Imaginez Mozart recevant une lettre de l’empereur Kokaku et l’invitant à se rendre dans l’archipel. Le célèbre compositeur embarque alors à Marseille sur un navire français et après bien des péripéties, finit par arriver à la cour impériale de Kyoto. « Nos tournées en carrosse sur les routes pavées de toute l’Europe que mon très cher père – que Dieu ait son âme auprès de lui en toute éternité – nous imposait et contre lesquelles je rouscaillais, me paraissent confortables comparées à cet enfer ! » écrit-il à sa chère Constance.Nous sommes en mars 1788. Léopold Mozart est mort moins d’une année plus tôt et fin octobre 1787, Mozart a créé à Prague son Don Giovanni dont il a emmené avec lui sa Sérénade. A la cour, après avoir revêtu un kimono et aidé de son traducteur Papa Geino qui allait lui inspirer le personnage de La Flûte enchantée, il rencontre un fameux joueur de koto, cet instrument à cordes pincées typique du Japon, sorte de harpe japonaise ayant la forme d’un dragon, un certain Mieko Miyazaki. Le génie est ensuite invité devant l’empereur à interpréter en compagnie de musiciens locaux ses deux quatuors pour piano et cordes composés en 1785 et 1786.
Mozart n’est évidemment jamais allé au Japon mais avec ce formidable CD allié à un livret savoureux, l’illusion est parfaite. La combinaison des œuvres de Mozart interprétées par le trio George Sand avec plusieurs créations contemporaines japonaises notamment le Suikinkutsu de Misato Mochizuki pour quatuor avec piano et koto et Nui, un trio avec piano de Daï Fujikura, procure un sentiment de plénitude traversée par une mélodie comme tirée d’un temple bouddhiste avant que les deux musiques finissent par se rejoindre et parler d’une même voix.
Ici l’aventure n’est pas que musicale mais également littéraire grâce au travail de Richard Collasse, grand spécialiste du Japon à qui l’on doit notamment le Dictionnaire amoureux du Japon chez Plon et qui signe quelques lettres imaginaires adressées par Mozart durant ses trois mois de séjour à Constance, Nannerl ou à « Son très cher Papa ». Un Joseph Haydn à qui Mozart relate ses aventures musicales, sa découverte du théâtre Nô mais également ses facéties sexuelles. Autant dire que ce voyage imaginaire réservera à ses auditeurs bien des surprises…
Par Laurent Pfaadt
Trio George Sand, Violaine Despeyroux et Mieko Miyazaki, lettres de Richard Collasse, Le voyage imaginaire de Mozart au Japon
EnPhases, collection Elstir