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Un souffle venu du nord

Ksenija Sidorova,
star de l’accordéon,
était l’invitée de
l’Orchestre
Philharmonique du
Luxembourg

Il y a toujours
quelque chose
d’excitant à découvrir
de nouvelles œuvres,
de nouveaux
interprètes et des
instruments, disons,
moins fréquents. Car il faut bien le reconnaître : programmer un
compositeur inconnu – contemporain de surcroît – permet certes de
résoudre ces équations musicales mais représente un pari
commercial risqué. Ce type d’argument ne semble pas effrayer la
Philharmonie du Luxembourg comme en témoigne le concert donné
le 20 avril dernier. Et quand l’orchestre philharmonique du grand-
duché dirigé pour l’occasion par le chef estonien Paavo Järvi, artiste
en résidence, se rend complice d’une telle aventure, le résultat ne
peut que détonner.

Le chef commença par nous embarquer sur les terres musicales du
grand Sibelius, et nous délivra à travers le poème symphonique
assez peu connu, Chevauchée nocturne et Lever de soleil, un condensé
épique du génie finlandais où pointèrent passion et puissance
tellurique.

Arriva ensuite Ksenija Sidorova. L’accordéoniste entra dans l’œuvre
d’Erkki-Sven Tüür, Prophecy, comme un vent pénétrant dans une
maison abandonnée. L’œuvre du compositeur estonien, mêlant
abstraction et polystylisme, qui tend à ce titre à le rapprocher
d’Alfred Schnittke, est inquiétante, oppressante. A mesure que les
doigts de Sidorova, accompagnés magnifiquement par les bois
rivalisèrent de virtuosité, il se dégagea un sentiment d’urgence, de
course à l’abîme. Il se créa alors plus qu’un dialogue, une véritable
respiration où l’énergie de l’orchestre sembla comme aspirée par
l’accordéon pour être aussitôt renvoyée vers la phalange
luxembourgeoise. Un sentiment d’effervescence entretenu par des
percussions lumineuses lancées à la poursuite d’un accordéon jetant
dans la salle ses reflets irisés, gagna l’assistance. D’ailleurs, l’ovation
que le public réserva à la soliste fut à la mesure de sa magnifique
interprétation.

L’idylle entre l’orchestre, le chef et le public se poursuivit avec
Wagner et son Siegfried, interprété avec une légèreté bienveillante
grâce à des bois et des cuivres, notamment le cor solo, dont la
pudeur permit à la musique de gagner en profondeur.

Restait à conclure cette soirée. Puisant dans son incroyable maîtrise
beethovenienne, le chef emmena vers les sommets musicaux un OPL
qui n’en demandait pas mieux. Alliant puissance et précision, la
baguette vigilante du chef ne se laissa jamais aller à la facilité ni à des
effets sonores qui auraient, à n’en point douter, comblé le public,
mais auraient dénaturé cette quatrième symphonie. L’hommage
voulu par le compositeur à Haydn était à ce prix. Accompagné de
quelques instrumentistes très en verve notamment le basson, il
choisit l’excellence. Le résultat n’en fut que meilleur.

Par Laurent Pfaadt