At the still point of the turning world

Au Centre Dramatique National, ce fut la création de Renaud
Herbin, son directeur qui ouvrit la saison avec une pièce étonnante dont le titre « At the still point of the turning world » est un vers du poète T.S Eliot et peut se traduire en français par :  » Au point de quiétude du monde qui tournoie ».

Repoussant un rideau de fils apparaît la marionnette réduite à son corps premier que nous avons déjà vue dans « Milieu », conduite par Renaud Herbin qui manipule délicatement les fils qui la mettent en mouvement, lui prête vie et la font avancer vers nous, la tête levée vers le ciel.

Quand ce solitaire s’esquive, c’est une foule qui surgit dans la lumière, une foule dense composée d’une multitude de petits sacs blancs suspendus à des fils. Cela nous intrigue et fait vagabonder notre imagination qui soudain se met à évoquer le pèlerinage à La Mecque! (dieu seul sait pourquoi !)

Que contiennent-ils ces petits sacs ? on apprend qu’ils sont 1600. Peut-être chacun cache-t-il une petite marionnette au repos, voire délaissée, abandonnée, comme celles vues par Renaud quand il visita les entrepôts du Théâtre de Ljubljana. Pressés les uns contre les autres, ils forment une sorte de tapis de picots. Leur immobilité, leur horizontalité ne durent que peu de temps car soudain a jailli en face d’eux un être humain bien en chair, la danseuse et chorégraphe Julie Noche qui entame une danse de relation, tordant son torse, étirant ses jambes, tendant vers eux ses bras. Bientôt, la foule se met à bouger, esquisse une respiration induite par la danseuse qui, elle aussi, gonfle son buste et semble capter le mouvement de la foule dans ses poumons. C’est alors que, côté jardin, Renaud Herbin et son complice, le marionnettiste, Aïtor Sanz Juanes sont à la manoeuvre tirant au sens propre et au sens figuré les ficelles de cet étonnant spectacle. La machine se met en route, soulevant le tapis, lui impulsant des vagues dans lesquelles plonge la danseuse qui disparaît, pour reparaître, écartant les petits sacs qui s’accrochent parfois à son costume.

Côté cour nous parviennent des sons sourds qui, peu à peu, s’amplifient provenant d’un dispositif instrumental manipulé par la compositrice Sir Alice. Elle accompagne les émergences de la danseuse d’un chant étrange venu des profondeurs de l’être.
Une fois le tapis soulevé, Julie Noche apparaît, rampant sur le sol, comme emprisonnée, menacée. Cependant Renaud est de retour avec la grande marionnette. Entre eux se déroule une sorte de ballet qui dit la rencontre, la compréhension l’entraide et cela passe par des regard, des portages, des enlacements affectueux.

Nous avons partagé avec tous les spectateurs l’envoûtement généré par ce croisement de la danse et de la marionnette à fils.

Marie-Françoise Grislin