à l’écoute

Le second concert de la saison de l’OPS associait les noms de Maurice Ravel et de Sergueï Prokofiev dans de grandes œuvres de la première moitié du 20ème siècle. Placé sous la direction de son chef Aziz Shokhakimov, l’orchestre accueillait le pianiste français très réputé, Bertrand Chamayou.


Bertrand Chamayou
©Marco Borggreve

A l’écoute de ce concert, et après celle d’un bon Daphnis et Chloé de Ravel et d’une prodigieuse Fantastique de Berlioz durant la saison dernière, on finit par se demander si Shokhakimov, le jeune directeur de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, n’est pas plus à l’aise dans la musique française qu’avec les compositions russes dans lesquelles il a pourtant du baigner très tôt durant sa formation. Toujours est-il que, si la seconde partie du concert dévolue à Ravel s’est révélée fort bonne, la première consacrée à cette grande partition qu’est la cinquième symphonie de Prokofiev s’avéra plutôt décevante. Dans le magnifique andante initial, s’ouvrant de façon poétique telle une promesse de l’aube conduisant vers une conclusion glorieuse et prométhéenne, l’orchestre peine à décoller, la texture sonore systématiquement épaisse et les phrasés d’une raideur constante empêchent la grande ligne de se faire entendre. Le souffle épique qui soulève la fin de ce premier mouvement passe presque inaperçu, enseveli sous des percussions d’une lourdeur inappropriée. Dans le prodigieux allegro marcato qui lui succède, on eût aimé que le côté à la fois vif, cinglant, rauque et moderne de l’écriture soit bien mieux souligné ; et que la nostalgie grave et lyrique qui traverse ensuite le troisième mouvement adagio soit davantage présente. Seul l’allegro giocoso conclusif semblait enfin approcher la vitalité de cette œuvre.

Pour le concerto en sol de Ravel, chef d’oeuvre pianistique de la musique française, on avait donc invité Bertrand Chamayou, pianiste particulièrement renommé dans ce répertoire. C’est l’occasion de rappeler que l’une des plus grandes versions discographiques de ce concerto fut enregistrée ici même à Strasbourg dans les années 1970 par la pianiste Anne Queffelec, dans un style très poétique et expressionniste, magnifiquement soutenu par l’orchestre d’Alain Lombard. C’est une toute autre approche que nous a fait entendre, le soir du 4 octobre, Bertrand Chamayou. Dès les premiers accords et jusqu’aux notes conclusives, il aura fait valoir une conception rapide et concentrée, toute en dentelles, assez minimaliste au plan sonore et fort retenue sentimentalement parlant. Elle n’en fit pas moins entendre de très grandes beautés musicales, tout à fait présentes pour les auditeurs du bas mais dont il n’est pas sûr qu’elles se soient propagées jusqu’aux rangées les plus hautes de la salle. Quoi qu’il en soit, on fut également heureux d’entendre l’orchestre de Shokhakimov déployer une palette sonore subtile et raffinée, en accord parfait avec le jeu pianistique. En guise de bis, Chamayou nous offrit une Pavane pour une infante défunte dans une approche sobre et dépouillée, similaire à celle du concerto.

Depuis bientôt un siècle qu’on le joue, l’archi-célèbre boléro aura suscité toutes les approches possibles imaginables, des plus effervescents et entraînants jusqu’aux dramatiques et quasi-tragiques en passant par les séducteurs, captieux et envoutants mais aussi d’autres se cantonnant dans une expression sobre et mystérieuse, à l’instar du témoignage laissé par Ravel lui-même dans son enregistrement. C’est à ce modèle-là qu’il faut rattacher la très bonne et très belle exécution proposée, le soir du vendredi 4, par Shokhakimov et l’orchestre, témoignant du niveau de ses instrumentistes. Des premiers jusqu’aux ultimes accords, on aura particulièrement apprécié un phrasé des plus subtils et un alliage de timbres d’une qualité exceptionnelle.

Michel Le Gris

Repères discographiques :
Prokofiev, 5ème symphonie
– Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan (DG)
– Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet (Decca)
– Orchestre National de France, Jean Martinon (Testament)

Ravel, Concerto piano en sol
– Anne Queffelec,
– Orchestre philharmonique de Strasbourg, Alain Lombard (Erato)
– Samson François, Société des Concerts, André Cluytens (Warner)
– Orchestre National de France, Léonard Bernstein direction et piano (Warner)

Boléro
– Orchestre symphonique de Boston, Charles Münch (RCA)
– Orchestre philharmonique de New York, Pierre Boulez (Sony)
– Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert von Karajan (DG)
– Orchestre philharmonique de Munich, Sergiu Celibidache (Warner)
– Société des Concerts, Constantin Silvestri (Warner)
– Orchestre National de France, André Cluytens (Warner)

Sélection Festival America

Sortis à l’occasion de la rentrée littéraire ou plus anciens, Hebdoscope vous propose une sélection d’ouvrages d’auteurs présents au Festival America de Vincennes


Hernan Diaz : Trust, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, Points, 456 p.

Prix Pulitzer 2023, Trust raconte l’histoire du magnat de la finance Benjamin Rask qui s’est enrichi après l’effondrement de Wall Street. Mais qui est-il réellement et pourquoi est-il si secret ?

Pour connaître l’épilogue de ce roman, le lecteur devra en permanence remettre en cause ces certitudes car en maître des illusions, Hernan Diaz, ne lui épargnera rien. Alternant plusieurs voix littéraires sous la forme de quatre processus littéraires absolument stupéfiants, Trust est un véritable tourbillon littéraire. Grand livre sur le rapport à l’argent, Trust montre également à quel point la réussite peut bien souvent devenir une cage.

Katja Schönherr, La famille Ruck, traduit de l’allemand par Barbara Fontaine, éditions ZOE, 352 p.

Présent dans la première sélection du prix Médicis étranger, La famille Ruck raconte l’histoire d’une famille ordinaire d’ex Allemagne de l’Est. A l’occasion d’un été où il a dû revenir auprès de sa mère malade, Carsten, directeur marketing à Berlin et pas très enchanté de se coltiner cette dernière, emmène avec lui sa fille Lissa, une ado chiante à mourir. Voilà donc nos trois générations réunies sous le même toit pour un jeu de massacres jubilatoire grâce au talent littéraire de Katja Schönherr. Tiraillée entre ses désirs personnels et ses obligations familiales, la cohabitation s’annonce périlleuse entre quolibets réprobateurs et autres mesquineries.

Une comédie sociale où l’on passe son temps à détester puis à aimer nos trois personnages. Un livre génial quoi.

Aleksandar Hemon, Un monde de ciel et de terre, traduit de l’anglais par Michèle Albaret-Maatsch, Calmann-Levy,

Qui a dit que l’amour était plus fort que tout ? Plus fort que les différences culturelles. Plus fort que les stéréotypes. Plus fort que l’Histoire. Aleksandar Hemon assurément. Dans ce roman puissant qui a remporté l’an passé le Grand prix de littérature américaine, l’auteur américain d’origine bosnienne nous emmène dans une fresque incroyable à travers la première partie de ce 20e siècle sanglant ayant débuté à Sarajevo. Deux hommes, Rafael, juif séfarade et Osman, un bosniaque musulman servant tous deux dans l’armée austro-hongroise, se rencontrent en Ukraine et tombent amoureux. Ce duo devient bientôt trio avec Rahela, la fille d’Osman devenue « leur fille » et que Rafael protégera envers et contre tout.

D’une plume épique qui rappelle parfois les films de Terence Malick avec ses successions de moments de grâce et de violence inouïe, Aleksandar Hemon nous emmène dans un voyage littéraire unique, magnifique au son de la sevdah, cette musique traditionnelle bosnienne et des multiples langues dispensée par ce coryphée littéraire, des prisons de Tachkent à Jérusalem en passant par Shanghaï et la vallée de Ferghana pour faire revivre ce passé qui a disparu. Inoubliable.

Stephen Markley, Le Déluge, traduit de l’anglais par Charles Recoursé, Albin Michel, 1056 p.

Comment ne pas passer à côté du Déluge de Stephen Markley, petit prodige de la littérature américaine, auteur d’Ohio qui remporta en 2020, le Grand prix de littérature américaine et est en cours d’adaptation télévisée ? Dans ce deuxième roman aux allures de fresque écolo qui coure sur un quart de siècle, l’auteur nous emmène au début de ce 20e siècle bouleversé par le réchauffement climatique en compagnie de personnages certes hétéroclites mais qui illustrent, chacun à leur manière, les défis représentés pour chacun de nous par le changement climatique et leurs conséquences politiques, économiques et sociales.

Avec son écriture cinématographique qui le fait ressembler à un film catastrophe de trois heures signé Roland Emmerich, ce romanest un véritable page-turner. Sorte d’arche de Noé contemporaine regroupant les différentes sensibilités de l’âme humaine, Le Déluge installe bel et bien Stephen Markley au sommet des lettres américaines. Une dystopie ? Non, un avertissement.

Dawnie Walton, Le Dernier Revival d’Opal et Nev, traduit de l’anglais par David Fauquemberg, Zuma, 512 p.

Prêt pour plonger dans le grand bain de la musique rock de la fin des années 60 ? A l’occasion du retour sur la scène musicale du célèbre duo Opal et Nev, le roman de Dawnie Walton, outre une savoureuse plongée dans les années 60, est avant tout une histoire de domination culturelle où comment les dominants écrivent l’histoire pour en exclure les dominés. A travers le prisme de la musique et de la culture pop qui réservera bien du plaisir aux lecteurs, Dawnie Walton fait voler en éclats, sur fond de lutte pour les droits civiques, nos certitudes et nos modèles culturels.

Immense succès littéraire aux Etats-Unis salué par Barack Obama et en cours d’adaptation en série télévisée, Le Dernier Revival d’Opal et Nev laissera dans votre esprit une petite mélodie littéraire que vous n’êtes pas prêt d’oublier.

Dario Diofebi, Paradise, Nevada, traduit de l’anglais par Paul Mathieu, Albin Michel, 656 p.

Un livre comme une partie de poker avec ses faux semblants, ses joueurs qui bluffent et cette tension qui monte tout au long de la partie. Cela tombe bien car notre auteur, joueur professionnel nous emmène dans l’hôtel Positano de Las Vegas qui vient d’exploser en compagnie de quatre personnages de prime abord différents mais qui cachent en réalité bien leur jeu que l’auteur dévoile habilement tout au long du récit.

Meilleur roman anglophone 2023 du magazine Transfuge, figurant parmi les 100 meilleurs livres de l’année 2023 du magazine Lire, vous ne lâcherez ce roman qu’une fois la dernière page lue.

Par Laurent Pfaadt

Rentrée littéraire Romans étrangers

Hebdoscope vous propose une sélection des meilleurs romans étrangers de cette rentrée littéraire

Joyce Carol Oates, Boucher, traduit de l’anglais (américain) par Claude Seban, éditions Philippe Rey, 400 p.

Elle revient avec le couteau entre le dents. Ou plutôt dans la main de Silas Aloysius Weir, médecin demeuré célèbre pour avoir été le chantre de la gyno-psychiatrie qui a contribué à mutiler de nombreuses femmes au nom de la soi-disante science. Elle suit ainsi cet avatar du docteur Frankenstein, dans cet asile de Trenton dans le New Jersey en compagnie de son directeur, Henry Cotton qui pensait guérir ses patientes en leur retirant certains organes, rien que cela !

A travers ce nouveau roman qui plonge ses racines qui ce gothique mystérieux qu’elle a transcendé notamment dans Bellefleur et La Légende de Bloodsmoor, Joyce Carol Oates offre une nouvelle réflexion sur l’utilisation du corps des femmes par les hommes notamment via leur sexe, réflexion abordée notamment dans son roman sur l’avortement (Un livre de martyrs américains, Philippe Rey, 2019) en même temps qu’une nouvelle plongée dans la psyché humaine pour nous montrer toutes les atrocités dont l’être humain peut se rendre coupable.

Dans Boucher, l’écrivaine manie une nouvelle fois avec le génie littéraire qui le sien, ce scalpel qui lui sert, depuis tant d’année à disséquer l’âme américaine. Le décor gothique de son intrigue dans ce 19e siècle lui permet ainsi de revenir, une fois de plus, sur les rapports de domination entre les femmes et les hommes notamment dans la sphère privée, entre les puissants et les autres au nom d’une morale factice.

Un livre que Stephen King, maître de l’horreur et d’armes tranchantes par excellence a qualifié « de féroce, éprouvant, inspiré de faits réels, que vous dévorerez d’une traite ». Joyce Carol Oates, la magicienne des lettres américaines, capable de transformer un fait divers en livre inoubliable a, une nouvelle fois, frappé.

Alaa El Aswany, Au soir d’Alexandrie, traduit de l’arabe (Egypte) par Gilles Gauthier, Actes Sud, 374 p.

On avait quitté Alaa El Aswany en train de courir, avec ses personnages, vers le Nil pour fuir la répression du printemps arabe. On le retrouve dans cette Alexandrie du début des années 1960 en plein nassérisme triomphant. Un bande d’amis se retrouve chaque soir au bar du restaurant Artinos pour refaire le monde et surtout discuter de l’actualité et de la politique égyptienne. Ils viennent d’horizons divers et certains sont des étrangers mais tous le constatent : le Raïs a trahi leurs espoirs. Pire, il réprime ses opposants et certains personnages en feront les frais.

Avec sa magnifique plume qui l’a vu triompher dans le monde entier, Alaa El Aswany dépeint ainsi le crépuscule d’une Egypte contemporaine entamé avec Nasser à la fin des années 1950. Emprunt d’une profonde nostalgie, le roman montre la trahison des idéaux et de promesses. A la fois thriller et roman social, Au soir d’Alexandrie est une lumière littéraire dans cette nuit égyptienne qui n’en finit pas de durer.

Elena Tchijova, le Grand Jeu, traduit du russe par Marianne Gourg-Antuszewicz, éditions Noir sur Blanc, 320 p.

Elena Tchijova, autrice du roman Le temps des femmes (Noir sur Blanc, 2014), lauréat du Booker Prize russe revient avec Le Grand Jeu, un roman absolument passionnant, une chronique familiale qui coure tout au long du 20e siècle grâce à un procédé narratif tout à fait original centré autour de trois personnages

Nous sommes en 2014 et la Russie vient d’envahir la Crimée. Dans un appartement de St Petersbourg, cette guerre qui ne dit pas encore son nom ranime de vieux souvenirs de la seconde guerre mondiale et du siège de Leningrad chez la grand-mère de Pavel, sorte de Tatie Danielle acariâtre qui en fait voir de toutes les couleurs à sa fille, Anne, ex-instit devenue femme de ménage. Entre ces deux femmes, Pavel, geek de 25 ans qui pense avoir trouvé l’idée du siècle avec son jeu vidéo, commence alors à mettre en ligne les souvenirs de la grand-mère combinés à des chroniques sur les évènements en cours. Mais cette joyeuse compagnie et notamment les activités de Pavel ne sont pas du tout du goût du pouvoir.

Dans ce livre qui a reçu le prix Transfuge du meilleur roman russe les échos du passé percutent les évènements présents pour nous donner le désagréable sentiment d’une énième répétition de l’histoire y compris dans le contrôle de l’information et de la réécriture de l’histoire.

Tamás Gyurkovics, Migraine, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, éditions Viviane Hamy,
416 p.

« Le diable est optimiste s’il pense pouvoir rendre les hommes pires qu’ils ne sont » écrivit l’écrivain autrichien Karl Kraus. C’est ce qu’a dû se dire Zvi Spielmann, le héros du passionnant roman du journaliste hongrois Tamás Gyurkovics. Zvi Spielmann est l’un de ces centaines de jeunes hongrois déportés, au printemps 1944, au camp d’extermination d’Auschwitz. Mais Spielmann est également un jumeau et à ce titre il intéresse plus particulièrement le sinistre docteur Josef Mengele. Non pas pour y subir ses terribles expériences mais plutôt pour être le « Zwillingsvater », le père des jumeaux, celui qui est en charge de la garde de ces derniers en attendant leur mort programmée souvent dans d’atroces souffrances.

Ayant survécut à la Shoah après avoir sauvé un certain nombre de jumeaux lors de marches de la mort, Zvi Spielmann, devenu citoyen du nouvel Etat d’Israël, souffre de terribles migraines lorsque reviennent ces douloureux souvenirs à l’occasion d’une rencontre fortuite ou du procès Eichmann.

Migraine pose avec beaucoup de talent et de gravité le problème de la culpabilité, celui d’avoir « pactisé » selon notre héros – même si en vérité il est le seul à le penser – avec le diable, de s’être compromis avec le Mal pour survivre et que toutes ses actions ultérieures ne parviendront pas à effacer cette faute originelle. « Celui qui a survécut ne peut pas être innocent » rappelle d’ailleurs l’un des témoins du procès Eichmann

Grâce à une magnifique traduction signée Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba – également traducteurs d’Imre Kertesz – le livre parvient à errer avec force dans la psyché de Zvi Spielmann qui s’inspire d’ailleurs de la vie de Zvi Spiegel où l’on se rend compte que la Shoah ne s’arrêta pas à la libération des camps. Une psyché en forme de miroir brisé où la culpabilité prend le pas sur le réel, où les distinctions entre le bien et le mal, entre le juste et l’injuste se trouvent noyées dans un inconscient fracturé.

Joan-Lluís Lluís, Junil, traduit du catalan par Juliette Lemerle, Les Argonautes, 272 p.

Auteur français d’expression catalane, Joan-Lluís Lluís est l’un des écrivains catalans les plus reconnus mais demeure relativement méconnu en France. Son dernier roman, Junil devrait aisément remédier à cette injustice tant ce dernier, récipiendaire de nombreux prix dont le célèbre prix Òmnium, est une merveille.

Junil est le prénom d’une jeune fille vivant en Terre Sainte à l’époque romaine. Privé de mère et de frères, morts dans l’incendie de leur village, Junil est obligée de vivre auprès d’un père tyrannique qui n’a que peu de considération pour elle. Mais dans tout malheur, il y a une lumière car ce père est écrivain public. Et dans la librairie de ce dernier, Junil va découvrir la lecture auprès de ces esclaves qui l’aident à fabriquer des papyrus ainsi que la beauté des mots et notamment ceux du poète Ovide. Cette initiation ne sera pas sans conséquences car elle va l’obliger à fuir le carcan familial.

Junil est un grand livre sur la beauté des mots et sur leur pouvoir d’élévation mais également de destruction. A travers eux, le roman glorifie la puissance du langage capable d’unir les êtres. L’enthousiasme autour de Junil a été tel que l’auteur a même reçu des faire-parts annonçant la naissance de deux petites filles nommées d’après son héroïne !

Michael Magee, Retour à Belfast, traduit de l’anglais par Paul Mathieu, Albin Michel, 432 p.

Nous sommes en 2013 après le crack financier qui a laminé la classe ouvrière irlandaise. Sean McGuire a quitté l’Irlande du Nord et ses démons pour aller étudier les lettres à Liverpool. Il a crû qu’un autre avenir était possible. Comme ses milliers d’Irlandais du Nord catholiques avec les accords du vendredi saint. Pour autant, il est contraint de revenir et bientôt les démons de la violence, de la drogue refont surface et vont le contraindre à commettre l’irréparable.

Condamné à des travaux d’intérêts généraux, Sean se retrouve à nouveau assigné à cette condition ouvrière d’une communauté catholique méprisée dont il n’était jamais parvenu à s’extraire. Ce cahier de retour au pays natal à la sauce irlandaise avec son lot de violences et d’injustices frappe d’emblée par la chape de plomb de ce déterminisme historique qui ne laisse aucun répit à ces êtres. Cela tombe bien car Michael Magee a construit des personnages à partir d’éléments biographiques que vous n’oublierez pas de sitôt qu’il s’agisse de Sean, archétype de la génération de l’auteur mais également la mère de Sean qui, de l’aveu même de l’auteur, a été modelé à partir de la figure de sa propre mère afin « qu’elle ait un espace dans cette histoire ».

Le livre a obtenu le prix John MacGahern décerné à un écrivain irlandais par l’université de Liverpool. L’un de ses jurés, le grand écrivain Colm Toibin a ainsi souligné « un portrait nouveau et mémorable d’un jeune protagoniste, pris entre l’innocence et l’expérience, tel qu’imaginé par un écrivain extrêmement talentueux. »

« Ecrire c’est honorer nos morts. Une sorte de vengeance » nous a-t-il confié. Une vengeance douce mais une vengeance tout de même. Retour à Belfast est assurément un roman qui restera longtemps en vous.

Ayana Mathis, Les Egarés, traduit de l’anglais (américain) par François Happe, Gallmeister, 528 p.

Ayana Mathis que nous avions découvert avec Les Douze Tribus d’Hattie (Gallmeister) revient avec ce nouveau roman bouleversant qui raconte la vie d’Ava Carson, une femme afro-américaine et celle de son fils Toussaint, deux êtres chassés par le mari d’Ava et qui se retrouvent dans un centre d’hébergement de Philadelphie. Le lecteur qui assiste à l’humiliation d’Ava, à son désespoir et à sa déshumanisation qui l’amènent à abandonner son propre fils comprend très vite que cette dernière va devoir se relever et se battre pour défendre la dernière chose qui lui reste : sa dignité.

Un livre en forme de cri face à la fatalité, à toutes les formes d’emprise. Une épopée contemporaine. Un livre plein d’espoir et de résilience. Voilà ce que l’on ressent à la lecture des Egarés de Ayana Mathis portée par une écriture à la fois poétique et puissante façonnant des personnages ambigus et fatalement inoubliables. Mais surtout Les Egarés est un livre sur la dignité, sur l’inépuisable quête d’émancipation auquel aspire chaque être humain. Il y a quelque chose de profondément universel dans les mots d’Ayana Mathis qui rappellent la grande Toni Morrison. Pas étonnant que le New York Times et le Washington Post en ont fait l’un de leurs livres de l’année.

Par Laurent Pfaadt

Road-trip littéraire

Alexandre Thiltges et Jean-Luc Bertini publient le deuxième opus de leur voyage littéraire à travers les Etats-Unis. Toujours aussi fascinant

Il ne s’agit pas d’un livre mais d’un voyage. A travers les Etats-Unis et sa littérature. Publié sous la direction de Francis Geffard, le directeur de la collection Terres d’Amérique chez Albin Michel et fondateur du festival America de Vincennes, Des écrivains en majesté se déploie tel un immense aigle littéraire survolant de la côte Ouest à la côte Est, les plages de Californie, les montagnes des Appalaches, les rues de New York et de la Nouvelle Orléans et les cataractes tumultueuses du Mississippi. Un voyage où l’on croise Colson Whitehead, le colosse de New York City, double prix Pulitzer pour Underground Railroad et Nickelboys (Albin Michel, 2017, 2020), Taylor Brown, Ron Rash, seigneur des Appalaches, Matthew Neill Null ou Colum Mc Mann, inoubliable auteur des Saisons de la nuit (Belfond, 1998) et d’Apeirogon (Belfond, 2020) sur le conflit israélo-palestinien que certains seraient bien inspirés de lire par les temps qui courent.


Après des Ecrivains en liberté (Albin Michel), Alexandre Thiltges et Jean-Luc Bertini ont ainsi repris leur route littéraire commencé dix ans plus tôt à bord de leur pick-up Ford pour nous offrir ce livre inoubliable. Car il s’agit bel et bien d’un cadeau, celui de rencontrer toutes ces plûmes, ces intellectuels qui traduisent l’Amérique d’aujourd’hui et de demain, celle qui s’apprête à voter le 5 novembre prochain pour décider du sort du monde. Placé sous la figure tutélaire du regretté Russell Banks dont les deux rencontres, réalisées à dix ans d’intervalle, encadrent l’ouvrage, les écrivains se confient sur leur travail, leurs influences, leur succès, attendu ou non. Il y a Daniel Mendelsohn, auteur des inoubliables Disparus (Flammarion, 2007), ce livre « qui a changé ma vie » confie celui qui s’est retrouvé à cours d’argent tant ce livre lui a coûté. Jesmyn Ward, double National Book Award (2011 et 2017), dont l’abnégation à se faire publier après l’échec de son premier roman, fut récompensé avec Bois sauvage (Belfond, 2012) puis Le chant des revenants (Belfond, 2019).

La violence, les fractures économiques, sociales, culturelles et leurs impacts sur leur environnement deviennent, de l’aveu même des écrivains rencontrés, les matrices créatrices de leurs romans ancrés dans les lieux et les territoires où ils vivent. « Il (le lieu) est aussi important pour moi que les personnages ou l’intrigue. L’endroit d’où l’on vient façonne ce que nous sommes et détermine notre manière de concevoir le monde » résume, à juste titre, sur les bords du Mississippi, Tom Franklin, auteur notamment du Retour de Silas Jones (Albin Michel, 2011). Une remarque que des écrivains tels que Ron Rash, David Joy ou Taylor Brown ne renieraient pas tant que la face sombre et écrasante des Appalaches s’impose comme un personnage à part entière dans leurs romans.

Des écrivains qui personnifient les différentes consciences de l’Amérique et questionnent en permanence le rêve américain devenu cauchemar chez Matthew Neill Null et Julie Otsuka. Parfois le livre se fend de quelque anecdote savoureuse tel ce groupe de rock réunissant Stephen King, Barbara Kingslover et Matthew Groening, le créateur des Simpson.

Dernière étape de ce voyage époustouflant : le New Jersey à la rencontre de la grande dame des lettres américaines, la femme d’une centaine de livres, de nouvelles, de pièces de théâtre auscultant la société américaine : Joyce Carol Oates. Celle « qui écrira jusqu’à son dernier souffle » selon nos auteurs personnifie à elle seule le voyage entrepris dans ce livre avec ces écrivains qui parlent des questions de genre, de race, de violence ou de déclassement. Grand prêtresse en quelque sorte de ces mythologies américaines qui traversent les œuvres de ces auteurs et s’affichent sur les merveilleuses photos de Jean-Luc Bertini, elle referme Des Ecrivains en majesté par une ode au livre : « Quand vous entrez dans une bibliothèque et que vous voyez tous ces livres, cela paraît normal que vous ayez envie d’écrire ». Nul doute que le livre d’Alexandre Thiltges et Jean-Luc Bertini trouvera une place de choix dans la nôtre.

Par Laurent Pfaadt

Alexandre Thiltges et Jean-Luc Bertini, Amérique – vol.2 Des écrivains en majesté
Chez Albin Michel, 336 p.

Notre société capitaliste a été portée à son paroxysme par les réseaux sociaux

Dans Girlfriend on Mars, le premier roman remarqué de l’auteure canadienne Deborah Willis, Kevin et Amber, deux trentenaires vivent une vie ennuyeuse tout juste rythmée par le commerce de marijuana jusqu’au jour où la jeune femme gagne un voyage sur Mars et devient célèbre. Un livre entre satire et roman social sur nos sociétés influencées par les réseaux sociaux et sur la fluctuation des valeurs. A l’occasion de sa venue au festival America de Vincennes, Hebdoscope l’a rencontré.


Deborah Willis et Emily St John Mandel
© Laurent Pfaadt

Comment est né ce livre ?

Le point de départ a été une émission de télé-réalité promettant aux gagnants un voyage sur Mars. J’ai trouvé cela fascinant que les gens veulent quitter la terre, leur famille, leurs amis. C’est à la fois courageux et triste. Et puis la voix de Kevin s’est imposée à moi et l’idée d’écrire ce roman ne m’a plus quitté.

Pourquoi veulent-ils quitter la terre ? Pour fuir leur anonymat ?

Oui. Certaines personnes veulent ainsi devenir célèbres. D’autres sont également muées par un désir colonialiste. Il y a également un côté sacrifice très intéressant pour permettre à l’humanité d’avancer, d’évoluer. Mais tout ceci n’est en réalité qu’une illusion.

Vos héros et notamment Amber semblent également prisonniers d’une identité construite par les réseaux sociaux

Amber est avant tout guidée par cet individualisme fabriqué par notre société capitaliste dans laquelle elle vit et qui a été portée à son paroxysme par les réseaux sociaux. Mais en réalité cette identité n’est que virtuelle.

Vous dénoncez également l’effacement de la frontière entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas

J’ai écrit ce livre lorsque Trump était président. Lorsqu’il disait quelque chose, des millions de gens pensaient que c’était la réalité. Il est aisé de se perdre dans tout cela comme d’ailleurs dans les théories du complot. Et de plus en plus de gens sont réceptifs à ce genre de discours. Des gens pensent réellement que la terre est plate. Cela me brise le cœur de penser à ces gens qui croient à de tels arguments.

Comme Kevin et Amber, des gens simples et pas très futés….

(Rires) Oui ! Beaucoup de gens m’ont demandé pourquoi ils étaient si peu sympathiques. En fait, j’ai pris des parties de moi en les exagérant, des attitudes psychologiques comme la phobie de Kevin qui refuse de sortir de chez lui en les caricaturant. Je voulais aussi construire des personnages qui approchent leurs limites et sont poussés à les dépasser : Kevin qui voit son monde s’effondrer et doit réagir et Amber qui décide d’entreprendre ce voyage sur Mars.

Pour réparer quelque chose ? Parce qu’elle se sent coupable de ce qui se passe sur terre ?

Bien évidemment car elle est traversée par un sentiment de culpabilité et de honte.

On rit aussi beaucoup dans votre livre

Merci. Je tenais à introduire cette dimension humoristique dans le livre même si cela n’est pas naturel pour moi. Durant l’écriture du livre, j’étais traversé par des sentiments de colère et de tristesse et j’ai voulu mettre un peu d’humour pour atténuer cette descente dans le deuil car il s’agit surtout et avant tout d’un deuil.

Interview par Laurent Pfaadt

Deborah Willis, Girlfriend on Mars, traduit de l’anglais par Clément Baude
Aux éditions Rivages, 496 p.

Ecrire pour restaurer sa dignité

Le Festival America s’est interrogé sur l’importance de la littérature pour redonner une voix aux personnes opprimées

Tous les deux ans à Vincennes, le festival America réunit ce que la littérature anglo-saxonne et notamment américaine fait de mieux. Et pour sa onzième édition, il avait réuni par moins de 80 auteurs dont deux prix Pulitzer avec comme figures de proue Colson Whitehead et James Ellroy. Derrière ces deux vedettes des lettres américaines se tenaient fièrement quelques nouvelles voix comme celles d’Ayana Mathis, S.A. Cosby, Deborah Willis, Nathan Hill, Stephen Markley, grand prix de littérature américaine en 2020 avec Ohio et qui revenait avec son dernier opus, Le Déluge (Albin Michel) et le trop méconnu Hernan Diaz, Prix Pulitzer en 2023 pour Trust (éditions de l’Olivier), incroyable récit d’une mystification dans l’Amérique des années 30 pour ne citer qu’eux. Des écrivains américains venus également dialoguer avec leurs homologues européens comme les Irlandais Michael Magee, Colm Toibin et Donal Ryan, l’Italien Erri di Luca ou l’Allemand Chris Kraus, auteur de Danser sur les débris (Belfond).


Michael Magee et Colson Whitehead
© Laurent Pfaadt

Il fut d’ailleurs question de ces autres débris disséminés dans la société américaine par ces injustices qui ne font que s’accroître et peuplent nombre de livres présents au festival. Leurs auteurs ont ainsi montré l’importance de la littérature pour dénoncer mais surtout pour avertir nos sociétés occidentales des dangers qui les guettent, au premier rang desquels, aux Etats-Unis, ce racisme symbolisé par la mort de George Floyd et la statue du général Lee, le chef des armées confédérées à Richmond déboulonnée en septembre 2021. C’est d’ailleurs non loin de l’ancienne capitale du sud esclavagiste qu’est originaire S.A. Cosby. Son dernier livre, Le sang des innocents (Sonatine), couronné par le Grand prix des lectrices Elle raconte l’histoire de Titus Crown, premier shérif noir élu dans le comté de Charon confronté à une fusillade dans une école. Dans ce roman noir, Titus doit à la fois affronter le racisme et les violences policières tout en devant faire respecter une loi qui s’avère bien souvent inique pour les populations afro-américaines.

SA Cosby et Ayana Mathis
© Laurent Pfaadt

Des injustices également au cœur du très beau roman d’Ayana Mathis, Les Egarés, sorte d’épopée afro-américaine contemporaine aux accents morrisoniens qui voit son héroïne, Ava Carson, se battre contre une société qui la méprise et qui piétine sa dignité. « Refuser la dignité aux gens entraîne la honte. Et dans mon livre, il y a beaucoup de honte » affirme ainsi Ayana Mathis. Une dignité que les deux auteurs mettent en exergue dans leurs livres respectifs car comme le rappelle S.A. Cosby : « la fiction est une opportunité de voir le monde comme il devrait être et non comme il est ». Les deux écrivains sont d’ailleurs tombés d’accord sur l’absolue nécessité de préserver la dignité humaine qui génère humiliation et colère.

De l’autre côté de l’Atlantique, comme dans un miroir, cette même dignité semble également avoir été bafouée dans cette Irlande du Nord qui porte dans son cœur et dans sa conscience les stigmates d’une guerre civile qui ravagea le pays et humilia leurs habitants. Des cœurs et des consciences, ceux des héros du fabuleux roman de Michael Magee, Retour à Belfast (Albin Michel), corrodés par le poison des désillusions nées de la trahison d’un Etat. « Les opportunités que nos parents n’ont pas reçu, nous ne les avons pas eu » rappelle l’auteur qui a emprunté de nombreux éléments de sa propre vie familiale pour construire les personnages qui gravitent autour de son héros, Sean MacGuire, enfant de la classe ouvrière de Belfast qui se retrouve enfermé dans sa condition sociale sans aucune autre porte de sortie que la violence. Michael Magee confie ainsi que dans son livre, il a voulu immortalisé les hommes et les femmes de sa communauté – les catholiques d’Ulster – qui ont été privés de leur dignité et en premier lieu sa mère  : « je voulais créé un espace dans le livre pour y représenter ma mère » dit-il.

Une façon de rappeler que la littérature, de la Virginie à Belfast en passant par les faubourgs de Philadelphie, est universelle et que, si elle a le pouvoir de voir le monde comme il devrait être, elle peut aussi rendre justice à ceux qui l’habitent.

Par Laurent Pfaadt

Quelques conseils lecture :

Ayana Mathis, Les Egarés, traduit de l’anglais par François Happe,
Gallmeister, 528 p.

S.A. Cosby, Le sang des innocents, traduit de l’anglais par Pierre Szczeciner
Sonatine éditions, 400 p.

Michael Magee, Retour à Belfast, traduit de l’anglais par Paul Mathieu
Albin Michel, 432 p.

Les dieux ont soif

Elles portent son nom. Des rues, des places et des écoles par milliers en France. France, c’est d’ailleurs son nom, celui d’un pays qu’il a fait rayonner dans le monde entier avec notamment son Prix Nobel de littérature obtenu en 1921. Un nom immortalisé à jamais au fronton de la littérature française grâce notamment à l’un des plus grands romans français. Immortel, Anatole France le fut assurément à partir de 1896 sous la coupole puis dans la culture française.


Les dieux ont soif est un livre à ranger aux côtés des Misérables de Victor Hugo et des Justes de Camus. Un livre qui a profondément influencé de nombreux écrivains, de George Orwell à Evgueni Zamiatine en passant par Pierre Michon et ses Onze et Joseph Conrad qui voyait en lui un « prince de la prose ».

Car à y regarder de plus près, Les dieux ont soif est une fresque à plusieurs titres. Historique évidemment de cet épisode sanglant de la révolution française, constituant, comme le rappelle le poète et chercheur au CNRS, Guillaume Métayer, dans sa préface, cette « inévitable bascule des plus grands idéaux politiques dans le sang ». Mais aussi une fresque psychique où comment l’Histoire peut amener des hommes normaux à devenir des tyrans sanguinaires. Fresque littéraire enfin où le tourbillon des mots d’Anatole France tranchent comme une guillotine les esprits et les cœurs de ses personnages et en premier lieu un Evariste Gamelin inoubliable.

Par Laurent Pfaadt

Anatole France, Les dieux ont soif
Chez Calmann-Levy, préface de Guillaume Métayer, 300 p.

La Face nord

Jean-Pierre Montal remporte le 91e Prix des Deux Magots pour La Face nord (Séguier)

À 5 voix contre 4 pour Ces féroces soldats (Buchet/Chastel) de Joël Egloff, il a choisi Jean-Pierre Montal pour son roman La Face nord paru aux éditions Séguier. Jean-Pierre Montal succède ainsi à Guy Boley, lauréat 2023 pour son livre À ma sœur et unique (Grasset). « De ce livre, il émane un charme particulier autour d’une époque, d’un quartier, d’un amour inattendu né d’une passion commune pour un film. Le jury est heureux de distinguer, en cette rentrée littéraire riche, un écrivain qui creuse son sillon depuis plusieurs années sans avoir encore reçu la consécration qu’il mérite » a rappelé Étienne de Montety, Président du jury, lui-même ancien lauréat (2014).

La Face Nord raconte la rencontre entre un homme et une femme à la sortie d’une séance d’Elle etlui, le chef-d’œuvre de Leo McCarey. Ils se mettent à discuter de leur passion pour ce film. C’est le point de départ d’une histoire d’amour à la fois évidente et intense. Mais elle a soixante-douze ans, et lui, quarante-huit. Peut-on ignorer un tel fossé ? Est-il possible de tout recommencer ?

Depuis 1933, le prix des Deux Magots décerné dans le café du même nom, haut lieu de la culture parisienne fréquenté par nombre d’artistes, auteurs et réalisateurs français et étrangers, et doté aujourd’hui de 7700 euros, a récompensé des écrivains prestigieux tels que Raymond Queneau (premier lauréat en 1933), François Weyergans (1982), Christian Bobin (1993) ou Jérôme Garcin (2020).

Par Laurent Pfaadt