Au panthéon des pianistes

HorowitzToutes les légendes du piano enfin réunies.

Quand Deutsche Grammophon, le célèbre label jaune, fait les choses, elle les fait en grand comme en témoigne ce somptueux coffret, 111 Piano, réunissant les grands noms du piano d’hier et d’aujourd’hui. Les plus belles pièces enregistrées en solo par les plus grands interprètes, on ne sait pas par où commencer. Chopin par Zimmermann ou Argerich ? Rachmaninov par Yuja Wang ? Boulez par Pollini ? Beethoven par Barenboïm ? Ravel par Pogorelich ?

Il faut pourtant bien en choisir un. Tout dépend donc de vos goûts, de votre humeur du jour. Commençant donc par le plus grand : Mozart. Plusieurs enregistrements sont présents mais aucun n’égale les sonates 16 et 17 par Friedrich Gulda. Celui qui n’accepta aucun élève avant de faire une exception avec Martha Argerich délivre dans cette interprétation une émotion rarement atteinte.

Evidemment, on ne peut passer à côté de certains disques dirons-nous incontournables. Prenez par exemple, les Nocturnes de Maria Joao Pires ou la sonate n°8 de Prokofiev par Sviatoslav Richter enregistrée à Londres, ils constituent ce qui se fait de mieux.

Les légendes d’hier côtoient les talents d’aujourd’hui. Ainsi Monique Haas et son magnifique Tombeau de Couperin ou Horowitz dans Scriabine répondent dans ce coffret à Daniil Trifonov au jeu si inventif ou à Raphael Bechacz sans oublier Lang Lang dans un Tan Dun époustouflant, tiré du fameux live qu’il donna à Carnegie Hall. Il y a également les compositeurs phares de ce cube, Bach et ses variations Goldberg par un Andrei Gavrilov qui offre une autre vision que la sacro-sainte Gould, Beethoven ou Scarlatti interprété par une Clara Haskil impériale de vitalité et de virtuosité. Les compositeurs moins connus sont aussi présents et ravissent nos oreilles tels Grieg et ses magnifiques pièces lyriques interprétés par Emil Gilels plus connu pour son Beethoven, Christoph Eschenbach dans Haydn ou Bartok et ses Mikrocosmos par le méconnu Andor Foldes, qui a su, à travers son jeu, tirer toute la plénitude de l’œuvre du grand compositeur hongrois.

Dans ce tourbillon de notes et d’accords sublimes, on terminera par les Moments musicaux de Rachmaninov sous les doigts de poète du trop méconnu Lazar Berman. Enregistré dans la Jésus-Kirche, haut lieu musical de Berlin, le rubato de Berman permet une osmose avec l’œuvre du compositeur. On se demande parfois si on n’entend pas Rachmaninov lui-même et sa flamboyance légendaire.

Alors, que vous soyez mélomanes ou auditeurs du dimanche, amoureux de tel nocturne ou de tel impromptu ou simplement désireux de rêver un soir d’été au son d’une mélodie sans nom, ce coffret est plus qu’une simple addition de génies. Il vous plonge dans le cœur de l’humanité où se mêlent tous les sentiments.

Piano 111, Legendary recordings, Deutsche Grammophon, 2015.

Laurent Pfaadt