A vue

C’est à leur façon, énergique, tendre, déterminée et originale que
Brigitte Seth et Roser Montllo Guberna  attaquent ce problème
du  » genre  » dont on fait état ces derniers temps. Un sujet
complexe et délicat qu’elles abordent avec leur humour et leur
talent habituels, mettant en évidence la  » parole  » du corps pour
mettre en doute ce que l’on appelle  » l’identité « .

Alors sur des textes de Jean-Luc A. d’Asciano, avec costumes,
perruques à l’appui, on les verra, elles, et Sylvain Dufour, le
complice qu’elles se sont adjoint pour cette prestation,  jouer la
masculinité aussi bien que la féminité, mettre en scène des
situations provocantes et toujours significatives de ce que
rencontrent nombre de personnes à qui justement on demande de
justifier de leur identité, de leur genre. Cela au cours de
démarches administratives, répétitives et souvent humiliantes,
vouées à des fins de non-revoir.

Brigitte s’y entend pour mimer ces situations, les rendant risibles
par la légèreté  qu’ elle met à reproduire ces scènes qui
deviennent paradoxalement aussi poignantes que burlesques.

De nombreuse lignes tracées au sol figurent ces barrières qu’on
dresse entre les gens et qu’il n’est pas facile de franchir. Elles
délimitent le monde presque kafkaien dans lequel sont plongés
demandeurs d’emploi, d’asile et bien d’autres en quête d’une
reconnaissance qui leur est trop systématiquement refusée.

Alors  » assez…assez…place à la vie  » proclame Brigitte, pendant
que Roser danse de toute son énergie sur  le tabouret qu’elle a élu
pendant presque toute la durée du spectacle comme lieu de ses
arabesques dansées et qu’évolue, à leur côté Sylvain Dufour,
tantôt habillée en femme, tantôt en tenue de svelte jeune homme.
Leur complicité ne fait aucun doute et nous met sous les yeux la
vitalité, la beauté des corps, le triomphe de la résistance aux idées
reçues l’audace de le montrer sans vergogne.

Marie-Françoise Grislin

C’était le 10 mars à Pole Sud
par la Cie « Toujours après minuit «