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#Lectureconfinement : Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantes par Dima Abdallah

Avec son Don Quichotte, Cervantes a
fait naître cette figure de l’anti-héros
dans la littérature moderne. En cela, il
a ouvert la voie à une littérature qui
me touche particulièrement et à cette
figure de l’anti-héros que j’affectionne.
Des romans comme Le désert des
tartares
 et d’autres grands livres de la
littérature moderne s’inscrivent dans
cet héritage. C’est cette littérature
que j’aime et qui m’émeut.
Dima Abdallah est écrivaine. Son
premier roman, Mauvaises herbes (Sabine Wespieser Editeur) est paru en septembre.

Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantes (Points)
par Dima Abdallah

#Lecturesconfinement : Nemesis de Philip Roth par Josyane Savigneau

Némésis, qui n’est pas le roman le
plus spectaculaire de Philip Roth,
est particulièrement émouvant
parce que c’est son dernier livre.
Après sa publication, en 2010, il a
cessé d’écrire. Mais surtout, on le
relit autrement aujourd’hui parce
que c’est l’histoire d’une épidémie,
de ses ravages dans la société, de la
peur, de la culpabilité de ceux qui
pensent avoir transmis la maladie.
Avec un héros, Bucky Cantor, 23
ans quand commence le récit, qui
est miné par tout cela, et par son
sens du devoir et des responsabilités. « Ils étaient encore en train de
parler de la polio,ils en étaient en se remémorer ses antécédents
terrifiants. Sa grand-mère se rappelait l’époque où les victimes de la
coqueluche devaient porter un brassard, et comment, avant qu’on trouve
le vaccin, la maladie la plus redoutée était la dyphtérie. Elle se rappelait
avoir été l’une des premières à être vaccinée contre la variole. L’endroit où
on l’avait piquée s’était infecté, en conséquence de quoi elle avait une
grande cicatrice circulaire, irrégulière, en haut du bras droit. »
Josyane Savigneau est écrivaine et journaliste. Ancienne rédactrice
en chef du Monde des livres, elle est également membre du jury du
prix Femina. Sa biographie de Marguerite Yourcenar (Marguerite
Yourcenar, l’invention d’une livre
, Gallimard) a notamment remporté le
prix Femina Vacaresco.
Nemesis de Philip Roth (Gallimard)
par Josyane Savigneau

#Lecturesconfinement : Lonesome Dove de Larry McMurtry par Henri Raczymow

Je ne puis que vivement
recommander une série littéraire
(comme on dit une série sur Netflix
ou ailleurs). C’est une littérature
western qui n’existe pas en France.
Cela se passe au Texas à la fin du
XIXe siècle. Les personnages sont
d’une humanité exceptionnelle. Je
ne vous dis que ça.
On retrouve là des sensations
d’enfance quand on voyait les
grands westerns de John Ford ou
d’Howard Hawks, et qu’on
tremblait pour les héros auxquels on s’identifiait, comme je le disais, par leur humanité même. En ces
temps de confinement, vous plongez là dans un univers où tout est
hostile à l’homme : les grandes plaines désertes, les hors-la-loi, les
Comanches, les lâches, etc. Les héros sont des Texas rangers, payés
pour accomplir des tâches inhumaines en milieu hostile. Pour tout
public, du lycéen à l’intello, hommes et femmes sans distinction,
lecture démocratique en un mot.
Henri Raczymow est écrivain. Il a notamment publié Elle chantait
Ramona
 (Gallimard, 2017). Ulysse ou Colomb (Notes sur l’amour de la
littérature)
 doit paraître en janvier 2021 aux éditions du Canoë.

Lonesome Dove
de Larry McMurtry (Gallmeister)
par Henri Raczymow

#Lecturesconfinement : Bartleby et compagnie d’Enrique Vila-Matas par David Rochefort

Bartleby et compagnie d’Enrique Vila-
Matas, est un grand roman sur la
littérature, sur l’amour des livres, et sur
ce que la littérature fait à la vie.
Dans sa jeunesse, le narrateur avait
publié un roman sur l’impossibilité de
l’amour. Puis il avait cessé d’écrire.
Pourtant, vingt-cinq ans plus tard, le
voilà qui se lance dans une « promenade
à travers le labyrinthe de la Négation »,
prenant des notes sur ces auteurs qui
ont renoncé à la littérature après un
seul livre, qui sont devenus fous, qui ont
estimé qu’écrire leur était devenu impossible, qui ont perdu
l’inspiration, qui se sont trouvés trop heureux ou trop malheureux
pour poursuivre leur œuvre. Bref, tous ceux qui, d’une façon ou
d’une autre, furent frappés du « syndrome de Bartleby » – le
personnage de Melville qui répétait inlassablement : « I would prefer
not to »
.
Livre érudit sans jamais être ennuyeux, on y croise les figures de
Tolstoï (qui en vint à considérer la littérature comme une
malédiction), de Salinger (qui se coupe du monde et cesse d’écrire)
ou de Pynchon (qui se coupe du monde pour continuer à écrire). On
y retrouve également Rimbaud et Pessoa, Walser et Kafka,
Maupassant et Wilde. Melville lui-même, le père de Bartleby,
deviendra inspecteur des douanes et n’écrira guère plus au cours
des trente dernières années de sa vie.
Le roman de Vila-Matas est plein de ces textes jamais rédigés, de
cette « littérature du refus ». Peut-être est-ce justement dans cette
confrérie des « écrivains négatifs » que l’on trouvera les derniers à
prendre la littérature au sérieux.
David Rochefort est écrivain. Dernier livre paru : Nous qui restons
vivants 
(Gallimard)

Bartleby et compagnie
d’Enrique Vila-Matas (Christian Bourgois) par David Rochefort

#Lecturesconfinement : L’Empreinte d’Alexandria Marazano-Lesnevich par Marianne Jaeglé

Récit puis déconstruction d’un
fait divers, traversée d’une
histoire familiale qui résonne
avec celle d’un meurtrier, mise en
évidence de la manière dont nous
fabriquons le réel par la
compréhension que nous en
avons, l’Empreinte est un texte
puissamment nouveau et original.


« Il s’agit d’un livre sur ce qui s’est
produit, mais aussi d’un livre sur ce
que nous faisons de ce qui s’est
produit. Il parle d’un meurtrier, il
parle de ma famille, il parle d’autres familles dont les vies ont été
bouleversées par le meurtre. Mais plus que ça, bien plus que ça, il s’agit
d’un livre sur la façon dont nous comprenons nos vies, le passé, sur la
façon dont nous nous comprenons les uns les autres. Pour y parvenir,
nous créons tous des histoires. » Alexandria Marazano-Lesnevich

L’auteure y démontre une maîtrise éblouissante des procédés de
narration. Un livre qui donne envie de tout repenser, à commencer
par la façon dont nous nous racontons notre propre vie.

Marianne Jaeglé est écrivaine et formatrice en écriture. Elle a
notamment publié Vincent qu’on assassine(Gallimard)

L’Empreinte
d’Alexandria Marazano-Lesnevich (Sonatine)
par Marianne Jaeglé

#Lecturesconfinement : Le silence de mon père de Doan Bui par Thuân

A la suite d’un AVC qui rend son
père aphasique, une jeune
journaliste d’origine vietnamienne
décide de mener l’enquête pour
comprendre les secrets que celui-ci
garde à ses enfants au fil des
années. Brillant et sensible, Le
silence de mon père
 dévoile une
partie importante de l’histoire
moderne du Vietnam : la séparation
du Nord et du Sud, la chute de
Saïgon, la fuite des boat people, la
douloureuse réunification du pays…
J’étais tellement touchée par ce
roman autobiographique sous forme de polar de Doan Bui que je l’ai
traduit en vietnamien dans l’espoir que ce récit bien écrit, avec
beaucoup de finesse et d’humour, aiderait mes compatriotes à mieux
comprendre l’exil, et pourquoi pas, l’identité de la France.

Née au Vietnam,Thuân est traductrice et autrice de huit romans
dont Chinatown (Seuil, 2009) et un avril bien tranquille à Saïgon
(Riveneuve, 2017) interdit par la censure vietnamienne en 2015.
L’un deux vient de recevoir le prestigieux English PEN Translates
Award (2020).
 Dernier livre paru : Lettres à Mina (Riveneuve)

Le silence de mon père
de Doan Bui (L’Iconoclaste)
par Thuân

#Lecturesconfinement : Alamut de Vladimir Bartol par Myriam Mazouzi

Pour une autre approche du temps
présent, je recommande la lecture
de Alamut de Vladimir Bartol. Ce
roman épique multiplie les fausses
pistes et nous conduit à nous
interroger notamment sur
l’endoctrinement religieux. Loin
d’être ennuyeux, l’histoire que
déroule Bartol nous raconte les
aventures d’un jeune homme au
XIème siècle en Iran et comment la
manipulation des troupes sert
l’ambition délirante d’un seul.
Bartol évoque aussi le rôle des
femmes, essentiel pour mettre en place le piège.
Myriam Mazouzi est la directrice de l’Académie
de l’Opéra de Paris

Alamut
de Vladimir Bartol (Phébus)
par Myriam Mazouzi

#Lecturesconfinement : Prudence et Passion de Christine Jordis par Gérard de Cortanze

Dans Raisons et Sentiments, Jane Austen
opposait deux sœurs qui proposaient
deux regards sur la vie. La première,
Marianne, belle et vive, personnifiait les
dangers de l’audace et le goût des
extrêmes. La seconde, Elinor, plus sage,
moins séduisante, s’engageait dans une
voie plus prudente, choisissant la raison
contre l’émotion. Christine Jordis, en
romancière subtile, transpose cette
matière anglo-saxonne dans la France
d’aujourd’hui et pose une question: dans le tumulte et le tapage
ambiants, quel comportement adopter? Faut-il fuir, s’engager, se
replier su soi? Il y a plus d’un siècle, Jane Austen nous prodiguait une
leçon de vie, Christine Jordis la reprend à son compte et nous glisse
dans l’oreille: « Voulez-vous la vérité ou plaire à un monde qui
ment ? » Un livre pudique et nécessaire.

Gérard de Cortanze est écrivain, essayiste et dramaturge, auteur de
nombreux livres dont Assam (Albin Michel), prix Renaudot
2002. Dernier livre paru : Moi, Tina Modotti, heureuse parce que libre
(Albin Michel)


Pruden
ce et Passion de
 Christine Jordis (Albin Michel)
par Gérard de Cortanze

#Lecturesconfinement : Le seigneur des porcheries de Tristan Egolf par Edouard Jousselin

Amis lecteurs, le temps est venu de
tuer le veau gras et d’armer les justes.

Pour guérir le confinement de
novembre, celui où le ciel est gris et la
nuit vient tôt, quoi de mieux que la
prose imagée et généreuse de Tristan
Egolf ? Quoi de mieux qu’un plongeon
dans une formidable entreprise
vengeresse ?

Le seigneur des porcheries raconte le
destin de John Kaltenbrunner,
prophète du Midwest, révolté contre
l’Amérique profonde, tout à la fois bigote, inculte et malveillante.
Cet évangile des bas-fonds est le remède idéal à la torpeur
automnale. À cette date, je n’ai pas lu de meilleur premier roman.

« John Kaltenbrunner était systématiquement le meilleur dans ce qu’il
faisait bien, mais pour tout le reste c’était un incapable et un je-m’en-
foutiste doublé d’un maladroit. De l’édification de son exploitation
agricole alors qu’il n’était qu’un enfant à sa brillante orchestration de la
crise quinze ans plus tard, la plus grande réussite de son existence fut
sans doute d’avoir trouvé le moyen de rester en vie toutes ces années. »
Edouard Jousselin est écrivain. Son premier roman, les cormorans est
paru en septembre 2020 aux éditions Rivages

Le seigneur des porcheries de Tristan Egolf (Folio)
par Edouard Jousselin

 

#Lecturesconfinement : Les défricheurs du monde de Laurent Maréchaux par Laurent Pfaadt

Qui n’a jamais posé son doigt
sur un globe terrestre ou suivi
le cours d’une rivière ou d’une
frontière en se rêvant, enfant
ou dictateur, maître du monde? Voilà plusieurs
millénaires que représenter le
monde fascine les hommes
jusqu’à la jouissance, jusqu’à la
folie, jusqu’à l’absurde.
Pourquoi ? Pour mieux le
connaître ? Ou pour mieux se
connaître ? Telle est la grande
question des cartes. Le livre
de Laurent Maréchaux tente modestement d’apporter une réponse
à cette question qui court depuis que l’homme a entrepris de
découvrir ce qu’il ne connait pas. Pour des raisons différentes :
politique, économique comme Turgot, anthropologique ou
géopolitique. La carte devint ainsi l’instrument de cette quête du
territoire.

Ce magnifique livre retrace à merveille cette aventure sans fin,
même aujourd’hui alors que le regard de l’homme s’est simplement
orienté de quelques degrés, de l’horizon vers les étoiles. L’ouvrage
est ainsi à la fois une histoire des géographes et une histoire de
notre propre connaissance du monde. Des Grecs anciens et leur «
colosse de la géographie », Strabon, à Vidal de la Blache en passant
par Mercator, l’inventeur de notre carte, Eratosthène ou Humboldt,
la Terre se dessine progressivement sous nos yeux pour prendre
cette forme qu’elle a aujourd’hui, ronde (eh oui !) et si complexe.

Se promenant dans ce musée de cartes et sautant de jungles en
pôles, les lecteurs des Défricheurs du monde n’auront de cesse
d’arpenter, ici, ce « récit de la volonté de savoir et de comprendre »
selon les mots de Jean de Loisy, directeur des Beaux-Arts de Paris,
qui signe la préface de l’ouvrage. Un livre indispensable donc à tout
voyageur de mots et de cartes cherchant sans répit une réponse à la
grande question.

Les défricheurs du monde de Laurent Maréchaux (Cherche-Midi)
par Laurent Pfaadt