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Miroir d’âmes

Leibowitz © Annie Leibovitz, the early years

Magnifique
rétrospective des
premières années de la
photographe Annie
Leibovitz

Annie Leibovitz peut
être considérée à
raison comme l’une des
plus importantes
photographes de la
deuxième partie du 20e
siècle. Connu
mondialement pour ses
portraits, son travail fait aujourd’hui référence. L’ouvrage publié par les éditions Taschen
en lien avec la Fondation LUMA et consacré aux jeunes années
d’Annie Leibovitz, permet d’en savoir un peu plus sur la fabrication
de son art.

Influencée par Henri Cartier-Bresson et Robert Frank, Annie
Leibovitz sillonna dès 1970 les Etats-Unis pour le magazine Rolling
Stone en compagnie des célébrités du moment, qu’elles furent
musicales, littéraires ou politiques. Très vite, ses photos révélèrent
une approche différente de la célébrité et un rapport particulier à
l’intimité de ses sujets grâce à la mise en valeur de certains détails
ou sa volonté de les photographier chez eux. Il en résulta à la fois
une solitude touchante immédiatement perceptible comme chez
Joan Baez ou Edmund Muskie et une proximité troublante entre le
modèle et celui qui le regarde.

Cet ouvrage qu’on ne cesse de parcourir est à la fois fascinant et
gênant tellement on a l’impression de saisir, de surprendre
l’angoisse d’un Normal Mailer, l’état second d’une Patti Smith ou les
failles d’un Jerry Brown, candidat aux primaires démocrates de
1976, et de comprendre, de découvrir leurs véritables
personnalités. Avec Annie Leibovitz, les rois et les reines sont nus.
Leurs faiblesses explosent sur la pellicule et leurs artifices s’effacent.
Loin d’être effrayées par la démarche de la photographe, les
célébrités se bousculèrent derrière son objectif.

« Les photographies de Leibovitz charrient désormais le privilège et le
poids de l’importance historique »
écrit ainsi Matthieu Humery,
directeur du Programme d’Archives vivantes de la fondation LUMA.
Ces photographies, outre leur beauté esthétique, sont aujourd’hui
devenues des icônes. Comment ne pas voir dans le nu d’un Arnold
Schwarzenegger regardant son entraîneur, une nouvelle variation
du Pygmalion antique. Comment ne pas penser que la journaliste
Sally Quinn, accroupie dans sa chambre d’hôtel, un téléphone à
l’oreille lors de la convention démocrate de 1976, personnifie le
journalisme d’investigation à l’américaine. Ou comment ne pas
ressentir la puissance de cet amour qui unit un John Lennon en
position fœtale et Yoko Ono. La photo fut prise cinq heures avant
l’assassinat du chanteur en bas de chez lui. Ces derniers instants
gravés dans l’intimité résonnent toujours avec autant de force, plus
de trente ans plus tard. L’œil d’Annie Leibovitz est demeuré ouvert.
Et le nôtre avec.

Laurent Pfaadt

Annie Leibowitz, the Early years (1970-1983),
Aux éditions TASCHEN, 200 p.