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Les Journées Européennes de la Culture – EKT

Radikal AkteOuverture à
Karlsruhe d’EKT, les
Journées
Européennes de la
Culture qui se
tiennent du 20 avril
au 5 mai 2018. La
24e édition d’une
manifestation
partagée tous les
deux ans par les
institutions
culturelles sur
l’ensemble du
territoire.

Comme entrée en matière, une exposition, Revolution! Für
Anfänger*innen
(visible jusqu’au 11 novembre). De l’interactivité,
mais peu d’objets rares ou précieux comme pour celle, très belle,
consacrée aux Étrusques et toujours visible dans le même Badisches
Landesmuseum|Schloss
. C’est une vaste installation qui investit
l’ensemble de la salle d’un chaos ménageant des sous-espaces où
sont déclinées les différentes thématiques. Mentionnant les
premiers frémissements de la guerre des paysans, le projet source
clairement le phénomène dans la pensée philosophique et politique
européenne du « Siècle des Lumières » même si des évènements
extra-européens s’invitent à partir du XXe siècle. Ainsi les acteurs, la
place du Bade-Wurtemberg, les moyens : imprimerie ou plus
récemment réseaux sociaux, etc. L’une surprend : cet espace
guillotine, un instrument plutôt post-révolutionnaire permettant
aux vainqueurs de préserver leurs positions, leur pouvoir… Mais
Révolution française et Terreur ne sont-ils pas indissociables pour
un historien ? L’appropriation des idéaux, des symboles
révolutionnaires par la décoration, la littérature, certains artistes
clôture la visite… Y figurent, entre autres, la célébrissime photo du
Che, un manuel pour fabriquer sa guillotine et cette paire de
pantoufles (Reomira Krey : Pantoffeln « Die Revolution kommt »,
1998 Badisches Landesmuseum) qui symbolise peut-être une option
assez proche d’une révolution idéale : celle qui se ferait sans
victimes, sans dégâts et permettrait d’accéder sans effort à un statut
de pantouflard. La révolution, un rêve petit bourgeois ? Chaque
visiteur pourra d’ailleurs évaluer son potentiel de révolutionnaire en
participant à un quiz à chaque étape (toutes les réponses sont
bonnes) et en soumettant ses choix à l’ordinateur en fin de parcours.

Cérémonie officielle d’inauguration à l’hôtel de ville ensuite avec les
allocutions du maire de Karlsruhe, Dr Frank Mentrup, de Mme
Theresia Bauer, Ministre für Wissenschaft, Forschung und Kunst du
Bade-Wurtemberg et surtout du Prof. Dr Susanne Baer, juge au
tribunal fédéral depuis février 2011. Elle développe les enjeux en
termes de droits, le sens et les perspectives de ces luttes pour les
Mutations de nos sociétés dans une langue très musicale rythmée
par ces « Gleiche Reschte für Alle » comme un leitmotiv et ponctuée
avec gourmandise d’anglais.

En soirée, le spectacle inaugural invite dix-huit femmes de Karlsruhe
et environs à interpréter Radikal Akte, une pièce nourrie des mots de
luttes historiques ou contemporaines et qui scandent un quotidien
prédestiné par les mâles dominants et les combats pour s’en
émanciper. Sur scène, un gigantesque cœur fiché d’un canon, une
sorte de char d’assaut en guerre contre l’oppression masculine et
patriarcale. Son rouge sang circulera sur le plateau au gré des
tableaux, s’éparpillera avec ces feuillets rouges lus et jetées à la
volée, avec le pourpre des rubans abandonnés par les actrices lors
de la seconde partie de la pièce et offrira au final l’image d’un champ
de bataille. Le choix dramaturgique s’inspire de la tragédie grecque
avec une femme, vêtue d’une chemise de nuit, comme coryphée très
vite rejointe par un chœur exclusivement féminin. Des femmes
potiches toutes identiques : perruques blondes et bouclées,
chemisier blanc, jupe rose, seules les différences d’âge se devinent
sous le maquillage blanc. Au début, elles répètent ou prolongent
collectivement les mots du coryphée. Le premier tableau s’achève
avec la projection sur le fond de scène de ces mêmes femmes, une
chorégraphie de marche où elles viennent à tour de rôle face
spectateur avec leur look actuel (libéré ?), leurs diversités, leur âge
aussi. Au fil du spectacle, les individualités se détachent du groupe et
prennent corps grâce aux mots du texte de Gerhild Steinbuch. Des
séquences jouées, chantées, chorégraphiées. L’une déploie une
formidable énergie – la transe d’une boîte de nuit – où les femmes se
débarrassent de leur costume pour ne garder qu’un sous-vêtement
telle la coryphée au début. Une forme d’accouchement pour devenir
elles-mêmes ? Quelques petites pannes de mémoire vite rattrapées
laissent deviner qu’il s’agit de non-professionnelles, mais la
générosité de leur engagement rayonne et le spectacle en joue pour
poser la question de la radicalité : un passage obligé du changement ?

Par Luc Maechel