Bibliothèque ukrainienne, épisode 1

Alors que la guerre en Ukraine fait rage au nom d’une supposée
« denazification » voulue par le président Vladimir Poutine et que
des frappes russes tombent sur Kiev et le Mémorial de Babi Yar
censé rappeler une Shoah perpétrée par les nazis et leurs
collaborateurs ukrainiens,  nous republions quelques anciennes
chroniques et revenons sur un certain nombre d’ouvrages parus
récemment qui, en expliquant le passé, permettent d’éclairer la
tragédie actuelle où un certain nombre d’acteurs tentent, parfois
intentionnellement, de brouiller les cartes.

Mémorial de Babi Yar
© Dimitar Dilkoff/ AFP

Cette bibliothèque non exhaustive malheureusement se veut
également un cri d’alerte – comme à chaque conflit – relatif aux
destructions patrimoniales à venir. Ainsi, la bibliothèque nationale
Vernadsky d’Ukraine à Kiev, l’une des plus grandes bibliothèques
nationales du monde, possède quelques 525 incunables, soit des
livres publiés avant 1500 ainsi que la Bible d’Ostrog, une traduction
en slavon de la Bible réalisée au XVIe siècle et dont il ne reste à ce
jour que 300 copies. D’autres bibliothèques dans des villes sous le
feu russe, sont également en danger. Mobilisons-nous pour les
sauver avec le #Saveukrainianlibrary

Petit tour d’horizon des ouvrages à lire :

Concernant Holodomor, la famine organisée par Staline en Ukraine
dans les années 30, le lecteur se plongera avec émotion dans le très
beau livre de Josef Winkler, l’Ukrainienne (Verdier, 2022) qui
raconte l’histoire de cette paysanne venue d’Ukraine hébergeant au
début des années 80 l’écrivain alors que celui-ci écrivait son
troisième livre. S’en suivit une confiance entre lui et Nietotchka qui
fit remonter à la surface les souvenirs de cette femme. En leur
compagnie, le lecteur plonge dans les affres de l’Holodomor, cette
tragédie peu connue.

A regarder également le film d’Agnieszka Holland, L’Ombre de Staline
(2019) qui raconte la révélation de l’Holodomor par un jeune
journaliste anglais, Gareth Jones.

Concernant la Shoah, le lecteur pourra se plonger dans plusieurs
ouvrages :

Le Livre noir (Livre de poche, 2001) de Vassili Grossman et Ilya
Ehrenbourg, un classique qui raconte la Shoah à partir de
témoignages recueillis dans les différentes républiques socialistes
dont l’Ukraine, notamment auprès de survivants. Des centaines de
documents ont ainsi été recueillis par les deux auteurs qui se sont
rendus dans les camps de la mort sitôt libérés. Transmis sous forme
de rapport au procureur soviétique de Nuremberg, l’ouvrage a
ensuite été interdit par le pouvoir soviétique.

Elle venait de Marioupol, à la recherche d’une famille perdue en Union
soviétique (Metailié, 2020) de Natascha Wodin, magnifique histoire
couronnée par l’un des principaux prix littéraires allemands, le prix
Alfred Döblin en 2015, et qui raconte la quête de l’autrice pour
reconstituer l’histoire de sa mère, venant de Marioupol aujourd’hui
assiégée par l’armée russe, et suicidée à 40 ans. Natascha Wodin
livre ici un récit émouvant qui va bien au-delà de la simple enquête.

Timothy Snyder, Terre noire : L’Holocauste, et pourquoi il peut se
répéter (Gallimard, 2016) qui se veut une réflexion globale sur
l’extermination des populations slaves et juives dans les territoires
d’Europe de l’Est et notamment en Ukraine. Fondée sur la notion de
Lebensraum, « l’espace vital » cette réflexion s’inscrivit, selon
l’historien américain, dans une logique dépassant la seule
considération raciale et visant également la captation des
ressources naturelles ukrainiennes. A l’heure où près de 5000 juifs
ont fui leur patrie après l’invasion russe, « l’holocauste n’est pas
seulement histoire, il est aussi avertissement » prévient Timothy Snyder.
http://www.hebdoscope.fr/wp/blog/apres-le-rouge-le-noir/

Babi Yar d’Anatoli Kouznetsov (Tallandier, 2020) relate le massacre
perpétré en deux jours (29 et 30 septembre 1941) par les
Einsatzgruppen SS et leurs supplétifs ukrainiens qui assassinèrent
quelques 33 000 personnes. Raconté par l’un des survivants, ce livre
est une quête. De la vérité. De la mémoire. De la vie.
http://www.hebdoscope.fr/wp/blog/babi-yar/

A écouter également la 13e symphonie Babi Yar de Dimitri
Chostakovitch dans la version du Symphonieorchester des
Bayerisches Rundfunks dirigé par Mariss Jansons (EMI Classics)

Enfin, parcourir le passé de l’Ukraine permet également de tracer
l’avenir de cette nation aujourd’hui meurtrie et qui a assurément
vocation à rejoindre l’Europe. Se plonger ainsi dans l’ouvrage de Yuri Andrukhovych, Lexique de mes villes intimes, Guide de
géopoétique et de cosmopolitique (Editions Noir sur Blanc, 2021) permet d’appréhender une nation « cousue par toutes ces artères et capillaires précisément à l’Europe » http://www.hebdoscope.fr/wp/blog/lexique-de-mes-villes-intimes-guide-de-geopoetique-et-de-cosmopolitique/

Par Laurent Pfaadt