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Rencontre Interview avec Kinan Azmeh

« Nous créons de l’art à partir
d’expériences émotionnelles qui
sont plus complexes que ce que
nous vivons dans la vie. »

Le compositeur et célèbre
clarinettiste syrien, Kinan
Azmeh évoque pour
Hebdoscope son dernier album,
Uneven Sky où se côtoient ses
propres compositions et celles
de compositeurs du monde
arabe.

Quelle place occupe la clarinette dans la musique orientale ?

C’est une question délicate car la clarinette est bien entendue
présente dans le jazz, le répertoire classique occidental, dans les
traditions musicales turque et grecque et dans les musiques
balkaniques et klezmer. Mais, pour de curieuses raisons, sa présence
fut relativement limitée dans le monde arabe. Ainsi, alors qu’elle est
l’instrument prédominant dans les ensembles turcs et grecs, ce n’est
pas le cas dans leurs homologues traditionnels arabes.

Quelles ont été vos influences sur ce disque car ces dernières
semblent classiques, contemporaines, cinématographiques,
occidentales et orientales ? 

Il est difficile pour moi de nommer toutes mes influences car j’ai été
exposé à une variété de musiques. Je pense que la musique est un
continuum et ne crois pas à une division des cultures occidentales et
orientales. J’ai une formation classique et j’ai grandi en jouant
Mozart ou Brahms tout en étant exposé à Damas, à ces musiques qui
cohabitaient là-bas, arabe, kurde et arménienne notamment. Puis, ici
à New York, j’ai subi d’autres influences. Je suis donc exposé à ce que
j’aime et j’ai un appétit insatiable pour explorer de nouveaux
territoires musicaux.

Parlez-nous de votre collaboration avec Yo-Yo Ma ?

Ce fut un incroyable honneur et privilège de travailler étroitement
avec lui et l’ensemble Silkroad. Lorsque l’Elbphilharmonie de
Hambourg me demanda de composer un duo avec lui pour
l’inauguration de la salle, j’ai eu l’impression de vivre un rêve. Yo-Yo
Ma a cette incroyable capacité de transcender l’instrument pour
aller directement à l’idée. Il nous rappelle que l’idée et sa manière de
la communiquer demeurent primordiales. Le reste n’est instrument.

Quels ont été vos sentiments lorsque vous avez composé la suite
Ibn Arabi qui apparaît si mélancolique ?

Cette œuvre relate un voyage d’Ibn Arabi, le philosophe, l’humaniste
et sa quête du savoir. Si je pouvais décrire les sentiments que
j’éprouve lorsque je compose, je ne composerai pas. Le plus
important pour moi dans la musique est que nous créons de l’art à
partir d’expériences émotionnelles qui sont plus complexes que ce
que nous vivons dans la vie.

Kinan Azmeh, Uneven Sky, Yo-Yo Ma,
Deutsches Symphonie-Orchester Berlin,
dir. Manuel Nawri, Dreyer Gaido, Eastern Voices

Par Laurent Pfaadt