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L’Allemand de la Volga

Christian Tetzlaff, ViolineTetzlaff à la rencontre de Chostakovitch.
Fascinant

Dans les plaines recouvertes de neige de Rovaniemi, sur ces ruisseaux gelés, où le soleil ne se couche jamais, le violon de Christian Tetzlaff a percé la glace tel un rayon de soleil hivernal et a ainsi mis en lumière ces concertos pour violon de Dimitri Chostakovitch qui font désormais partie intégrante du répertoire de tout soliste qui se respecte.

Il faut dire que trouver ce nouvel enregistrement de l’un des plus grands violonistes de la planète ne fut pas chose aisée. C’est chez un label finlandais, Ondine, que l’on a débusqué cette petite merveille. Extrêmement productif, Christian Tetzlaff a abordé un répertoire conséquent, de Bach dont il a laissé à la postérité l’intégrale des sonates à Jorg Widmann dont il a créé le concerto en 2007 en passant par Bartók, Brahms, Nielsen ou Janacek. Ayant déjà gravé Chostakovitch en trio pour piano il y a quelques années, Christian Tetzlaff a aujourd’hui gravi la montagne Chostakovitch par le versant concertant.

Malgré un début quelque peu poussif, l’harmonie entre le soliste et l’orchestre s’établit très vite dans ce premier concerto dédié à David Oïstrakh en 1947-1948. Soucieux avant tout de rester fidèle aux intentions premières du compositeur, Tetzlaff délivre ce sentiment maléfique, envoûtant qui entoure cette oeuvre. En plus, sa grande virtuosité trouve matière à s’exprimer dans ce fameux dernier mouvement réputé pour sa difficulté technique ainsi que dans ce scherzo qui voit se répéter le motif du compositeur lui-même (DSCH (ré-mi bémol-do-si). A la tête l’orchestre philharmonique d’Helsinki, John Storgärds a su trouver le bon tempo, s’effaçant derrière le violon pour mieux ressurgir dans le dernier mouvement burlesque avec des percussions très réussies et fondamentales dans l’oeuvre de Chostakovitch qui répondent au violon dans un formidable écho. Certes, on n’atteint pas l’incandescence d’un Belkin mais l’interprétation de Tetzlaff séduit par son intensité et sa fluidité.

Le second concerto est également intéressant. Dans cette oeuvre plus intime, plus sensible et moins jouée, Christian Tetzlaff y exprime avec encore plus d’expressivité et de passion, cette musique de chambre et ce quatuor qui lui sont chers. Il faut dire que l’oeuvre créée en 1967 et dédiée comme pour le premier concerto à David Oïstrakh est peut-être moins aboutie. L’orchestre a su, une fois de plus, trouver parfaitement sa place, en s’effaçant derrière le soliste notamment lors du long solo du dernier mouvement après que les vents aient merveilleusement dialogué avec le soliste. Une fois de plus, Christian Tetzlaff a su illuminer de son talent une oeuvre peut-être un peu aride pour le grand public. Mais surtout, il démontre à ceux qui en doutaient encore qu’il est l’un des meilleurs violonistes de la planète.

Shostakovitch, violin concertos 1&2, Christian Tetzlaff, John Storgärds (dir), Helsinki Philharmonic Orchestra, Ondine, 2014.

Laurent Pfaadt