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Feu d’artifices baroque

Engliseh BaroqueLe Monteverdi Choir et l’English Baroque
Soloists concluaient à Paris leur Dixit
dominus tour.

Pour l’occasion, la cité de la musique avait revêtu les habits d’un temple protestant ou d’une église catholique. Il faut dire que la musique sacrée baroque était à l’honneur pour la fin du Dixit dominus tour de l’English Baroque Soloists et du Monteverdi Choir conduit par leur chef emblématique et fondateur, John Eliot Gardiner. Après Versailles, Salzbourg, Pise, Strasbourg ou Londres, cette tournée s’achevait à la cité de la musique à Paris.

En guise d’ouverture, l’ensemble baroque interpréta le Stabat Mater de Domenico Scarlatti, compositeur napolitain plus connu du grand public pour ses sonates pour clavier. Dans ce motet très exigeant pour les voix, le Monteverdi Choir s’est une fois de plus révélé à la hauteur de sa réputation tandis que la basse continue a su joué avec les différentes variations de rythmes qu’exigeait l’oeuvre.

Cette soirée ne pouvait faire l’impasse sur le maître de la musique baroque, Jean-Sébastien Bach à qui Gardiner a consacré une récente biographie (voir interview) après son fameux pèlerinage Bach en 2000. Avec la cantate 199 « Mein Herz schwimmt im Blut » (« Mon coeur baigne dans le sang »), le chef avait décidé de s’aventurer sur le terrain de la douleur et de la souffrance du pêcheur. Alors certes, le parti pris d’une orchestration rythmée et puissante lui faisant adopter une formation de type Mozart a pu hérisser les cheveux d’un baroqueux, il n’empêche que cette orchestration est assumée chez Gardiner et ne fait qu’exacerber la musicalité du cantor qui n’en est que plus belle. Ajouter à cela la très grande qualité des chanteurs avec des talents très prometteurs qui certainement égaleront l’inoubliable Emma Kirkby, et le concert prit définitivement un caractère anthologique.

Mais le chef d’oeuvre restait encore à venir. Point d’orgue de cette tournée, le Dixit Dominus de Georg Friedrich Haendel, oeuvre de jeunesse du maître composée en 1707, a trouvé en Gardiner un interpète de choix. En effet, la puissance sonore revendiquée par le chef enchaînant les mouvements tantôt furieux, tantôt ténébreux, a permis de donner un écho incroyable à ce motet dont l’influence italienne, en particulier de Vivaldi, n’est plus à démontrer. Mais Gardiner, en bon sujet de sa majesté, a su parfaitement faire ressortir la fouge et la colère propre à la musique de Haendel avec ce tempo implacable que l’on retrouve dans d’autres de ses oeuvres. Mais surtout, à travers cette interprétation, John Eliot Gardiner nous donne la vision qu’Haendel avait de Dieu: inflexible et généreux.

Le Dixit Dominus à peine achevé, notre Monteverdi Choir est reparti sur les routes européennes avec Jean-Sébastien Bach et sa Messe en si mineur qui les conduiront en mars-avril 2015 à Francfort, Lucerne, Aix en Provence et à Paris où nous les retrouverons bien entendu avec joie…

A écouter : Haendel, Bach, Scarlatti, live at Milton Court, Monteverdi Choir & English Baroque Soloists, Soli Deo Gloria, 2014.

Par Laurent Pfaadt
Edition hebdoscope 1012, novembre 2014