Ce créateur de spectacle, Antoine Defoort, de plus excellent interprète, mériterait, selon nous, le Nobel de l’humour s’il existait, tant il nous ravit par ses prestations aussi intelligentes que drôles. Son retour au Maillon pour trois soirées fut un vrai bonheur pour tous ceux qui ont eu déjà l’occasion de suivre et apprécier ses spectacles dont le fameux « Un faible degré d’originalité » en 2022, ici même, qui portait sur la propriété intellectuelle dans le domaine artistique.
Toujours sous forme de causerie ou conférence, car c’est sur ce mode qu’il intervient, il va jouer à nous initier à ce qu’il appelle « la méthode itérative ».
Drôle, la façon très naturelle dans laquelle il se place et nous place, nous devenons des potaches, au mieux des étudiants, des auditeurs auxquels de manière très « pédagogique » il a des révélations à faire. Il arrive très décontracté et se présente, son tee-shirt porte le logo « Prototype » et sa casquette la mention « Je n’ai pas tous les éléments » précisant qu’elle permet grâce à un petit bouton de lancer les vidéos nécessaires à ses démonstrations.
Tout d’abord attirer notre attention sur une notion le « design », profitant de ce terme très en vogue, généralement attribué aux meubles ou objets tout juste inventés, il en fait l’étymologie et donc nous révèle qu’il vient du mot « dessin » (qui s’écrit « dessein » au 17ème siècle) et que simplement il signifie « désigner » et peut vouloir dire qu’une idée devienne forme et qu’à ce titre on peut l’attribuer à la fabrication de notre tartine du petit déjeuner. Il se plait alors à nous en détailler les étapes et c’est assez jouissif pour que cet exemple trivial, nous fasse entrer avec curiosité et amusement dans sa grande démonstration sur la méthode qu’il se propose de nous indiquer afin que nous évitions tout échec dans nos processus de création.
Usant d’un moyen qu’il prétend pertinent et dont il aime à se servir, à savoir, « la métaphore » il nous explique à grand renfort de schémas projetés sur l’écran comment nous pouvons faire passer une idée d’une personne à une autre sachant qu’entre nos cerveaux existerait un espace intercérébral, comparable à l’espace intersidéral et qui nécessiterait l’intervention de « vaisseaux» pour transporter les idées, ,les phrases, bien sûr mais que de malentendus à prévoir, d’incompréhensions, de tensions qui obligent à analyser puis à reformuler, un chemin plein de pièges, entre conception et fabrication. Notre « conférencier » nous prend à témoin de tous ces aléas avec toujours cette rigueur dans l’exposé des problèmes et cette fantaisie qui transparaît dans leurs éventuelles solutions. Un paradoxe séduisant, captivant.
Un spectacle ludique, une ode à l’intelligence comme sait si bien le réussir le collectif L’Amicale.
Marie-Françoise Grislin pour Hebdoscope
Représentation du 10 octobre au Maillon