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#Lecturesconfinement : Starlight de Richard Wagamese par Laurent Pfaadt

Roman posthume, bouleversant et
sensible de l’écrivain canadien
Richard Wagamese, Starlight est le
nom de Frank Starlight, fermier
d’origine indienne, taiseux et d’une
immense bonté qui aime
photographier les animaux
sauvages et communier avec la
nature. Son objectif croise bientôt
Emmy et la petite Winnie qui fuient
la violence des hommes. Très vite,
dans l’esprit du lecteur commence
alors à germer cette idée qui ne le
lâche plus et le pousse à ne plus
s’arrêter de lire : que va-t-il se passer entre Frank et ces deux êtres
fragiles au milieu de cette nature préservée ? Car pour Frank
Starlight, la nature est la source de toute vie. Mais c’était avant de
rencontrer l’amour, cette « contrée vierge » où « chaque pas qui nous en
rapproche nous transforme. Nous grandit. Change la géographie de qui
nous sommes »
. Tandis qu’il sert de guide à Emmy, celle-ci devient le
sien dans cette autre contrée inexplorée.
La prose de Wagamese se mue alors en une longue mélopée
glorifiant cette nature qui, à l’instar de l’amour, change, avec ses
sensations et ses créatures, les êtres qui s’y abandonnent. A travers
le personnage d’Emmy, magnifique bête blessée qui renaît à la vie
auprès de Frank, le roman devient un magnifique plaidoyer en faveur
de la préservation de ses racines en même temps qu’un manifeste
féminin. Féministe, écologique, un roman total, terriblement actuel.

Starlight
de Richard Wagamese (ZOE)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Manuels de Lagarde et Michard par Yann Le Bohec

J’entrais en classe de seconde au
lycée de Poitiers et nous
découvrions un nouveau manuel
de littérature française, le
« Lagarde et Michard ». Nous
commencions par le Moyen Âge,
sans doute le plus difficile de la
série et pourtant je fus d’emblée
fasciné. Il me permettait de
découvrir des ouvrages que je
n’avais jamais lus, qui me
passionnaient. Et les textes
étaient accompagnés par des reproductions en couleurs de tableaux très bien choisis. À 77 ans, j’ai toujours conservé mes
« Lagarde et Michard ». À noter que quatre ans plus tard, en khâgne à Louis-le-Grand je suivis les cours de français et latin donnés par
André Lagarde.
Yann Le Bohec est professeur émérite d’histoire romaine à
l’université Paris-Sorbonne et auteur de nombreux ouvrages dont la
vie quotidienne des soldats romains, à l’apogée de l’empire
 (Tallandier)

Manuels
de Lagarde et Michard (Bordas)
par Yann Le Bohec

#Lecturesconfinement : L’art de mettre les choses à leur place de Dominique Loreau par Alexandra Diaconu

Connue pour son Art de la simplicité
(2005), Dominique Loreau aborde
dans cet ouvrage l’art du
rangement. Au-delà du tri, il s’agit
de trouver à chaque chose sa place
en fonction de son utilisation. Le
confinement a révélé notre besoin
d’espace et une maison n’est pas un
entrepôt, ose-t-elle dire très
justement. Se sentir bien chez soi
c’est d’abord prendre plaisir à y
rester. C’est ne pas avoir à ranger
tous les jours ou à perdre du temps
à chercher quelque chose. Sans
donner des recettes toutes prêtes, Dominique Loreau donne des idées, des techniques et invite à en créer pour trouver son propre
système et ranger sans effort. Parce que, souligne-t-elle, mettre de
l’ordre dans son territoire intime, « c’est aussi refuser de se laisser
envahir par la confusion du monde extérieur. »
 Mettre les choses à leur
place c’est aussi leur donner l’importance qu’elles ont vraiment.
Voici une double leçon zen en ces temps chaotiques.

Alexandra Diaconu est la directrice de l’agence de communication
Legato Agency et fondatrice du Prix Littéraire des Musiciens
L’art de mettre les choses à leur place de Dominique Loreau
(Flammarion)
par Alexandra Diaconu

#Lecturesconfinement : Genitrix de François Mauriac par Bernard Fournier

Écrit, il y a bientôt un siècle et l’un des
trois romans préférés de son auteur
avec Thérèse Desqueyroux(1927) et 
Le
Mystère Frontenac
 1933), Genitrix
(1923) décrit l’histoire du
confinement d’un homme, Fernand
Cazenave, astreint à vivre chez sa
mère, Félicité, et convaincu d’y rester,
même après son mariage tardif aux
abords de la cinquantaine. Mère
possessive, abusive, castratrice,
Félicité obtient peu de temps après le
mariage que Fernand quitte le lit
conjugal et revienne dormir dans sa
chambre d’enfant dont une mince cloison le sépare d’elle. La mort de
Mathilde, la femme de Fernand, des suites d’une fausse couche, est
vécue par Félicité comme une victoire et une délivrance : elle va lui
permettre d’exercer à nouveau les pleins pouvoirs sur son fils, sans
plus avoir à se heurter à la résistance de Mathilde. Mauvais calcul,
car Fernand prend alors conscience de son amour pour sa femme et
retourne vivre dans la chambre conjugale qu’il avait désertée et il se
confine désormais dans cet amour posthume. Vaincue, Félicité
meurt des suites d’une attaque cérébrale, ce qui n’affecte pas
Fernand dont cependant l’amour pour Mathilde s’éteint. Vient alors
pour Fernand le temps d’un troisième type de confinement, définitif
celui-là, dans son atavisme et son héritage bourgeois.

Hormis, la magnifique construction du roman avec son impitoyable
progression, la puissance dramatique de la narration, il faut
souligner le style, précis, économe, efficace et toujours élégant de
Mauriac.  

Bernard Fournier a enseigné la musicologie à l’université Paris VIII,
et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du quatuor à
cordes et sur Beethoven. Dernier livre paru : A l’écoute des quatuors
de Beethoven (Buchet-Chastel)

Genitrix
de François Mauriac (Livre de poche)
par Bernard Fournier

#Lecturesconfinement : Vivre de Milena Jesenskà par Elsa Dreisig

Vivre. Milena Jesenskà a un regard
visionnaire comme j’en ai rarement
lu. Elle écrit et j’ai le sentiment de
vivre ce qu’elle dit. La beauté de
ses chroniques est époustouflante.
Pourquoi ne la connaissons-nous
pas, ou si peu? Nous savons que
c’était la Muse de Kafka mais ses
écrits restent presque introuvables
en français. Quelle tristesse et
quelle injustice !
Ses Chroniques sur le mariage, le
Kitch, le voyage ou tout
simplement sur les fenêtres (!) font partie des écrits qui vont me suivre dans ma vie. Je le recommande vivement !
Elsa Dreisig est soprano, se produisant sur les plus grandes scènes
du monde. Elle est également jury du Prix Littéraire des Musiciens
2021. Son dernier album, Morgen (Erato), est sorti en janvier 2020

Vivre
de Milena Jesenskà (Cambourakis)
par Elsa Dreisig

#Lecturesconfinement : Jan Karski de Yannick Haenel par Laurent Pfaadt

Un prophète de l’Ancien Testament
qui a vu la vérité, l’a révélé aux
hommes et n’a pas été cru.
Un oeil ayant fixé sur sa rétine
l’innommable et qui fuit celui de
l’histoire dans le documentaire de
Claude Lanzmann.
Un témoin impuissant poursuivi
par la culpabilité.
Un cavalier polonais filant dans une
nuit sans fin dont ne sait s’il
poursuit quelque but ou s’il est poursuivi.
Jan Karski fut tout cela.
Un jour à New York, je me suis assis sur un banc de la Frick
Collection devant le Cavalier polonais de Rembrandt. Pour
retrouver Jan Karski. Pour retrouver les mots inoubliables de
Yannick Haenel.

Jan Karski
de Yannick Haenel (Gallimard)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Le jardin des plantes de Claude Simon par Arno Bertina

Les deux confinements que nous
venons de vivre ont beaucoup
ralenti le cours de certaines
journées. C’est l’occasion de lire
ces livres qui exigent une belle
partie de notre « temps de
cerveau disponible » – mais ces
chef-d’oeuvres nous rendent au
centuple ce que nous leur
donnons. Ainsi du Jardin des
plantes, l’avant-dernier livre de
Claude Simon (prix Nobel de
littérature en 1985). Parce qu’il se
présente comme les mémoires de cet auteur qui aura traversé tout le vingtième siècle, ou comme le « portrait d’une mémoire », le livre semblera austère. Il n’en est rien. C’est au contraire l’œuvre d’un jeune homme de 84 ans, facétieux, inventif, inarrêtable. Alors qu’il avait peu travaillé l’espace de la page, jusque là, Claude Simon multiplie les expériences dans Le Jardin des plantes : un voyage en Inde se trouve mis en regard d’un souvenir de la débâcle de 1940 ; un souvenir d’enfance est entrelacé avec un souvenir de la guerre d’Espagne, ou un diner de prix Nobel, etc. C’est éclaté, vertigineux, complexe mais jouissif, symphonique et de l’ordre du murmure tout aussi bien.

Arno Bertina est écrivain et dramaturge. Dernier livre paru : L’Âge de
la première passe
, Verticales, 2020

Le jardin des plantes
de Claude Simon (Les éditions de Minuit)
par Arno Bertina

#Lecturesconfinement : Sans Silke de Michel Layaz par Nelly Mladenov

Un huis-clos familial dans une
maison bourgeoise, une famille bien
sous tout rapport. La petite
Ludivine, que sa mère présente
comme une enfant un peu difficile à
Silke, la jeune fille au pair qui est
embauchée pour s’occuper d’elle, se
révèle en fait une enfant pleine de
vie, joyeuse et insouciante. On se
rend compte progressivement que
ce sont plutôt les parents qui
posent problème, tout à leur
relation fusionnelle dont Ludivine
est totalement exclue.
L’élégance de l’écriture, l’atmosphère des lieux, la psychologie, tout
est finement rendu par Layaz, c’est un livre qui m’a profondément
touchée.
Tout semble calme et limpide comme la surface d’un lac suisse, mais
en-dessous, la tension sourd.
Nelly Mladenov est attachée de presse littéraire

Sans Silke
de Michel Layaz (ZOE)
par Nelly Mladenov