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L’orchestre des miracles

Der Schweizer Dirigent Armin Jordan

Retour sur près d’un
siècle de musique
suisse

C’est plus qu’une
institution, une
référence.
L’Orchestre de la
Suisse Romande
fêtera bientôt son
centenaire (en 2018)
et depuis près d’un siècle, dans sa magnifique salle du Victoria Hall
de Genève, il donne des concerts où se bousculent solistes et chefs
d’orchestre d’exception.

Cette phalange genevoise est avant tout l’enfant d’un homme :
Ernest Ansermet. Ce chef d’orchestre et musicologue suisse qui
étudia également les mathématiques n’a que 35 ans quand, au
lendemain de la première guerre mondiale, il décide de créer un
nouvel orchestre avec des musiciens professionnels, l’Orchestre de
la Suisse Romande ou l’OSR. D’emblée, il impose sa conception de la
musique et ses inclinaisons vers la musique du 20e siècle :
Stravinsky bien évidemment dont il créa le Capriccio pour piano et
orchestre en 1929 avec le compositeur au piano mais également les
représentants de la seconde école de Vienne, Berg et Schönberg en
tête, ou certains compositeurs comme Frank Martin dont il créa
également plusieurs œuvres. A l’instar d’un Karajan ou d’un
Mravinsky mais sans imiter leurs dérives autoritaires, Ansermet
resta aux commandes de l’orchestre pendant près d’un demi-siècle.
Il y façonna ce son si particulier aux couleurs éclatantes et aux
rythmes tonitruants qui subsistent toujours. Il n’y a qu’à écouter les
derniers enregistrements de l’orchestre consacrés à la musique
française (Ibert, Poulenc ou Roussel) pour mesurer cette influence
inimitable qui donne l’impression que ces œuvres ont été plongées
dans quelque brasier pour en ressortir polies, dorées, éclatantes.

Après l’intermède Paul Kletzki, c’est le chef allemand Wolfgang
Sawallisch qui prend les rênes de l’orchestre. Pendant une décennie,
ce chef aux interprétations uniques, introduisit le répertoire post-
romantique allemand dans le cœur de l’orchestre avec des Mahler,
des Bruckner et des Strauss de toute beauté. Même si Ansermet
avait été proche de Furtwängler, Sawallisch ne commit pas l’erreur
d’en faire un orchestre germanique supplémentaire en préservant
l’identité de l’orchestre et en accentuant par exemple le mysticisme
de Bruckner pour en délivrer des interprétations solaires, un peu à
la manière d’un Celibidache à Munich. Plus tard, Marek Janowski
s’inscrivit dans cette lignée comme en témoigne ses gravures des
symphonies du maitre d’Ansfelden (Pentatone) qui donnent une
impression de granit musical, de roches imposantes et
indestructibles.

Vint alors l’époque d’Armin Jordan entre 1985 et 1997. Ce fut un
peu un retour aux sources. Fils spirituel d’Ansermet, Jordan imposa
sa personnalité attachante et renoua avec cette musique française
que l’OSR interprète comme personne. Il laissa des Franck, des
Debussy ou des Dukas qui sont toujours encore considérés comme
des classiques et emmena également l’orchestre dans des
territoires musicaux moins connus comme chez Korngold.

Après les mandats de Fabio Luisi et Neeme Jarvi s’ouvre aujourd’hui
l’ère Jonathan Nott. Il y a tout lieu de se réjouir. Le chef a fait des
miracles à Bamberg. Il en fera sans nul doute à Genève. Il amène
avec lui sa philosophie et son engagement total qui façonne ses
interprétations en particulier mahlériennes que l’orchestre a
entraperçu avec Sawallisch. Autant dire que l’avenir s’annonce plus
que prometteur.

Laurent Pfaadt

Retrouvez la programmation de l’OSR sur
www.osr.ch/