au cœur de Vienne

L’Orchestre National de Lille était l’invité de la saison de l’OPS lors du concert du vendredi 10 février. Intitulé ‘’au cœur de Vienne’’, le programme allait du classicisme viennois de Mozart à l’avant-gardisme de Berg et Webern, en passant par le romantisme schubertien.


Fondé dans les années 1970 à partir du défunt orchestre de la radio lilloise et à l’initiative de Jean-Claude Casadessus qui demeurera son directeur musical durant quarante ans, l’ONL a désormais atteint un niveau de qualité sonore et de maturité musicale qui le classe parmi les bonnes formations nationales. Il est venu à Strasbourg, en formation resserrée d’une soixantaine de musiciens, non avec son actuel directeur, Alexandre Bloch, mais dirigé par le jeune chef hongrois Gergely Madaras, titulaire quant à lui de l’Orchestre Philharmonique de Liège.

Orchestre National de Lille
© Jean-Batiste Millot

Composée de deux mouvements et dite en conséquence ‘’inachevée’’, la huitième symphonie de Schubert n’en forme pas moins un tout d’une remarquable homogénéité. Autrefois objet d’interprétations romantiques avec de grands effectifs orchestraux, elle fait désormais partie des œuvres conquises par le courant historiquement informé, jouant sans vibrato, avec des attaques nerveuses et sèches. Autant cette approche s’avère souvent convaincante dans les premières symphonies de Schubert, d’inspiration encore classique, autant les deux dernières, foncièrement romantiques, semblent davantage en pâtir qu’y gagner. L’atmosphère tour à tour frémissante, rêveuse, mélancolique ou puissamment dramatique des grandes interprétations d’antan laisse alors la place à des mouvements tectoniques et à des secousses telluriques d’une froide abstraction, dont on se demande quel rapport historique elle peut bien avoir avec le romantisme inaugural de cette musique. Avec application et non sans quelque raideur, les musiciens de Lille suivent le jeune Gergely Madaras dans cette conception au goût du jour de l’inachevée de Schubert.

Amour, nature et univers onirique forment les motifs poétiques des Sieben frühe lieder d’Alban Berg, écrits d’abord pour le piano et orchestrés ultérieurement dans sa période avant-gardiste de grande maturité. Ils ont bénéficié d’une belle incarnation, due à la voix profonde et ample de la soprano Judith van Wanroij et à un bon soutien orchestral, doté d’une riche palette de timbres. Qualités sonores que l’on ne retrouve malheureusement pas complètement dans les Variations pour orchestre d’Anton Webern, certes d’une grande énergie rythmique mais dont l’exécution un peu grise manque précisément de variétés et de couleurs.

Le meilleur moment de la soirée restera celui de la quarantième symphonie de Mozart, jouée dans une approche historiquement informée parfaitement judicieuse, sur un rythme haletant mais sachant néanmoins faire place à des moments de belle gravité. Le quatuor à cordes de l’Orchestre National de Lille aura montré le haut niveau de virtuosité et de musicalité qu’il est capable d’atteindre.

                                                                                              Michel Le Gris