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Un festival qui se taille la part du lion

© Kristen Loken
© Kristen Loken

Lucerne sera, une fois de plus, le haut-lieu estival de la musique classique

Chaque été, tout le gotha de la musique classique se donne rendez-vous sur les bords du lac des Quatre-Cantons. Pendant près d’un mois (14 août au 13 septembre 2015), les meilleurs orchestres, les plus grands chefs et les solistes les plus talentueux seront à nouveau présents pour, à n’en point douter, des concerts d’anthologie.

Parmi les orchestres, le talent oscillera entre la fougue et la puissance, entre la légèreté et la monumentalité. Face aux rivages du lac, des vaisseaux amiraux tels que le Berliner Philharmoniker (01-02/09), le Royal Concertgebouw d’Amsterdam (28-29/08), l’Orchestre Philharmonique de Saint Pétersbourg (03-04/09) qui célèbrera le 40e anniversaire de la mort de Dimitri Chostakovitch avec l’interprétation de la 9e symphonie, la Staatskapelle de Dresde (07-08/09) et le Wiener Philharmoniker qui clôturera le festival avec le Rêve de Gérontius d’Elgar sous la baguette de Sir Simon Rattle côtoieront les jeunes ensembles de l’Orchestre du Divan occidental-oriental réunissant de jeunes musiciens venus du Proche-Orient (17/08), de l’Orchestre de Jeunes Gustav Mahler qui, sous la conduite d’Herbert Blomstedt (23/08) interprétera la 8e symphonie de Bruckner ou le Chamber Orchestra of Europe, fondé par Claudio Abbado et habitué à ce rendez-vous musical.

A la surface de l’eau se reflètera certainement l’éclat des cuivres de deux des plus grands orchestres américains, le San Francisco Symphony Orchestra dirigé par un Michael Tilson Thomas qui fera résonner l’Héroïque de Beethoven (09/09) et le Titan de Mahler (11/09), et le Boston Symphony Orchestra qui réveillera les Alpes voisines avec Une Vie de Héros (30/08) et Don Quichotte (31/08) de Richard Strauss. Le chef letton animera cette édition du festival à la tête de nombreuses formations et notamment le Lucerne Festival Orchestra qu’il conduira dans tous les répertoires.

Sur la scène, Bernard Haïtink, Daniele Gatti, Daniel Barenboim, Zubin Metha, Daniel Harding ou Christian Thielmann seront accompagnés d’une pléiade de virtuoses notamment Yuja Wang dans le concerto pour piano n°2 de Bartok, Yo-Yo Ma dans Don Quichotte, Maria Joao Pires dans le 23e concerto pour piano de Mozart, Isabelle Faust dans les concertos pour violon de Szymanowski, Mozart et Mendelssohn, Julia Fischer dans celui de Tchaïkovski ou Anja Harteros dans les quatre derniers lieder de Strauss.

La musique de chambre, l’opéra et la musique ancienne avec notamment les Arts florissants de William Christie complèteront cette affiche déjà riche. Enfin, outre la musique, les enfants pourront se divertir avec un spectacle de marionnettes autour du Carnaval des animaux tandis que les adultes écouteront Klaus Maria Brandauer réciter Shakespeare ou s’éclafferont lors d’une conférence sur l’humour juif. « Si vous voulez que vos rêves se réalisent, ne dormez pas » dit le proverbe juif. Nul doute que les spectateurs du festival de Lucerne suivront ce conseil à la lettre.

Lucerne Festival en été (14 août-13 septembre 2015) : retrouver tous les concerts et les informations pratiques sur www.lucernefestival.ch

Laurent Pfaadt

Toucher par la grâce

PiresMozart par Maria Joao Pires. Sublime

Une humanité à fleur de peau. Voilà ce que l’on ressent lorsqu’on voit Maria Joao Pires. Et également lorsqu’on l’écoute jouer Mozart car depuis Clara Haskil, on avait plus entendu cette communion entre Amadeus et ses lointains disciples.

Depuis qu’elle a fêté ses 70 ans en 2014, les coffrets retraçant la fabuleuse carrière de la soliste portugaise se sont succédés notamment chez Deutsche Grammophon. Aujourd’hui, le label au cartouche jaune édite le joyau de la couronne mozartienne avec ce coffret regroupant les enregistrements de certains concertos que Maria Joao Pires grava tout au long de sa carrière.

On peut tourner le problème dans tous les sens, il faut bien en convenir. Mozart au piano c’est Maria Joao Pires et vice-versa. Il n’y a qu’à écouter le second mouvement du 26e concerto, celui du couronnement pour s’en convaincre. On n’y peut rien et elle non plus puisque dès sa plus tendre enfance, à 5 ans précisément, elle donnait un récital Mozart. Commençait alors la carrière que l’on sait

Son Mozart, c’est une humanité et une profondeur grandiose. Cela va bien au-delà du piano puisque avec Mozart, la pianiste diffuse cette magie, cette musique universelle qui touche des milliards d’êtres humains sur la terre. Avec Maria Joao Pires, c’est la musique même de la vie qui se répand.

Ce coffret reflète également l’une des plus belles collaborations musicales de ces trente dernières années, celle entre Maria Joao Pires et le chef d’orchestre italien Claudio Abbado. La moitié des cinq Cds du coffret illustre cette formidable amitié en compagnie du Berliner Philharmoniker, du Wiener Philharmoniker, du Chamber Orchestra of Europe ou de l’orchestre Mozart que fonda Abbado. Maria Joao Pires fut pour Abbado, ce que Weissenberg représenta pour Karajan, son double pianistique. Car, si Abbado fut très lié avec Pollini par exemple, son osmose avec Pires fut plus grande.

Alors oui son Chopin est très sensuel (on se souvient des magnifiques nocturnes enregistrés en 1997 que rééditent Deutsche Grammophon dans son fantastique coffret 111) et son Schumann romantique à souhait mais ils ne surpassent pas ces chefs d’œuvres d’interprétation que sont par exemple le 20e concerto dont on se souvient qu’elle dut l’improviser en plein concert un jour de 1998 avec le Royal Concertgebouw d’Amsterdam alors qu’elle avait préparé le 19e !

Excellent complément du coffret consacré aux enregistrements solos de Maria Joao Pires sorti l’an passé, ce magnifique coffret ravira les amoureux de Mozart autant qu’il fera redécouvrir ses concertos sous un jour nouveau grâce à la beauté d’une interprétation unique.

Maria Joao Pires, Complete concertos recordings on DG, 5 CDs, Deutsche Grammophon, 2015

Le 22 août 2015, Mario Joao Pires interprétera le 23e concerto de Mozart au festival de Lucerne en compagnie du Chamber Orchestra of Europe sous la direction de Bernard Haitink.

Laurent Pfaadt