.

Un bon quatuor vocal (où l’on remarque notamment le ténor Ladislav Elgr), le Chœur philharmonique tchèque de Brno (où professa Janacek) et les musiciens de l’OPS participent intensément à la réussite de cette entreprise. La réalisation technique par l’équipe Warner est également de première ordre : écoutée dans de bonnes conditions domestiques, l’acoustique de la salle Érasme est parfaitement reconnaissable. La célèbre Sinfonietta qui complète le disque montre le chef et ses musiciens de l’OPS décidément très en phase avec la musique de Janacek. Avec des moyens bien personnels, jouant du détail et de la grande ligne, de la puissance et des timbres mais sans exagération, l’ancien directeur de l’orchestre retrouve la poésie des grandes interprétations tchèques, celles anciennes de Karel Ancerl et de Vaclav Neumann et nous fait regretter de ne pas nous avoir fait plus entendre cette musique en concert. A l’écoute de cet enregistrement, on en vient à se demander si d’autres orchestres français sont à ce point capables de restituer ces couleurs d’Europe centrale.


Hector Berlioz (1803 – 1869)
Les Nuits d’été op.7 version de 1856
Harold en Italie op.18
Michael Spyres, ténor
Timothy Ridout, alto
Orchestre philharmonique de Strasbourg, direction :
John Nelson
Erato 

Quelques semaines plus tard, dans la même salle mais en public cette fois, l’orchestre retrouvait le chef américain John Nelson pour deux concerts enregistrés dans le cadre d’une intégrale Berlioz si brillamment relancée à Strasbourg il y a cinq ans, avec Les Troyens et La Damnation de Faust. Fort apprécié tant dans le rôle d’Énée que dans celui de Faust, le baryténor Michael Spyres est ici le protagoniste du cycle Les Nuits d’été, composé par Berlioz sur des poèmes de Théophile Gauthier d’abord au piano, puis orchestré quinze ans plus tard, en 1856. Si les premier, quatrième, cinquième et sixième chants sont écrits dans une tonalité relativement aigue, les deuxième et troisième ressortissent à un registre plus grave. L’œuvre est alors donnée tantôt avec le concours d’une mezzo et d’un baryton, tantôt par une soprano au spectre suffisamment large et modifiant les tonalités le cas échéant. Dans cet enregistrement strasbourgeois, Michael Spyres a choisi de chanter seul tout le cycle sans opérer le moindre changement. Si on admire la beauté vocale et l’étendue de son spectre sonore d’autant mieux que la prise de son s’avère des plus respectueuses, on n’en reste pas moins sur les mêmes impressions que lors du concert, celle d’une belle performance vocale manquant quelque peu d’engagement et de contraste dans les changements d’atmosphère émaillant le cycle.

Donnée avec le concours du jeune altiste Timothy Ridout, Harold en Italie, pièce symphonique en quatre mouvements pour alto et grand orchestre fut enregistré lors de ces mêmes soirées. Avec une fidélité sonore vraiment louable, le disque réveille les impressions ressenties au concert : d’abord, un jeu d’alto d’une éloquence exceptionnelle, un orchestre d’une vitalité et d’une musicalité hors du commun dans les trois premières parties de l’œuvre (Harold aux montagnes, Marche des pèlerins, Sérénade d’un montagnard) ; en revanche, dès le début de la quatrième partie, des accents un peu raides et quelques manques d’élan font vite comprendre que John Nelson n’est pas très à son aise dans l’Orgie des brigands, qui sied bien mieux à des chefs comme Charles Münch, Léonard Bernstein, Alain Lombard (enregistré lui aussi à Strasbourg en 1974) voire, plus près de nous, John Eliott Gardiner.


Hector Berlioz (1803 – 1869)
Roméo et Juliette, Symphonie dramatique
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Cyrille Dubois, ténor
Christopher Maltman, baryton
Cléopâtre, Scène lyrique
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Coro Gulbenkian, direction : Jorge Matta
Choeur de l’Opéra national du Rhin, direction :
Alessandro Zuppardo 
Orchestre philharmonique de Strasbourg, direction :
John Nelson
Double album Erato 

Clôturant la saison musicale, la symphonie dramatique Roméo et Juliette fut donnée en juin 2022 et enregistrée à cette occasion. Le souvenir de cette soirée enthousiasmante se retrouve dans une publication qui ne suscite guère de réserves, sinon celle d’une légère faiblesse vocale du côté du Père Laurence (tenu par Christopher Maltman), heureusement compensée par une excellente diction et une incarnation théâtrale du personnage. Pour le reste, à défaut de vivre une relation pérenne, Roméo et Juliette ont trouvé, en les personnes de Cyrille Dubois et de Joyce DiDonato, une union musicale enviable.  Le Coro Gulbenkian (déjà apprécié dans la Damnation) et le Chœur de l’Opéra du Rhin sont d’une vaillance parfaite, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg soutient toutes les comparaisons. La direction de John Nelson déploie un équilibre supérieur entre la beauté lyrique de l’œuvre et les moments de très grande agitation. Par leur qualité orchestrale et leur ambiance shakespearienne, certains moments sont d’une qualité superlative, notamment toute la partie introductive, du tumulte initial jusqu’à la tristesse de Roméo. Dans la lignée des Troyens et de la Damnation, cette version strasbourgeoise de Romeo et Juliette s’inscrit, elle aussi, au plus haut niveau de la discographie, aux côtés de celles de John Eliott Gardiner et de Colin Davis, la vieille version bostonienne de l’alsacien Charles Münch demeurant, sinon inégalable, sans doute inégalée. Celle de Nelson bénéficie d’une prise de son supérieure à toutes les autres. Enregistrée hors concert, le présent double album se voit en outre complétée d’une fort belle version de la pièce lyrique Cléopâtre, assortie de la voix toujours si prenante de la cantatrice américaine mais parfaitement francophone, Joyce DiDonato. 

Les soirées consacrées à Roméo et Juliette furent les dernières apparitions de John Nelson à Strasbourg, où il se montrait dans une forme excellente. Sa venue était programmée pour une version de concert et l’enregistrement d’une Carmen de Bizet (toujours avec Joyce DiDonato) en avril de cette année. Il devait ensuite poursuivre la mise en disque de son projet Berlioz à Copenhague, avec la Symphonie fantastique suivie de Lélio. La nouvelle d’un sérieux accident de santé est tombée entretemps, l’obligeant à annuler ces deux projets. Souhaitons-lui de s’en remettre et de pouvoir les reprendre.Commencée au tournant du siècle, son intégrale Berlioz se compose d’ores et déjà de Benvenuto Cellini (avec l’Orchestre National de France), du Te Deum (avec l’Orchestre de Paris), du Requiem (récemment à Londres, avec le Philharmonia), des Troyens, de La Damnation de Faust, des Nuits d’Été, de Cléopâtre, de Harold en Italie et de Roméo et Juliette (ces dernières années à Strasbourg). Rappelons aussi qu’à ses débuts discographiques, l’OPS avait enregistré sous la direction de son chef, Alain Lombard, des opus berlioziens remarqués par la critique d’alors (la Fantastique, Harold, Roméo, plusieurs ouvertures), encore trouvables sous forme de vinyles, dans des boutiques d’occasion. Peut-être Warner, qui a récupéré le fonds Erato, les republiera-t-il un jour ?

Michel Le Gris  

Un Français au Valhalla

Sébastien Loeb fut l’un des rares pilotes à tenir tête à l’armada finlandaise 

On raconte dans son village natal, près d’Haguenau en Alsace, que tout le monde savait quand Sébastien Loeb était de retour chez lui lorsque rugissait dans les rues d’ordinaire calmes de la paisible bourgade, le vrombissement de son moteur. A l’époque, il n’était pas encore le nonuple champion du monde WRC des rallyes mais un jeune pilote fougueux rêvant de se couvrir de gloire sur les routes et les pistes du monde entier, du bitume escarpé de Monte-Carlo aux sables du Dakar en passant par les forêts de Finlande.


Sébastien Loeb au rallye de Monte-Carlo en 2022
Getty Image

En début du mois d’août justement, nombreux furent les fans finlandais à braver les moustiques pour assister à « leur » rallye, l’un des plus difficiles du circuit avec ses sauts, ses passages montagneux à grande vitesse et pour acclamer leurs guerriers automobiles. D’ailleurs, nombreux ont été ces vikings de la vitesse à avoir effectué des raids sur les plus grandes courses automobiles du monde jusqu’à glaner avec Mika Hakkinen, Ari Vatanen, Marcus Gronholm ou Kimi Raïkkonen, quelques titres mondiaux.

La Finlande a toujours été une terre de pilotes de course notamment en rallye et en F1. Il constitue d’ailleurs l’un des pays les plus les plus titrés de ces vingt-cinq dernières années en F1, plus que ses voisins scandinaves, que la France où l’Italie, terres de Renault et Ferrari en F1. En rallye, seuls deux Français, Sébastien Loeb et Sébastien Ogier ont été en mesure de contester leur hégémonie au prix de dépassements à la limite de l’accident.

Champion du monde le plus titré du sport automobile avec neuf titres – même le baron rouge Michael Schumacher dut s’arrêter à sept – Sébastien Loeb doit être comparé à Rafael Nadal et ses dix titres à Roland-Garros ou à Lionel Messi c’est-à-dire à une légende du sport. Une légende qui a donné, de son vivant, son nom à des bâtiments publics, à une rue dans une ville de la Drome et qui possède son attraction dédiée au Futuroscope. Une légende qu’il a forgé notamment durant ce rallye de Finlande en 2008. « Il est des succès qui ont l’âcre goût de la douleur et de la peur. Celui acquis en Finlande à l’été 2008, sur la terre des spécialistes nordiques reste unique en son genre (…) Car pour battre les Finlandais sur leurs terres, il a fallu se lâcher complètement et surtout accepter de prendre de gros risques » écrit ainsi Sébastien Loeb dans ses mémoires.

Pas étonnant donc qu’il suscita bande-dessinées à sa gloire.  Celle, très belle, d’Alain Gillot et Renaud Garreta, revient non pas sur ce rallye de Finlande qu’il remporta pour neuf secondes face à Mikko Hirvonen mais sur celui de Monte-Carlo qu’il décrocha, à la surprise générale, à 47 ans, en 2022 signant sa 80e victoire ! L’occasion pour les auteurs d’effectuer de judicieux aller-retours avec sa jeunesse, le garage de Den’s à Oberhoffen/Moder, son village natal, ou son service militaire pour décrire cet intrépide champion en devenir où sommeillait déjà cette rage de vaincre qu’il libéra lors des innombrables rallyes qu’il disputa.

En 2011, bataillant jusqu’au au bout face à ce même Hirvonen, Sébastien Loeb remporta le 500e rallye du Mondial, s’ouvrant la voie vers un huitième titre au cours d’une saison particulièrement serrée. Un nouveau succès, l’année suivante, en 2012 allait lui valoir le surnom de « Loebinen ». De quoi, entrer vivant, dans le Valhalla des pilotes.

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Sébastien Loeb, Ma ligne de conduite, Michel Lafon, 329 p. 2013

Alain Gillot, Renaud Garreta, Sébastien Loeb, Pour la légende, Casa editions, 80 p.

Quatre garçons dans la tempête

Deux ouvrages reviennent sur l’histoire du groupe de heavy metal Metallica

Il y a tout juste quarante ans, quatre jeunes californiens inconnus sortaient leur premier album. Baptisé Kill Em all (Tuez-les tous), celui-ci allait non seulement devenir culte avec des titres comme Seek and Destroy ou Whiplash désormais entonnés à chaque concert, obtenir cinq étoiles du magazine Rolling Stone mais surtout signer le point de départ d’une incroyable aventure musicale qui allait conduire le groupe à remporter dix Grammy Awards – plus qu’Elvis Presley, James Brown ou The Police – et à remplir des stades entiers.


James Hetfield aux Monsters of Rock, 1987 

The Four Horsemen, titre de l’une des chansons de Kill Em all, est devenu le surnom de ce quatuor porté par la voix et les compositions de James Hetfield et la batterie unique d’un Lars Ulrich. Le livre de Marc Aumont évoque ces premières années qui suivirent la naissance du groupe en 1981 après la fameuse annonce dans un journal local de Los Angeles d’un Lars Ulrich recherchant d’autres musiciens. Deux membres fondateurs (Hetfield, Ulrich) qu’une nouvelle annonce porta à trois avec le recrutement de Dave Mustaine, « l’imprévisible », qui claqua la porte deux ans plus tard, avant l’enregistrement de Kill Em All, remplacé par Kirk Hammett, ancien élève de Joe Satriani. Cliff Burton, le bassiste, rejoignit le trio pour former la version première de Metallica qui produisit deux albums de légende : Ride the lightning (1984) avec notamment For Whom the Bell Tolls et Creeping Death puis surtout Master of Puppets (1986) dont la chanson éponyme est devenue l’un des titres phares de la série Stranger things.

Embarqué dans les bus et les avions de ces concerts et ces tours sans fin, ce livre passionnant suit pendant près de quatre décennies, le groupe sur la route, des petites salles lors de la conquête de l’ouest des Etats-Unis à l’été 1983 aux stades et autres grandes messes en plein air comme cet incroyable concert, cette « démesure totale » comme le rappelle Marc Aumont, donnée sur la base aérienne de Tuschino près de Moscou quelques mois avant la chute de l’URSS en 1991 et drainant près d’un million de fans ! Bien évidemment l’ouvrage ne fait pas l’impasse sur les crises que traversa le groupe. La drogue et l’alcool qui conduisirent au départ de Dave Mustaine qui fonda Megadeth. La mort de Cliff Burton dans un accident de bus, remplacé par Jason Newsted qui fit des merveilles sur And Justice for all et le Black Album avant son départ, remplacé par l’actuel bassiste, Robert Trujillo.

Tout au long de ces quarante années, le son de Metallica a évolué mais le point de bascule fut atteint à l’occasion du Black album vendu à trente millions d’exemplaires et qui fit entrer le groupe dans une dimension planétaire avec leurs titres Nothing else matters ou The Unforgiven. Certains y ont vu un reniement. D’autres, une consécration. A cette occasion, le photographe Ross Harlin suivit le groupe durant les deux années de leur tournée planétaire, entre 1991 et 1993, et en tira un livre incroyable de photographies en noir et blanc. Souvent inédites, elles montrent le groupe entre Djakarta et Turin, entre Jacksonville en Floride et Mexico, sur la route, en backstage ou à travers de magnifiques portraits. Moscou est à nouveau présente mais à la foule de Tuschino, Ross Halfin a préféré des scènes plus intimes comme la pose d’un Lars Ulrich devant un drapeau de Lénine. Ou ce magnifique cliché pris à Denver dans le Colorado de ce même Ulrich répondant au téléphone sans savoir qui se trouve au bout du fil. Robert Trujillo, alors bassiste de Suicidal Tendencies qui assurait à cette époque les premières parties du groupe californien, et livre sa perception extérieure du Black Album, considère ainsi que Ross Halfin apporte avec ses clichés « une touche et une approche uniques à ce que l’on peut appeler l’œil du cyclone de tout concert de rock’n’roll ».

Kirk Hammett en répétition à Copenhague
Photograph : Ross Halfin

Le photographe dévoile ainsi les hommes derrière leur musique. Les liens d’affection entre James Hetfield et Lars Ulrich explosent littéralement, le côté secret d’un Kirk Hammet qu’il rompt uniquement en concert, est émouvant. Devenus les personnages d’une histoire et d’un voyage photographiques, Ross Halfin restitue dans ses pages une atmosphère assez unique.

Ce livre, magnifique, enchantera aussi bien les fans du groupe que les simples amateurs de musique, conscients de se trouver devant l’un des mythes de la musique, à ranger définitivement aux côtés des Beatles, des Rolling Stones ou de Led Zeppelin. De l’aveu même de James Hetfield, « ce livre raconte l’incroyable voyage entrepris avec le Black Album. » Un voyage au-delà de la musique.

Par Laurent Pfaadt

Ross Halfin, Metallica, The Black Album en noir et blanc, Glénat, 2022

Marc Aumont, Metallica, bêtes de scène, EPA, 2022

Obscurci est le soleil, ternes sont les étoiles

Mammucari, Nero, Tome 1 – Obscurci est le soleil, ternes sont les étoiles
Aux édtions Dupuis, 144 p.

Voilà une série qui promet ! Emiliano Mammucari, à qui l’on doit l’univers graphique des Orphelins, publie le premier tome de cette incroyable saga où il fait se rencontrer histoire et magie. Nous sommes alors à la veille de la prise de Jérusalem en 1099 et la guerre fait rage entre musulmans et croisés. Nero, intrépide guerrier arabe, croise la route d’un chevalier franc. Les deux hommes semblent unis par un même destin, celui d’une grotte où sommeillent des djinns, ces démons capables de donner la victoire à l’un des deux camps.

Cependant, ce pacte avec les djinns a un prix. Le lecteur, après la scène d’ouverture, avale les pages en tentant de savoir pourquoi Nero a tué son père qui tenta, tel Abraham, de le sacrifier à Iblis, le Djinn du feu. Dans le même temps, le chevalier franc, fin lettré, a lui aussi fait l’expérience de la morsure du démon sans que l’on sache réellement pourquoi. Autant de mystères et de suspense parfaitement entretenus par un scénario raconté à la manière d’une chronique médiévale qui ne souffre d’aucune faiblesse. Et sous couvert d’une fureur sanguinaire, le lecteur découvre alors un Nero destiné à combattre les forces du mal qui séduisent les hommes de son propre camp qui ne songent qu’à conserver leur propre pouvoir.

Avec des dessins pleins de fureur et de couleurs – magnifiques variations de bleus, de rouges et d’orangés – Emilio Mammucari, aidé de Matteo Mammucari au scénario et d’Alessio Avallone au dessin signe le fascinant premier épisode d’une série dont on a hâte de connaître la suite et dont on suppute qu’il nous réservera quelques surprises.

Par Laurent Pfaadt

Le tome 2, D’ombres et de murmures, sortira le 18 août 2023.