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Le pouvoir vaut bien une messe

DuboisLe cardinal Dubois sort enfin de l’ombre

Pourquoi Guillaume Dubois n’occupe-t-il pas la même place dans l’histoire de France que les cardinaux Richelieu et Mazarin ? Parce que la Régence reste toujours encore cette parenthèse libérale dans l’histoire de la monarchie française comme l’est d’ailleurs la monarchie de Juillet ? Parce que l’œuvre du cardinal Dubois ne subsista pas ? Ou parce que la légende noire de l’homme fut tenace ? Peut-être un peu des trois.

L’auteur de cette biographie très réussie, Alexandre Dupilet, n’y va pas par quatre chemins : le cardinal Dubois fut le génie politique de la Régence. Il est vrai qu’il fut un génie. Mais dans quelle mesure ? C’est tout l’intérêt du livre. Dans cette société d’Ancien Régime qui limitait grandement l’ascension sociale, la trajectoire de Guillaume Dubois est atypique. En l’absence de sources fiables – à dessein peut-être – il est très difficile d’établir l’origine sociale du futur cardinal mais il est certain qu’elle ne fut pas très élevée. Or, dans cette société d’héritiers, on n’accepte que rarement les parvenus et Guillaume Dubois fut l’objet de tous les maux. Alexandre Dupilet tempère quelque peu ces accusations. Sans tomber dans l’éloge, il replace ce personnage intrigant et libertin dans le contexte de son époque. « Il n’était pas acceptable et accepté à cette époque qu’un petit roturier de province puisse accéder à de tels emplois » écrit ainsi l’auteur.

Dubois n’a eu de cesse de s’élever par tous les moyens. Devenu abbé, il consolida lentement son influence à l’ombre des Orléans ainsi que dans la diplomatie secrète.

La mission en Angleterre que lui confia le duc d’Orléans en 1698 constitua l’un des tournants de sa vie car il devint à ce moment précis l’un des plus fervents partisan d’un rapprochement avec l’ennemi héréditaire de la France, l’Angleterre, qui allait se concrétiser avec la Triple Alliance en 1717. Malheureusement, cette alliance inédite ne survécut guère qu’une vingtaine d’années avant que les guerres de succession d’Autriche et de Sept Ans ne viennent ranimer les rivalités d’antan, au profit de l’Angleterre. Mais en 1717, Dubois fut l’un des hommes les plus puissants de France et d’Europe.

La religion ne fut pour lui qu’un moyen d’ascension sociale quand d’autres s’élevèrent par le sang ou les armes. La religion ne représenta qu’un prétexte pour accéder au pouvoir. Obsédé par Richelieu et Mazarin, Dubois usa d’intrigues, de corruption et d’expédients pour obtenir le chapeau de cardinal notamment lors du conclave de 1721.

La légende noire dont il fut victime tient également de l’emprise qu’il exerça sur le Régent. De son précepteur, il devint son principal ministre, son éminence grise, peut-être son mauvais génie. Car comme le note à juste titre Alexandre Dupilet, « le chapeau de cardinal, aussi prestigieux fût-il, peut être considéré comme une simple étape vers la fonction suprême qu’il rêvait d’atteindre » c’est à dire le poste de Premier ministre, resté sans titulaire depuis Mazarin et que le Régent rétablit pour Dubois en 1722.

Cette gloire fut cependant éphémère car sa mort en 1723, quelques mois avant celle de son protecteur, marqua la fin d’une époque. Reste l’ambition démesurée d’un homme…

Alexandre Dupilet, le cardinal Dubois, le génie politique de la Régence, Tallandier, 2015.

Laurent Pfaadt