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Vampire humaniste cherche suicidaire consentant

Un film d’Ariane Louis-Seize

Présenté hors compétition lors de la 31 édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer il y a deux mois, la comédie horrifique québecoise sort en fin sur nos écrans.


Une famille aimante (presque) comme les autres…

C’est là une excellente surprise, tant les sorties cinéma des films de genre projetés lors de la manifestation sont parfois aléatoires. Présente pour parler de son film, la réalisatrice québecoise Ariane Louis-Seize avait fait le déplacement en terre vosgienne, où la figure éminente du vampire était bien évidemment la bienvenue. Mais sa manière de l’aborder allait en étonner plus d’un…

Avant la projection, Ariane Louis-Seize allait parler de son film pendant cinq bonnes minutes sur la grande scène de la salle de l’Espace Lac, charmant accent québecois à l’appui. Son langage imagé était rafraîchissant, et son enthousiasme traduisait sa sincérité. À l’issue de son intervention, le public était impatient de voir le rideau se lever.

Surprise, les canines sont de sortie !!!

Tout commence avec l’anniversaire de Sasha, petite fille choyée au cœur d’une famille pas comme les autres. Sa famille lui offre pour l’occasion un cadeau lui aussi pas comme les autres, mais elle le dédaigne. Car Sasha est une jeune vampire dont les canines refusent de sortir, et qui refuse de tuer pour se sustenter. Elle éprouve une réelle empathie pour le genre humain, empathie qui l’empêche de pourvoir à ses besoins par elle-même. La famille est donc obligée de s’organiser pour la nourrir, ce que la mère ne supporte plus. Le père s’inquiète également beaucoup quant à l’absence d’autonomie de sa fille (les vampires vivent certes bien plus longtemps que les humains, mais ne sont pas immortels, que deviendra-t-elle lorsque ses parent auront disparu ?), mais il ne peut se résoudre à la forcer à tuer.

Finalement, la famille décide alors que c’en est fini, plus de pochettes de sang qui l’attendront au frigo au gré de ses fringales. Sasha devra s’installer avec sa cousine, Denise, qui aura la lourde tâche de lui apprendre enfin à chasser et tuer. Il lui faudra de la patience, et une bonne dose de chance. Le destin mettra Paul sur le chemin de Sasha. Rencontré un soir de vadrouille à la sortie d’un bowling, Paul est un lycéen dépressif qui vient de rater sa tentative de suicide. Il va partager son mal-être avec Sasha, et les deux « adolescents » vont peu à peu se rapprocher, en participant tous deux à des groupes de soutien pour les personnes en détresse psychologique. Très vite, Paul partage avec Sasha son envie d’en finir avec l’existence. L’occasion rêvée pour Sasha de prendre enfin son envol, sans se départir de sa compassion pour le genre humain. Mais si Sasha est prête à exaucer le souhait, elle veut néanmoins qu’il réalise ses dernières volontés auparavant.

La réalisatrice dresse le portrait touchant de deux êtres qui s’interrogent sur leur avenir, le sens de l’existence et qui vont, au fil du temps, tisser un lien fort entre eux. Sasha et Paul sont faits l’un pour l’autre. La caméra de la réalisatrice parvient à créer des scènes hors du temps, poétiques, tout en satisfaisant à la quête d’hémoglobine de tout vampire qui se respecte. Comédie dramatique, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant se permet des moments de franche rigolade (certaines scènes et dialogues sont hilarants, du fait du décalage entre le genre et la réalité), au cœur d’un récit empreint de poésie.

Une adolescente comme les autres…

Avec ses deux personnages principaux très attachants, sa rêverie et son respect du genre, le film se présente comme une Famille Adams bienveillante, finalement confrontée à des dilemmes proches du genre humain. N’appartenant pas au genre vampire, Paul devra être prêt à faire un sacrifice pour pouvoir partager le quotidien de Sasha. Avant d’en arriver là, il sera confronté aux brutes qui le martyrisent au lycée, et bien aidé par Sasha pour l’occasion. Dans le rôle de cette dernière, Sara Montpetit exprime à la perfection les doutes et la mélancolie qui l’habitent, tandis que dans celui de Paul, le comédien Félix-Antoine Bénard fait des merveilles avec son grand regard candide et apeuré. Toujours hésitant, semblant perpétuellement s’excuser d’être là, il donne au personnage de Paul la fragile humanité qui va émouvoir Sasha au plus profond de son être. Sa ressemblance avec le comédien américain Evan Peters est d’ailleurs troublante, pour ceux qui l’ont vu dans le rôle de Vif-Argent dans les films X-Men (et un moins concernant son apparence dans la série Netflix consacrée au sinistre Jeffrey Dahmer).

Ariane Louis-Seize était restée dans la salle toute la durée de la projection. Bien lui en a pris, lorsque le rideau s’est levée elle a pu savourer le tonnerre d’applaudissements qui a suivi.

Jérôme Magne

Sleep

Un film de Jason Yu

Le premier film du Coréen Jason Yu arrive sur nos écrans trois semaines et demi après s’être aventuré en terres vosgiennes. Lors de la 31ème édition du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, Sleep a en effet décroché le Grand Prix.


Bernard Werber remet le Grand Prix à Jason Yu

Retour sur ce qui a été une des bonnes surprises de la manifestation, qui d’ailleurs cette année n’en manquait pas. Après être passé par la filière du court-métrage, le réalisateur a fait un grand pas en avant avec son premier long. Le film est un modèle d’équilibre, dans lequel comédie et Fantastique se mélangent avec une évidence plutôt rare.
Sleep nous fait partager la petite vie tranquille de Hyeon-soo (le regretté Lee Sun-kyun) et Soo-jin (Yung Yu-mi), un gentil petit couple comme le cinéma asiatique sait si bien les représenter. Habitant un appartement douillet, le couple se prépare à la naissance de son premier enfant. Hyeon-soo est comédien professionnel, mais des problèmes de somnambulisme viennent progressivement perturber sa vie conjugale ainsi que sa vie professionnelle. Au début, son épouse ne s’en inquiète pas. Mais la naissance de leur enfant approche, et les crises de somnambulisme prennent des proportions de plus en plus inquiétantes. Hyeon-soo se défigure en se grattant compulsivement le visage, il vide le frigo et va jusqu’à tenter de sauter par la fenêtre.

Ce ne sont là que les manifestations les plus « normales » de son somnambulisme, nous n’éventerons pas les autres. Jason Yu a écrit le scénario de son film (seul moyen de devenir metteur en scène en Corée du Sud quand on est novice, selon lui), ce qui l’a aidé à savoir quoi filmer et comment le filmer. Sa caméra est intimiste, elle est au plus près du quotidien du couple. La force de son récit réside précisément dans sa capacité à illustrer la vie d’un couple aimant et harmonieux, et sa réaction à une situation inhabituelle. Le Fantastique s’immisce peu à peu dans l’histoire, mais de manière tellement furtive qu’on ne sait comment comprendre les événements. Ce qui est assez plaisant il faut le reconnaître.
Son calvaire prenant des proportions inquiétantes, Hyeon-soo va donc naturellement se tourner vers une clinique spécialisée dans les troubles du sommeil, qui va lui proposer toutes sortes de conseils et de médicaments. Et des petits trucs sur l’aménagement de leur appartement afin d’éviter toute forme d’accident. Au début tout semble aller dans la bonne direction. Mais finalement l’amélioration s’arrête aussi vite qu’elle a commencé. Appelée en renfort, la belle-mère va faire intervenir une médium, et c’est là que le film évolue vers autre chose. La médium sentira une présence malfaisante, très puissante, sans parvenir à en dire plus et à mettre le doigt sur le « fantôme » qui serait la cause des troubles grandissants de Hyeon-soo. Le couple va alors chercher une explication surnaturelle, et se mettre en quête d’événements violents ayant pu toucher leur cercle proche. Commence une recherche fastidieuse auprès des ex petits-amis éconduits. Elle ne donnera pas de résultats tangibles.
Sleep est un film captivant, à l’atmosphère envoûtante. Maîtrisé de la première à la dernière image, le spectateur y partage un moment clef de la vie d’un couple ordinaire. Selon sa propre sensibilité, pour expliquer ce qu’il voit à l’écran, le spectateur empruntera deux directions qui n’ont rien en commun. L’amateur de fantastique choisira naturellement le surnaturel, la poésie, tandis que le rationnel se raccrochera à des éléments plus cartésiens.

Quoi qu’il en soit, chacun trouvera dans Sleep matière à satisfaction. Questionné sur le sujet, Jason Yu s’en est d’ailleurs amusé, se gardant bien de dire de quel côté il se rangeait. Avec sa maîtrise du cadre et de l’espace, le metteur en scène se place déjà comme l’un des grands espoirs du cinéma coréen. L’empathie dont il fait preuve pour ses personnages est le petit plus qui a convaincu les membres du Jury Longs-Métrages du dernier Festival de Gérardmer. Son « feel good horror movie » comme il le décrit lui-même a pleinement mérité son Grand Prix.

Jérôme Magne

31ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer

31ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer.

C’était iy a trente ans, au début du mois de février 1994. Fantastic’Arts naissait au coeur des Vosges à Gérardmer. Le festival prenait la suite du Festival International du Film Fantastique d’Avoriaz, qui s’était tenu dans la station de sports d’hiver de 1973 à 1993. Aujourd’hui la ville de Gérardmer est indissociable du festival, qui rayonne au-delà de nos frontières avec toute sa ribambelle de films primés. La manifestation s’est étoffée progressivement, offrant de nombreux événements en ville, des rencontres littéraires au Grimoire, des masterclass avec d’éminentes figures du Septième Art et de la littérature, des ateliers destinés au jeune public et, il n’y a pas si longtemps, des zombies walks qui grouillaient dans les rues de la ville. La horde bravait des conditions météo parfois rudes.
Pour sa 31ème édition, le festival avait convié deux grands noms de la littérature française pour chapeauter les deux jurys de films en compétition. Bernard Werber (il fait partie du décors, étant quasiment présent à chaque édition) pour le Jury Longs-Métrages, et Bernard Minier pour le Jury Courts-Métrages. Pour départager les 10 films en compétition, Bernard Werber était accompagné de Clovis Cornillac, Jean-Paul Salomé, Caroline Anglade, Sébastien Vaniceck, Mathieu Turi, Mélanie Bernier et Charlotte Gabris. De son côté, l’auteur de polars Bernard Minier était entouré d’Adrien Ménielle, Alice Moitié, Monsieur Poulpe, et Mara Taquin. Sur les 5 jours que durait le festival, le Jury Courts devrait lui départager 5 œuvres. Tout au long de cette (trop?) courte manifestation les écrivains, comédiens, scénaristes, réalisateurs et photographes composant les jurys se sont rendus disponibles, en participant à des tables rondes, des interviews et de longues séances de dédicaces ouvertes au plus grand nombre à l’Espace Tilleul.
Cette année, les films visionnés ont abordé le Fantastique et son bestiaire sous toutes ses coutures. Vampires, sorcières, fantômes, mutants, loups garous, zombies, possessions et sectes en tout genre ont envahi les quatre (bientôt cinq ?) écrans de la ville pour le plus grand plaisir de tous, ces amateurs de sensations fortes venus des quatre coins de France.

Revrgis

Resvrgis, du réalisateur italien Francesco Carnesecchi, s’intéresse à l’émouvante figure du loup-garou, cette créature incomprise soumise aux caprices de la lune. Venu présenter son film à Gérardmer sur la scène de l’Espace Lac, le metteur en scène a tenu à rendre hommage à ses illustres aînés, les Dario Argento et Lucio Fulci de l’époque, qui avaient donné à la terreur à l’italienne ses lettres de noblesse, il y a une éternité. Si son respect pour le genre et son illustration du mythe sont sincères, ils ne permettent pourtant pas à son film de rivaliser avec les grands classiques. Reste quelques belles images (la scène finale) et une créature au look plutôt réussi. Resvrgis était en compétition, mais n’a pas remporté de prix .

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant

Présenté Hors Compétition, le film québecois Vampire humaniste cherche suicidaire consentant a été notre petit coup de cœur. Présenté par sa réalisatrice Anne Louis-Seize sur la grande scène de l’Espace Lac, pendant cinq bonnes minutes, son film a été celui qui a recueilli le plus d’applaudissements. Nous l’aborderons plus en détail lors de sa sortie le 20 mars prochain. Sachez seulement qu’il s’agit de suivre la crise d’adolescence (68 ans tout de même !) de Sasha, une vampire qui ne peut se résoudre à mordre et tuer ses proies afin de se sustenter. Ce qui pose problème à ses parents, qui voudraient la voir prendre son envol. Sa rencontre avec Paul, un adolescent lunaire aux tendances suicidaires, va peut-être lui offrir la solution : il est d’accord pour lui offrir sa vie. Anne Louis-Seize a fait l’effort de rester pendant la projection ; elle a ainsi pu assister au tonnerre d’applaudissements qui a parcouru la salle quand les lumières se rallumèrent.

Kaidan, Histoires étranges de fantômes japonais

Kaidan, histoires étranges de fantômes japonais d’Yves Montmayeur, est un documentaire hors compétition sur la J-Horror (Japan Horror), et plus particulièrement sur le sous genre du film de fantômes. Bien que ne pouvant être exhaustif en 1H30, le film illustre la figure du fantôme à travers ses différentes expressions : les contes, le cinéma, le théâtre, la danse, la télévision, le manga. Un voyage peut-être un peu rapide, qui nous a toutefois permis de croiser de grands noms ayant touché au genre : Hideo Nakata, Kiyoshi Kurosawa, Takashi Shimizu, Junji Ito et bien d’autres.

La Morsure

Premier long-métrage de Romain de Saint-Jean Blanquat, La Morsure était présenté hors compétition. Le spectateur y faisait la connaissance de Françoise et Delphine, deux jeunes filles pensionnaires d’un lycée catholique. Supportant mal le carcan religieux, Françoise est persuadée qu’il ne lui reste plus qu’une seule nuit avant sa mort. Elle décide de faire le mur avec son amie, pour se rendre à une fête costumée non loin de là, et vivre pleinement cette dernière soirée. La ballade un peu brouillonne nous fait rencontrer une belle brochette de personnages, certains énigmatiques (mention spéciale à Frédéric Blin, bien loin de son rôle d’Estèves, le neveu des Raymond et Huguette de la série Scènes de Ménages), tous confrontés à des situations improbables. Les amateurs de canines acérées devront s’armer de patience, La Morsure ne partageant qu’un rapport ténu avec le Fantastique (nous n’en dirons pas plus, de peur d’éventer la surprise…). Reste quelques jolies scènes, et des dialogues parfois très justes.

Roqya

Roqya de Saïd Belktibia aborde le thème de la sorcellerie. On y suit le quotidien de Nour, qui vit en faisant de la contrebande d’animaux exotiques qu’elle vend à des guérisseurs pratiquant la Roqya, cette médecine prophétique basée sur des méthodes de guérison occulte. Dans la banlieue de Paris, le trafic de Nour se développe, jusqu’au jour où une consultation vire au drame. Nour deviendra alors la proie d’une chasse aux sorcières, et aura fort à faire pour protéger la vie de son fils ainsi que la sienne.
Roqya s’appuie sur des comédiens qui ont fait leurs preuves : Golshifteh Farahani et Denis Lavant sont de la partie, entourés de comédiens moins connus, mais tout aussi convaincants.

When Evil Lurks

Le film argentin When Evil Lurks de Demian Rugna était très attendu à Gérardmer. Avec son histoire de possession, son style épuré, sa mise en scène efficace, ses effets gore et son imaginaire sur le démon bien développé, le film s’appuyait sur des décors et une musique aux petits oignons. Pas un moment de répit pour le spectateur qui, ravi, n’en demandait pas tant, et imaginait dès le début le pire. Très bien accueilli, When Evil Lurks repartit de Gérardmer avec deux Prix, celui de la Critique, et celui du Public. Bien à sa place au cœur de cette 31ème compétition, le film mérite ses récompenses, et illustre parfaitement ce que l’on cherche à Gérardmer : un mal pernicieux, sournois, et surtout qui a la vie dure…

The Funeral

The Funeral du réalisateur turque Orçun Behran suivait l’étrange ballade de Celam, un conducteur de corbillard solitaire, chargé d’une étrange mission : ramener le cadavre d’un jeune fille à sa famille, dans un coin reculé du pays. Problème, la jeune fille n’est peut-être pas aussi morte qu’elle en a l’air. Roadtrip atypique, The Funeral alterne moments contemplatifs, scènes gores et visions poétiques, en nous faisant parcourir une Turquie aux paysages variés, aux côtés d’un comédien qui n’est pas sans rappeler un certain Nicolas Cage, les fans de l’acteur apprécieront…

Perpetrator

Sélectionné dans le cadre de la compétition, Perpetrator de Jennifer Reeder affichait une certaine esthétique. Dans cette histoire en apparence très simple (un psychopathe enlève des lycéennes issues d’un même quartier) Jennifer Reeder fait quelque chose d’un peu plus original. On y suit la croisade de Jonny, une jeune fille qui subit une métamorphose à l’occasion de ses 18 ans. Elle décide de traquer le criminel. Dommage que le film n’exploite pas plus son imaginaire. Face à la caméra, on retrouve Alicia Silverstone et Chris Lowell, aux côtés de Kiah McKirnan, vue dans la série Vers les étoiles.

It’s a Wonderful Knife

Présenté hors compétition, It’s a Wonderful Knife marquait le retour de Tyler MacIntyre à Gérardmer, 6 ans après son précédent film, Tragedy Girls. Venu présenter son œuvre sur la scène du Lac, le réalisateur américain s’est exprimé avec son débit mitraillette pendant cinq minutes, qui ont paru bien longues au maître de cérémonie David Rault, chargé pour l’occasion de la traduction. Le film est un slasher de Noël, moins cynique que Tragedy Girls, qui remplit honorablement son cahier des charges. Comme souvent, quand c’est bien conçu, comédie et coups de couteaux cohabitent bien.

The Forbidden Play

The Forbidden Play marquait le retour d’Hideo Nakata en terres vosgiennes. Célèbre pour avoir contribué à la vague de films d’horreur asiatiques qui a déferlé sur le monde à la fin des années 90, avec Ring et plus tard Dark Water, le réalisateur nippon n’a rien perdu de son mordant. Il parvient toujours à susciter l’angoisse avec peu de choses. Son film est reparti bredouille, ce qui ne lui retire pas ses qualités.

The Seeding

Premier film du britannique Barnaby Clay, The Seeding récolta le Prix du Jury Jeunes de la Région Grand-Est. Dès l’ouverture le réalisateur pose une chape de plomb sur son histoire. Perte de repères, étouffement, claustrophobie et isolement sont au menu du récit, qui nous fait suivre le calvaire d’un randonneur égaré dans le désert. Venu photographier une éclipse solaire, il va venir en aide à un enfant égaré, et ne sera pas vraiment remercié pour son geste…

Sleep

Récompensé par le Gand Prix du festival, le film coréen Sleep était le premier long-métrage de Jason Yu. En suivant l’existence d’un jeune couple confronté aux crises de somnambulisme du mari, le réalisateur nous plonge progressivement dans le Fantastique. Il est méthodique, prend le temps de poser les jalons de son récit, et la magie opère :le Fantastique est partout et nulle part à la fois. Derrière chaque manifestation du somnambulisme de l’époux se cache quelque chose, ou quelqu’un. Ancien assistant de Bong Joon-Ho, Jason Yu partage avec lui sa maîtrise des décors et de l’espace. Il fait de l’appartement qu’habite le couple un personnage à part entière (et pas des plus bienveillants). En récompensant Sleep, le Jury a salué un feel-good horror movie (dixit Jason Yu lui-même), qui confronte des personnages on ne peut plus normaux à des phénomènes qui ne le sont pas. Le fantastique et la comédie se partagent ici les rôles de la manière la plus naturelle possible. Le film est dédié au comédien Lee Sun-kyun, adulé en Corée,et disparu il y un mois et demi (on se rappelle de lui notamment dans la Palme d’Or du festival de Cannes 2019, le film Parasite de Bong Joon-ho.)

La Damnée

Premier long-métrage du jeune réalisateur Abel Danan (25 ans), La Damnée était sélectionné en compétition. On y suit le quotidien de Yara, une jeune marocaine venue étudier à Paris. Souffrant de troubles psychologiques, Yara va devoir lutter contre la folie alors que le confinement s’abat sur la ville. Dans son appartement les choses vont se compliquer, la jeune fille n’ayant plus aucun contact avec l’extérieur. Au cœur de cet étouffant huis clos le spectateur découvre, avec Yara, ses vraies origines. Partant de là, elle peut désormais grandir…

Comme chaque année, les films se sont enchaînés, nous entraînant dans un tourbillon incessant, nous faisant perdre nos repères. Il était en effet parfois difficile de savoir à quel moment de la journée on se situait, les jours se suivant, truffés de péloches qui -heureusement- ne se ressemblaient pas. Les films en compétition étaient homogènes, d’un bon niveau, et les bénévoles, sans lesquels la manifestation ne pourrait exister, toujours aussi sympathiques. On ne les changera pas, et c’est tant mieux. La météo, clémente, a permis aux festivaliers de se balader dans la ville et aux abords du lac, lieu incontournable de la ville s’’il en est (avec l’Espace Tilleul et son célèbre Grimoire). A l’heure du bilan, Pierre Sachot, Président de l’Association du Festival, a dévoilé les dates de la prochaine édition. Ce sera du 29 janvier au 2 février 2025. A vos agendas et surtout, ne manquez pas l’ouverture de la billetterie, afin d’acheter le précieux sésame. Cette année la mise en vente des PASS a battu des records de fugacité, les festivaliers espèrent que l’année prochaine l’organisation s’y prendra autrement. A voir…..

Jérôme Magne

Second Tour

Un film d’Albert Dupontel

Second Tour est le huitième long-métrage mis en scène par Albert Dupontel. Comme toujours le cinéaste en a signé le scénario qui, comme toujours, ne ressemble à aucun autre, et positionne immédiatement le film dans la catégorie des œuvres inclassables.

Une fine équipe

Dans cette histoire suivant le parcours d’un brillant candidat à la présidentielle entre deux tours, il y a beaucoup de scènes de pure comédie, mais pas que. Des réflexions sur des thèmes actuels importants -coucou l’écologie, coucou l’immigration- font irruption ici ou là avec un sérieux d’autant plus percutant que l’atmosphère générale du film tire vers la loufoquerie.

Second Tour nous montre le quotidien de Pierre-Henri Mercier, interprété par Albert Dupontel, candidat sorti de nulle part et issu d’une riche famille industrielle. Il est financé par de puissants groupes aux intérêts uniquement mercantiles, qui attendent de lui une politique en leur faveur. Passé quelques scènes, nous découvrons que Pierre-Henri Mercier n’est pas la marionnette que ses sponsors espéraient, et qu’il a l’intention d’œuvrer à la défense de l’écologie, ce qui va totalement à l’encontre des promesses faites aux magnats qui le financent. Son secret était jusque là bien gardé…

Cécile de France et Nicolas Marié

Nathalie Pove (Cécile de France) est une journaliste TV sportive dynamique. Brillante, elle couvrait auparavant une actualité plus prestigieuse, mais a été placardisée suite à un reportage peu élogieux sur l’un des actionnaires de sa propre chaîne. Avec son fidèle cameraman, Gustave Clément (Nicolas Marié), elle se morfond en couvrant des événements sportifs, jusqu’au jour où son patron lui demande de suivre la campagne de Pierre-Henri Mercier suite à l’indisponibilité des principaux journalistes politiques de la chaîne. Son patron lui fait promettre de museler son esprit critique, et lui fournit l’ensemble des questions à poser, les aseptisées, celles évitant toute polémique. Nathalie acquiesce, bien entendu, mais va-t-elle réussir à réfréner son instinct, rien n’est moins sûr…

Infiltrés…

Second Tour démarre sur les chapeaux de roue, Albert Dupontel n’aime pas perdre de temps à planter le décors. Le réalisateur est efficace dès les toutes premières images, ses films durant la plupart du temps moins d’une heure trente (exception faite d’Au revoir là haut il y a six ans). Il nous présente ce candidat atypique en quelques scènes, l’homme providentiel que la droite libérale a propulsé sur le devant de la scène faute d’autre candidat. Vient le tour de Nathalie Pove, dépeinte comme une experte dans l’art de dénicher les petits secrets, sorte de Columbo moderne du journalisme. Avec son acolyte, le cameraman, elle forme un duo percutant, les forces et faiblesses de l’un et l’autre se compensant. .

Ce huitième long-métrage reflète partiellement l’âme de son metteur en scène, qui ne peut s’empêcher de (se) questionner sur la nature humaine, ainsi que son rapport à son environnement. La fable politique et écolo est bien évidemment teintée d’une certain cynisme, sans quoi ce ne serait pas vraiment un film de Dupontel, mais on remarque ici ou là des percées d’espoir, mesurées.

Albert Dupontel

Les dialogues sont très souvent hilarants et les scènes ne s’embarrassent d’aucun superflu. Les comédiens, parfaits, font des merveilles, chacun dans son registre. Les fidèles de l’univers Dupontel sont bien là, à commencer par Nicolas Marié, aux côtés de Philippe Duquesne, Philippe Uchan, et encore Bouli Lanners. Albert Dupontel les connaît bien, il leur offre des rôles, petits ou grands, aux petits oignons. Face à ses habitués, la comédienne belge Cécile de France trouve sa place sans difficulté, interprétant un personnage plus cérébral, moins physique qu’à l’accoutumée. Elle excelle dans ce rôle de femme forte, prête à aller au bout de ses idées et qui, malgré ses revers professionnels récents, arrive encore à se laisser gagner par une indignation salvatrice. Elle donne la réplique à un Albert Dupontel plus posé, qui ne se départ pas de son côté sombre. Leurs échanges, précautionneux au départ, leurs permettent de se révéler l’un à l’autre, au cours d’un jeu du chat et de la souris imprévisible. La conclusion, teintée d’espoir, est à l’image des films d’Albert Dupontel : traversée de doutes, mais ouverte et positive.

Jérôme Magne

The Creator

Un film de Gareth Edwards

En 2010, le réalisateur britannique Gareth Edwards se faisait connaître en réalisant un film de science-fiction indépendant intitulé Monsters. Le long-métrage allait récolter plusieurs récompenses et lui ouvrir les portes d’Hollywood.

La sinistre station NOMAD

Il allait par la suite mettre en scène deux blockbusters, Godzilla en 2014, et Rogue One : A Star Wars Story en 2016. The Creator est son quatrième long-métrage, dans lequel il confirme son attirance pour l’anticipation.

Le film s’ouvre sur des images d’archives. Un rappel des grandes découvertes de la robotique et de ses dates-clefs nous montre l’évolution de l’intelligence artificielle, jusqu’au drame survenu 10 ans plus tôt. L’intelligence artificielle (I.A.) aurait fait exploser une bombe nucléaire sur la ville de Los Angeles, faisant disparaître un million de personnes en un éclair.

Joshua et Alphie

Depuis, les États-Unis sont en guère contre l’I.A., et cherchent à l’éradiquer par tous le moyens. Une vision que les pays d’Asie du Sud Est ne partagent pas, ceux-ci ayant continué à développer des robots humanoïdes de plus en plus perfectionnés, au cœur d’une société où les androïdes et les humains cohabitent pacifiquement. Le États-Unis ne sont pas en guerre contre ces pays, mais n’acceptent pas leur fonctionnement. Ils ont décidé d’éradiquer l’I.A. partout sur Terre, et on développé une gigantesque station orbitale qui survole la planète dans le but de supprimer tous les foyers d’I.A. Pour cela, ils doivent trouver le mystérieux Créateur, celui qui a tout conçu depuis le début, et qui a permis de fabriquer des clones toujours plus perfectionnés et plus humains.

Joshua est un ancien soldat infiltré chez les robots. La bombe nucléaire a fait disparaître l’ensemble de sa famille, et lui a fait perdre l’usage d’un bras et d’une jambe. Suite à ce drame, il a fait ce que son pays voulait de lui, contribuer à débusquer le Créateur. Mais un drame viendra bousculer ses certitudes…

Le thème de l’interventionnisme américain est le premier qui apparaît dans le film. Il semble une évidence, et se teinte d’une grande sincérité, l’Amérique est condamné à défendre le monde contre lui-même. Elle souffre d’un complexe de supériorité tellement écrasant qu’elle l’empêche de comprendre les choses comme elles sont. Persuadés d’avoir raison, les Américains estiment avoir le droit d’imposer leur vision à tous, quitte à engendrer des dommages collatéraux sur leur route. Le complexe du Sauveur s’accompagne de manifestations belliqueuses : même en pays étranger, les États-Unis s’autorisent à intervenir, sans avoir consulté les dirigeants concernés. Ce « dialogue » de sourd est au cœur de l’histoire. Le pays exerce une forme de justice aveugle, que Joshua embrassera, du moins au début. Persuadé d’agir pour le bien de l’humanité, Joshua suivra d’abord ses ordres à la lettre, dans l’espoir de retrouver -ne serait-ce que brièvement- un être cher.

Alphie, le Sauveur

Gareth Edwards filme The Creator comme une fable d’anticipation. Cela lui permet d’aborder son genre de prédilection, la science-fiction, tout en faisant la critique de la civilisation occidentale opposée, selon lui, à la notion de tolérance prônée par les pays orientaux. Le thème de l’intelligence artificielle est finalement plus un prétexte pour défendre le droit à la différence et le respect de l’autre, quel qu’il soit. Les effets spéciaux n’éloignent pas le spectateur du récit, ils créent un monde futur plausible dans lequel les robots sont parfois plus qu’humains. Isaac Asimov aurait apprécié ! L’intelligence artificielle telle qu’elle est ici représentée n’apparaît jamais comme menaçante, son but est simplement de cohabiter avec les hommes. Loin du Skynet que James Cameron imaginait en 1984 dans son film culte Terminator, et qui allait donner de nombreuses suites.

Le périple de Joshua est éreintant, il est poussé par une force immense, et aidé par un petit «enfant» qui pourrait bien être la clef de tout…

A la toute dernière image celui-ci nous gratifie d’un sourire annonciateur de jours meilleurs. Gareth Edwards nous confirme qu’il n’a pas perdu espoir en l’humanité…

Jérôme Magne

Hypnotic

Un film de Robert Rodriguez

Avec plus d’une vingtaine de longs-métrages à son actif,
Robert Rodriguez a démontré qu’il était un cinéaste éclectique. Le réalisateur américain d’origine mexicaine a en effet prouvé qu’aucun genre ne l’effrayait
.

Capable d’aborder le film de gangsters (El Mariachi et ses suites, les Desperados), celui de vampires (Une nuit en enfer), pour ensuite passer par le film d’invasion extra-terrestre (The Faculty), la comédie d’action pour adolescents (Spy Kids et ses nombreuses suites), le film d’anticipation (Alita : Battle Angel) et le film d’horreur(Planète Terreur), Robert Rodriguez a démontré sa curiosité à la moindre occasion. Son amour pour le cinéma s’étend à tous les genres, et le pousse même à cumuler de nombreuses casquettes sur chacun de ses films.

En effet, le réalisateur ne se contente pas de la mise en scène de ses films, il en est très souvent le scénariste, le producteur, le monteur, le compositeur, tout en se permettant ici ou là des petits caméos bien sympathiques. Véritable homme-orchestre, son amour du Septième Art lui fait embrasser ses créations comme peu de cinéastes aujourd’hui. Avec Hypnotic, il choisit d’aborder un genre hybride, entre le thriller psychologique et le film d’anticipation, renvoyant à des classiques du cinéma. A la vue de certaines scènes et concepts, comment en effet ne pas penser aux Matrix des Wachowski, ainsi qu’à Christopher Nolan et son célèbre casse-tête Inception…

Le début du film nous montre un flic, Danny Rourke (interprété par Ben Affleck), en pleine conversation avec sa psychiatre. Le personnage est fatigué, amaigri, il suit une thérapie suite à la disparition de sa fille quelques années auparavant. Alors que le père et sa fille partageaient un moment ensemble dans un parc de la ville, celle-ci avait brusquement disparu. Rourke avait juste détourné le regard une fraction de seconde, elle n’était plus là… La séance de thérapie touche à sa fin, Rourke est déclaré apte au service alors qu’on l’appelle justement sur une affaire urgente.

Sur le lieu du braquage en cours, il constate rapidement que certains intervenants se comportent de manière étrange. Comme agissant dans un état second. Commence alors une course contre la montre dans laquelle il va découvrir une sombre machination et des personnes aux capacités étranges. Il devra faire face à une organisation opaque, dont le but ne sera jamais très clair (bras armé secret des USA, obscure organisation criminelle, secte …?). Dans le rôle de ce père qui n’a toujours pas fait le deuil de sa fille disparue, Ben Affleck s’en sort plutôt bien, de même qu’Alice Braga (La Cité de Dieu, Le Rite, Elysium et plus récemment le Suicide Squad version 2021 de James Gunn) dans celui de sa compagne de fuite, Diana Cruz. Le grand méchant nous offre le plaisir de croiser William Fichtner, second rôle de plus d’une soixantaine de films (Heat, Armageddon, La Chute du Faucon Noir, Strange Days, En pleine tempête, Pearl Harbour, Hell Driver), surtout connu pour sa participation aux séries Prison Break et Crossing Lines. Sa présence suffit à personnifier une menace plausible, même si on aurait aimé voir le personnage de Lev Dellrayne un peu plus développé à l’écran.
Hypnotic s’avère être un drôle d’objet, une pellicule qui pourra paraître brouillonne à certains, tandis que d’autres y verront une fois encore la sincérité de son metteur en scène. Pour certains, Robert Rodriguez a réalisé un sous-Christopher Nolan. Nous préférons y voir un film à prendre au premier degré, plein de bonnes intentions, parsemé de rebondissements et qui nous donne la brève occasion de revoir cette bonne vieille trogne de Jeff Fahey.

La scène qui suit le début du générique laisse entendre qu’une suite serait possible, mais au vu des chiffres d’exploitation au box-office (très mauvais, en grande partie du fait d’une campagne publicitaire inexistante aux USA) cela est malheureusement peu probable….

Jérôme Magne

Mission impossible : Dead Reckoning, partie 1

Un film de Christopher McQuarrie

En 1996, Brian de Palma mettait en scène un premier Mission impossible sur grand écran. Dans cet excellent film, aujourd’hui qualifié « d’old school », Tom Cruise endossait pour le première fois le costume d’Ethan Hunt, cet ex-soldat d’élite aux capacités d’adaptation extraordinaires et entraîné aux techniques d’espionnage.

Près de trente années ont passé, Emmanuelle Béart, Jon Voight et Jean Reno ne sont plus là, seuls Tom Cruise, Ving Rhames et Henry Czerny sont rescapés du premier film. L’époque, les moyens financiers et la technique ont beau avoir évolués, l’histoire conserve ce qui a fait la réussite de la saga. Une sombre machination, une menace planétaire, des trahisons et des déguisements à foison, le tout agrémenté de cascades ébouriffantes (mention spéciale à la course poursuite dans les rues de Rome, et à l’arrêt brutal de l’Orient Express, au bord d’un précipice). Ce qui se fait de mieux en terme d’image et d’effets spéciaux, une technique à l’état de l’art. Cela pourrait sembler répétitif à certains, et pourtant, il n’en est rien.
La menace qui plane sur l’Humanité est mise au goût du jour. Ère numérique oblige, il s’agit d’une intelligence artificielle ayant échappé à son créateur, évolutive, qui apprend de ses erreurs et s’améliore sans cesse. Et bien évidemment animée des pires intentions. Comme quoi, depuis le classique d’anticipation Terminator de James Cameron il y a 40 ans et son sinistre Skynet, il n’y a pas grand’chose de nouveau. Si ce n’est qu’aujourd’hui l’Humanité n’est pas décimée par les robots, mais en passe d’être manipulée par la désinformation par une Entité tentaculaire. De manière toujours aussi évidente, tous les gouvernements sont prêts à tout pour mettre la main dessus.


Solution de la dernière chance, l’équipe Force Mission impossible va accepter ce nouveau défi. Les premières images se prêtent au jeu de la paranoïa : dans le milieu confiné et étouffant d’un sous-marin, l’équipage russe teste un programme permettant de rester invisible aux yeux de tous. La manœuvre militaire prendra une tournure inattendue. On retrouve ensuite Ethan Hunt, caché et seul comme toujours. Contacté par son « employeur », il va accepter une nouvelle mission au nom de son équipe. Luther (Ving Rhames) et Benji (Simon Pegg) sont là, ils vont devoir retrouver Ilsa Faust (Rebecca Ferguson), une vieille amie. Transfuge du MI6, celle-ci possède la moitié d’une mystérieuse clef qui, associée à son autre moitié, permet d’ouvrir l’accès à cette mystérieuse Entité, capable d’altérer toute vérité pour faire disparaître le monde tel que nous le connaissons. Ethan croisera la route de Grace, une jeune femme aux multiples talents. Associée à Ethan Hunt bien malgré elle, elle lui donnera du fil à retordre.
Le metteur en scène n’en est pas à son coup d’essai. Il met en images son troisième Mission impossible (et signe son quatrième scénario), et collabore pour la neuvième fois dans un long-métrage mettant Tom Cruise en haut de l’affiche. Christopher McQuarrie évolue donc en terrain connu, et le degré d’exigence et de professionnalisme de la star ne l’étonnera pas. Mais le film ne se résume pas uniquement au personnage d’Ethan Hunt. La notion d’équipe conserve toute son importance. La Force Mission impossible est envisagée comme une famille, chaque membre la composant bénéficiant du soutien indéfectible des autres membres.
Pour personnifier les enjeux, l’Entité est affublée d’un avatar en la personne de Gabriel. Cette vieille connaissance d’Ethan le connaît trop bien, et sait à quel point il est prêt à mettre la sécurité de ses proches avant la sienne. Et n’hésiterait pas une seconde à se sacrifier pour eux. On pourra regretter que ce « méchant » soit un peu trop doux, trop mielleux à notre goût. La faute à des choix d’interprétation faits par Esai Morales, pourtant habitué aux rôles ambiguës. La froideur qu’il affiche est malheureusement atténuée par un petit côté espiègle qui ternit son aura de super méchant.

Cette première partie est très divertissante, on ne voit pas le temps passer, malgré les quelques deux heures quarante que dure le film. Tom Cruise porte bien évidemment le film sur ses épaules, mais laisse à chacun l’opportunité de marquer la pellicule à son image. Connue pour son rôle de Peggy Carter dans l’univers Marvel, la comédienne Hayley Atwell incarne le petit grain de sable qui grippera la machine Force Mission impossible dans un premier temps, avant d’en devenir un allié. Un électron libre, habitué à ne suivre que son propre instinct, et à faire cavalier seul, coûte que coûte. Face à elle, les fans des films Gardiens de la Galaxie auront bien du mal à reconnaître la comédienne française Pom Klementieff, dont les traits étaient maquillés pour donner vie à Mantis. Elle interprète ici Paris, une assassine française à la solde de Gabriel, déterminée mais rattrapée par sa conscience dans la dernière partie du film.
Lorsque le rideau se lève, il le fait au bon moment. Les événements se sont enchaînés naturellement, sans temps mort, et le spectateur n’a pas eu l’impression que l’histoire s’étirait en longueur. Une juste mesure, pour un long-métrage qui remplit son objectif à 100 %. La suite l’année prochaine…

Jérôme Magne

Les Gardiens de la Galaxie 3

Un film de James Gunn

Adaptée au cinéma en 2014, la franchise Les Gardiens de la Galaxie a aussitôt rencontré le succès, ce qui a rapidement permis la mise en route de sa suite, sortie en 2017. Les studios Marvel se sont ensuite consacrés à exploiter d’autres personnages (Thor, Docteur Strange, Black Panther), pour finalement revenir sur la fine équipe des Gardiens.

On ne va pas tourner autour du pot, ce troisième opus est aussi réussi que les deux précédents. Tout ce qui a fait le succès de la saga est là, sans que cela paraisse répétitif, et le metteur en scène développe de nouveaux éléments, ainsi que certains déjà présents auparavant. Le film dure, là encore, 15 minutes de plus que le précédent. De là à dire que Marvel donne dans la surenchère il n’y a qu’un pas, que nous ne franchiront pas.

Les premières images sont sombres et, une fois n’est pas coutume, ne donnent pas dans la gaudriole. Un bref aperçu des origines de Rocket, l’irascible et génial petit raton-laveur qui refuse d’être décrit ainsi. Plus tard on en apprendra un peu plus sur ses origines et sur les terribles expériences dont il a été le cobaye. Aussitôt après, on retrouve la bande composée de Star-Lord/Peter Quill, Drax le Destructeur, Nébula, Mantis, Groot et bien sûr Rocket, dont on a vite compris qu’il sera le ressort dramatique du long-métrage.
Sur la planète Knowhere les Gardiens s’occupent comme ils peuvent. En fait chaque membre est surtout chargé au quotidien de veiller à tour de rôle sur Peter, celui-ci passant son temps noyé dans l’alcool, pleurant encore la disparition de sa bien-aimée Gamora. Cette routine déprimante aurait pu se prolonger encore longtemps, mais voilà, un ersatz de méchant “Superman”, Adam Warlock (étonnant Will Poulter, qui interprétait le cousin Eustache dans Le Monde de Narnia et Gally dans Le Labyrinthe), Souverain fils de la grande prêtresse Ayesha, décide de débarquer sur Knowhere en détruisant tout sur son passage, dans l’idée d’enlever Rocket. Dans la bataille qui s’ensuit celui-ci est blessé puis plongé dans le coma. Pour le sortir de là, Peter Quill va devoir dessaouler, et les Gardiens se lancer à la poursuite du Maître de l’évolution, l’apprenti sorcier qui s’est livré à toutes ces expériences sur Rocket et détient le secret permettant de le sauver.

Ce troisième épisode des Gardiens de la Galaxie emprunte une trame assez classique dans le genre, celle d’un être qui se prend pour Dieu et s’est peu à peu éloigné de son idée originelle (créer un monde parfait, peuplé de créatures aussi parfaites), face à un groupe de héros. On croise avec plaisir des personnages secondaires désormais familiers (Sylvester Stallone reprend l’uniforme de chef des ravageurs Stakar Ogord, Nathan Fillion de la série Castle celui de Maître Karja). Comme à son habitude, James Gunn a bâti son film sur trois grands piliers, l’équipe, l’action, et la musique. Les deux premiers sont communs à toutes les productions Marvel, le dernier est ici un personnage à part entière, une partie de l’âme du film.
Le cinéaste a en effet encore une fois composé une bande-son délirante, qui donne à son histoire des faux airs de dessin-animé sous acide. Certaines scènes en deviennent indescriptibles, les couleurs vives le disputant à des mélodies d’une autre époque. Les querelles au sein du groupe sont toujours présentes (elles sont indissociables de la troupe des Gardiens), mais c’est véritablement la musique qui fait des films « Gardiens de la Galaxie » un genre à part au cœur de l’univers Marvel. Star-Lord ne saurait vivre sans musique, il est resté fidèle à ses origines, baratineur, charmeur et pacifiste avant tout. Mais comme tout héros qui se respecte, il ne faut pas s’attaquer à un membre de « son » équipe.

Quand le rideau se lève, le spectateur pourra s’étonner. Peter Quill en a-t-il fini avec les Gardiens ? C’est ce que semblent nous montrer les dernières scènes (deux scènes post-génériques viennent compléter celles présentes dans le générique), et le départ de James Gunn pour le concurrent DC Films tend à le confirmer. À moins que les studios Marvel ne lui trouvent un successeur ?

Jérôme Magne

Scream VI

Un film de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett

Un an à peine après son retour, Ghostface revient semer la mort, mais quitte le cocon douillet de la petite ville californienne (et fictionnelle) de Woodsboro, pour l’animation perpétuelle de la Big Apple.

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Commencée il y a 26 années sous la caméra du regretté Wes Craven, la célèbre franchise revient dans les salles obscures pour la sixième fois, pour le plus grand bonheur des amateurs de whodunit et de meurtres à l’arme blanche. Pour varier les « plaisirs », les scénaristes ont décidé de planter l’histoire dans l’univers foisonnant de la ville qui ne dort jamais. À chaque coin de rue New York offre au récit un cadre idéal, propice à la suspicion et l’angoisse. Véritable fourmilière géante, la ville est ici un personnage à part entière, qui ne laisse aucun répit à ses supposés héros.

L’ouverture du film est tellement classique : la sonnerie d’un téléphone ! Au-delà de la figure imposée, cette première scène démontre la sincérité des réalisateurs. Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett sont parfaitement conscients du poids de l’histoire : il y a les éléments incontournables, et ceux dont on peut s’affranchir. Dans la catégorie des premiers, le téléphone (et sa sonnerie, si possible bien stridente) en est un, les gentils héros/survivants des épisodes passés en sont un autre, de même que les nouveaux venus, forcément suspects, même s’ils ont l’air totalement sincères et inoffensifs. Les ingrédients principaux ne changent pas, mais la recette subit à chaque nouvel opus de subtiles variations. Certaines sont heureuses, d’autres non.

Les commentaires méta sur le genre sont bien là, ils ouvrent même le bal, avec le personnage de la prof de fac qui attend patiemment son rendez-vous au bar d’un restaurant banché de la ville. Celle-ci est (évidemment) enseignante de cinéma, avec une spécialisation sur le sous-genre du slasher. Pour sa seconde collaboration avec le duo de metteurs en scène (elle incarnait le personnage principal de leur sympathique comédie d’horreur Wedding Nightmare il y a 3 ans), Samara Weaving apparaît le temps de quelques scènes introductives bien développées, avant de devoir tirer brutalement sa révérence.
Le premier meurtre surprendra par son issue. Et la suite plus encore ! Le concept de tueurs multiples, copycat ou non, a déjà été utilisé au cinéma. Il est ici employé avec une grande ironie, qui sera constante tout au long de l’histoire (jusqu’à la scène post-générique). Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett ne se contentent pas de faire un film dans le film, ils dépassent à certaines occasions le cadre rigide du sous-genre, sans lui manquer de respect. Certains fans n’ont évidemment pas été d’accord avec l’usage qu’ils font des armes à feu (Ghostface ne peut que se servir d’une arme blanche, selon eux, alors imaginez-le armé d’un fusil à pompe !!!), et certains personnages importants ont parfois l’irritante capacité de ressusciter, et pourtant, ce sixième épisode de la saga est une réussite.

Soumis à un cahier des charges assez strict, Scream VI s’en sort avec les honneurs. Les rebondissements sont nombreux, les mise à morts aussi, et le concept du slasher prend parfois de la hauteur -évidemment pour souffler le chaud et le froid- pour le plus grand bonheur de son public.

Certaines scènes se distinguent, comme celles, anxiogènes, se déroulant dans le métro bondé de New York, ou dans un ancien cinéma de quartier abandonnée, véritable sanctuaire à la mémoire des sanglants événements des films précédents. Le concept de famille est développé de manière intéressante, puisqu’au-delà du duo composé des sœurs Carpenter, Samantha (Melissa Barrera) et Tara (la comédienne Jenna Ortega, la « Mercredi » de la série Netflix du même nom), Mindy (Jasmin Savoy Brown) et Chad (Mason Gooding, fils du comédien Cuba Gooding Jr) sont à nouveau de la partie, formant avec les deux héroïnes une bien étrange famille de survivants, depuis les tragiques événements du précédent film. La psychologie complexe de Samantha est à nouveau scrutée à la loupe, ses liens avec le tueur originel refaisant surface dès les premières scènes.

Petit plus du film, déjà utilisé l’année dernière, Scream VI fait en effet revenir le personnage de Billy Loomis en deux occasions, offrant aux nostalgiques de la première heure de quoi raviver d’agréables souvenirs. C’est donc naturellement lorsque Samantha est mise à rude épreuve que le visage familier de Skeet Ulrich réapparaît, lui permettant de trouver les ressources de se défendre et faire face à son agresseur. Issu du passé, Billy Loomis lui explique que sans lui la jeune femme ne serait peut-être pas celle qu’elle est aujourd’hui. Elle ne peut renier ses origines, pas plus qu’elle n’est responsable des tueries de l’époque. Le personnage de Samatha donne une orientation un peu différente au concept d’héroïne développé dans les quatre premiers films. Elle n’est en effet ici pas uniquement la jeune femme en détresse de l’histoire, elle est aussi la fille d’un homme très perturbé, dont les pulsions meurtrières ont marqué la petite bourgade de Woodsboro il y a un quart de siècle. Une dernière petite précision, ne quittez pas trop vite la salle au moment du générique, un petit clin d’œil vous attend juste après, illustrant parfaitement l’ironie du concept et le recul qu’a le film sur lui-même…

Jérôme Magne

30ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer

Et voilà ! On y est arrivé ! En cette fin janvier 2023, Gérardmer a encore vibré à l’occasion de la célèbre manifestation qui met le film de genre à l’honneur. Cette fois-ci avec un petit plus, le festival fêtant pour l’occasion un cap, le 30ème anniversaire de l’événement.


Avant d’évoquer les films en compétitions (et les autres) qui, comme chaque année, ont soulevé de vives discussions, évoquons rapidement les membres du jury longs métrages , accompagnés d’invités prestigieux. Michel Hazanavicius (célèbre depuis les deux OSS 117, The Artist, et plus récemment le féroce Coupez !) formait avec son épouse et comédienne Bérénice Béjo une présidence bicéphale, au cœur d’une équipe composée des comédiens Alex Lutz, Finnegan Oldfield, Pierre Rochefort et Pierre Deladonchamps, du rappeur Gringe, de la comédienne Anne Le Ny, du réalisateur Sébastien Marnier, et de la toujours décalée Catherine Ringer.

Le jury courts métrages était lui présidé par le magicien David Jarre, fils de Charlotte Rampling et de Jean-Michel Jarre. Il animait une équipe composée du réalisateur François Descraques, de la scénariste Frédérique Moreau, des comédiennes Ophélie Bau, Lou Lampros et du comédien Jules Benchetrit. Un plateau de qualité, que la manifestation vosgienne avait eu la bonne idée d’embellir encore en y intégrant la venue d’invités de marque tels les metteurs en scène Jaume Balaguero et Kim Jee-woon. Bien connus du public vosgien, les deux cinéastes faisaient figure de caution de prestige pour l’anniversaire de la manifestation gérômoise. Leur présence avait quelque peu calmé les râleurs habituels, même si ce ne sont jamais les mêmes, ils changent au gré de la programmation !
Et cette année, celle-ci était discutable.

Mais ils n’étaient pas seuls, loin de là ! Pour fêter l’événement, Alex de la Iglesia, Jan Kounen, Lucile Hadzihalilovic, les jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma avaient fait le déplacement, sans oublier le créateur du festival, Lionel Chouchan. Lors de la cérémonie d’anniversaire dans la grande salle de l’Espace Lac, les amateurs eurent le plaisir de croiser tout ce beau monde, pour ensuite assister à de sympathiques petits messages projetés sur le grand écran avant la projection du dernier film de Jaume Balaguero, l’explosif Venus. Ce fut au tour d’Eli Roth, de David et Brandon Cronenberg, Dario et Asia Argento et de quelques autres d’y aller de leurs encouragements à la quête sans cesse renouvelée, insatiable, de Fantastique de la Perle des Vosges.

Blood de Brad Anderson

Cette année, neuf films étaient présentés en compétition. En ouverture, Blood de Brad Anderson donnait le ton, avec une histoire assez classique qui semblait ancrer le festival dans un contexte familier. On assistait au drame frappant une petite famille déjà bien abîmée, suite à la morsure du cadet par son chien possédé. Bien connu du public qui avait apprécié à l’époque ses films Session 9 (en 2004) et l’Empire des ombres (en 2011), Brad Anderson était de retour avec son nouveau film, on ne peut plus à sa place à Gérardmer. En ouvrant le festival avec Bloodles organisateurs semblaient dire aux spectateurs « voilà, vous êtes de retour en milieu connu après deux années compliquées, maintenant détendez-vous »…C’était sans compter leur malice, la programmation prenant ensuite un malin plaisir à brouiller les piste, avec des films « classiques » et d’autres nettement moins…

La Montagne de Thomas Salvador

Aux côtés de Blood, il y avait La Montagne, du français Thomas Salvador. S’étant fait connaître en 2015 avec la sortie de son premier long-métrage Vincent n’a pas d’écailles, le réalisateur avait une approche du fantastique à part, faite d’humour, d’imaginaire et de décalage. La Montagne allait reprendre tous ces éléments, et y ajouter une bonne dose de poésie. On y découvrirait Pierre, un ingénieur parisien qui à l’occasion d’une mission dans les Alpes serait séduit par la beauté des cimes pour ne plus vouloir en repartir. Lors de ses ballades il suivrait d’étranges lueurs, qui allaient lui conférer de nouvelles aptitudes. Le film partirait avec deux prix (à l’annonce, un étonnement légitime a parcouru une partie de l’assistance), celui du Jury et celui de la Critique, avec un aspect fantastique pourtant très relatif, le film communiquant surtout une forte envie d’aller à la découverte de la montagne.

Memory of Water de Saara Saarela

Dans un genre plus classique, Memory of Water de la Finlandaise Saara Saarela, emprunterait la voix de la politique fiction, avec un mélange dictature-complotisme que n’aurait pas renié George Orwell. On y suivrait le parcours de la jeune Noria dans un monde futuriste où la pénurie d’eau aurait forcé un gouvernement militaire à mettre en place un rationnement strict de la ressource rare. À travers son discours alternant fatalisme et espoir, ses décors de fin du monde, Memory of Water laisserait un sympathique souvenir.

The Nocebo Effect de Lorcan Finnegan

The Nocebo Effect marquait le retour de Lorcan Finnegan au festival de Gérardmer, après son intrigant Vivarium en 2020. Avec une distribution prestigieuse (Eva Green, Mark Strong, qui font face à la jeune comédienne philippine Chai Fonacier), The Nocebo Effect nous invite dans le folklore philippin. Une histoire solide et réellement fantastique, à base de traumatisme enfoui et de sorcellerie somme toute classique, mais avec un petit plus appréciable, et un ancrage bien réel et sincère dans la culture philippine.

La pieta d’Eduardo Casanova

Très attendu, le film espagnol/argentin La pieta d’Eduardo Casanovaraviverait les débats, les uns farouchement pour, les autres férocement contre. Avec son espèce de huis clos mettant en scène un jeune homme étouffé par sa mère, et en faisant un parallèle avec la dictature de la Corée du Nord (si, si!), La pieta allait être sur toutes les lèvres, jusqu’à récolter trois prix, le Grand Prix, le Prix du Public et le Prix du Public Jeunes, montrant que le jury longs-métrages avait été séduit par le côté non conventionnel de l’histoire. A des années lumière du côté classique qu’offrait Blood, Memory of Water ou encore The Nocebo Effect, La pieta allait susciter de vives réactions, mais ça, ce n’est pas nouveau à Gérardmer. Il faut bien reconnaître que nul côté classique ici, dans cette vision rose bonbon d’un enfer moderne régenté par une mère abusive implacable et terrifiante.

Autre film de la sélection, plus balisé, La Tour du Français Guillaume Nicloux (Le Poulpe, Une affaire privée, Le Concile de Pierre, Les confins du Monde…) allait nous enfermer dans une tour de cité isolée du reste du monde par un épais et vorace brouillard. Les habitants de la tour tenteraient de s’organiser pour survivre, des groupes antagonistes se formant et s’affrontant au fil d’une chronologie parfois déroutante.

The Watcher de Chloer Okuno

Avec The Watcher, film américain réalisé par Chloe Okuno, le festival resterait dans le balisé avec cette histoire de voisin voyeur, interprété par le toujours génial Burn Gorman (toujours aussi dérangeant dans ses rôles, ceux qui ont vu la série Forever se rappellent du glaçant Adam qu’il y incarnait, face à un autre immortel incarné par Ioan Gruffud). Dans le rôle de la femme espionnée, Maika Monroe revenait à Gérardmer, après y être apparue en personnage principal de It Follows, Grand Prix et Prix de la Critique en 2015. Film anxiogène assez lent aux airs de Polanski, The Watcher est en quelque sorte un film à l’ancienne mêlant thriller et fantastique. Le résultat a séduit le jury, qui lui a donné le Prix du 30ème anniversaire du festival, créé pour l’occasion.

Piaffe d’Ann Oren

Dans le genre expérimental et bizarre, le film allemand Piaffe d’Ann Oren était, avec La pieta, un des deux véritables ovnis de cette sélection en compétition. On y partageait le quotidien d’une jeune femme spécialisée dans la synchronisation et les bruitages de films. Déjà là, après quelques scènes, on avait perdu une partie des spectateurs. En la faisant ensuite rencontrer un botaniste un brin pervers et manipulateur, on était pas loin de perdre ce qui restait du public. Intrigant par certains aspects, Piaffe a dérouté une partie des spectateurs, ce qui ne l’a pas empêché de séduire le jury longs métrages, qui lui a décerné son Prix, ex æquo avec La Montagne. Là encore, étonnement poli de rigueur !

Dernier film de la compétition, le film d’animation Zeria de l’acteur et réalisateur belge Harry Cleven. Primé avec le Grand Prix du festival en 2005 avec Trouble, qui mettait en scène Benoît Magimel dans un double rôle face à Natacha Régnier et Olivier Gourmet. A la fois film d’animation et film de marionnettes, Zeria pouvait rebuter au premier regard, ou alors piquer la curiosité. Dans cette histoire raconté par Gaspard, dernier homme a être resté sur Terre, celui-ci s’adresse à Zeria, son petit-fils, premier être humain à être né sur Mars. Il lui raconte sa vie, en espérant que son petit-fils pourra venir le voir, alors que ses dernières forces sont sur le point de le quitter. Ce faisant, Zeria serait le premier humain n’ayant jamais connu la Terre à y remettre les pieds. Il faut reconnaître que le film était de nature à provoquer une profonde léthargie. Car passé la poésie et le côté transmission de l’Histoire, il ne s’y passait pas grand-chose. La courte durée du film (1 heure) n’empêcha pas certains spectateurs à quitter précipitamment la salle, ce qui perturba quelque peu la projection.

En parallèle à cette compétition, le festival proposait aux spectateurs une sélection parmi laquelle En Plein Feu de Quentin Reynaud, un intéressant huis clos, à la fois au cœur d’une nature embrasée et dans l’esprit d’un père traumatisé (très bon Alex Lutz, que le réalisateur avait déjà dirigé dans son précédent long, Cinquième set). Domingo et la brume était un film costaricien, sur un vieil homme qui ne veut pas céder son terrain à des promoteurs sans scrupules, et entretient une relation poétique avec la brume. Huesera, film mexicain, nous faisait partager le trouble et les visions accablant une future jeune maman à l’occasion de sa première grossesse. The Communion Girl nous transportait dans l’Espagne de la fin des années 80. Adolescente discrète, Sara tente de s’intégrer dans son nouveau milieu dans la banlieue de Tarragonne. Elle fréquente Rebe, une copine nettement plus extravertie et populaire. Les deux vont croiser une petite en tenue de communiante en rentrant de boite de nuit, et là leurs ennuis vont commencer…

Venus de Jaume Balaguero

Dernier film hors compétition vu, le tonitruant Venus de Jaume Balaguero (La secte sans nom, Fragile, Darkness, REC, REC 2, Malveillance, ou une certaine constance dans la qualité…). Comme à son habitude, le réalisateur espagnol n’y va pas par quatre chemins, et dispose visiblement des moyens pour le faire. Débutant comme un thriller explosif où une go go danseuse essaye de doubler un caïd de la pègre en lui volant un sac rempli de drogues, Venus prend ensuite une autre voie, plus à sa place à Gérardmer. L’occasion pour le metteur en scène de se faire plaisir, et d’alterner les scènes chocs, rarement gratuitement. La dernière partie enchaîne les morceaux de bravoure, le rythme ne laissant jamais de répit au spectateur, jusqu’à un crescendo tout en outrance. Le final prend des allures de western, montrant l’héroïne, Lucia, se rafistoler d’une éventration que l’on pensait définitive (une nouvelle manière d’utiliser une agrafeuse, associée à du chatterton), pour ensuite monter, canon scié à la main, en découdre avec les vraies méchantes du film. Sélectionné en compétition, le film aurait certainement glané l’une ou l’autre récompense, tant il avait de l’avance dans certains domaines.

Kim Jee-woon au bord du célèbre lac

La manifestation n’avait pas oublié les à coté, puisque Kim Jee woon était là pour une masterclass très suivie, que le grimoire affichait toujours complet, et que René Manzor (oui c’est bien lui, le réalisateur du mythique Le Passage en 1986, et de 36 15 code Père Noël en 1990) venait parler de son dernier livre, Du fond des âges. Sa fascination pour la mort toujours intacte, celui qui est aujourd’hui devenu écrivain était venu dans la Perle des Vosges pour évoquer la place de l’imaginaire dans nos vies, et ses manifestations dans notre quotidien. Des projections étaient en outre consacrées à la gémellité au cinéma, et deux nuits, la première Sans lendemain et la seconde Décalée, avaient été organisées afin de satisfaire les insomniaques.

Après cinq jours bien remplis, le rideau s’est levé sur Gérardmer. Lors de la cérémonie de clôture Pierre Sachot, Président de l’association du festival, pouvait déjà en faire le bilan positif (une affluence record, déjà constatée lors de la mise en vente des Pass digitaux, précieux sésame pour accéder à la réservation en ligne des séances), et nous annoncer les dates de de la prochaine manifestation.
Du 24 au 28 janvier 2024, à vos agendas !!!

On y sera, car le festival de Gérardmer est unique…

Par Jérôme Magne