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#Lecturesconfinement : Station Eleven d’Emily St John Mandel par Laurent Pfaadt

Nul doute que même elle, dans son
imaginaire illimité, ne pensait pas
qu’un jour son histoire deviendrait
réalité. Il y a six ans sortait Station
Eleven
, roman hybride se déroulant
dans un monde post-apocalyptique
ravagé par un virus qui allait se hisser
en finale du National Book Award,
l’un des plus prestigieux prix
littéraires américains.

D’emblée, le roman se place sous le
signe de la tragédie puisqu’un certain
nombre de personnes réunies après le
décès d’un acteur interprétant le Roi Lear succombent à leur tour à
une grippe foudroyante qui va décimer la quasi-totalité de la
population mondiale. Petit prodige des lettres canadiennes
rappelant son illustre aînée, la grande Margaret Atwood, dans ce
côté dystopique absolument fascinant, Emily St John Mandel
construit un récit fascinant et addictif alternant deux époques
placées en miroir avant et après la catastrophe où le lecteur, en
suivant ces survivants jouant Beethoven et Shakespeare, ne peut
s’empêcher de se poser ces questions : où se trouve l’essence même de nos vies et que doit-il rester de nos sociétés ? Et à parcourir les
chapitres au bord des Grands Lacs ou en contemplant ce musée
improvisé d’une société basée sur la technologie qui a disparu
comme avant elle, celle des parchemins, des carrosses et des lavoirs,
s’impose l’idée de la permanence de la culture et des arts que ces
hommes et ces femmes brandissent comme étendard de la vie. Parce
que, comme le rappelle l’auteur, « survivre ne suffit pas ».

Alors oui, est-ce bien le moment de lire ce roman qui, je vous le
rassure, reste pour l’instant un roman ? Evidemment et de toute
urgence car Mandel montre surtout que dans Shakespeare comme
dans Station Eleven, toute tragédie recèle sa lumière, celle d’une
torche qu’il revient à chaque humain, de brandir. « Ce sont les étoiles,
les étoiles tout là-haut qui gouvernent notre existence »
 écrivit
Shakespeare dans Le Roi Lear. Emily St John Mandel nous dit à
travers cet incroyable roman en cours d’adaptation qu’il arrive que
les hommes s’accrochent à ces mêmes étoiles et parviennent à
changer le cours du destin.

Station Eleven d’Emily St John Mandel (Livre de poche)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Genitrix de François Mauriac par Bernard Fournier

Écrit, il y a bientôt un siècle et l’un des
trois romans préférés de son auteur
avec Thérèse Desqueyroux(1927) et 
Le
Mystère Frontenac
 1933), Genitrix
(1923) décrit l’histoire du
confinement d’un homme, Fernand
Cazenave, astreint à vivre chez sa
mère, Félicité, et convaincu d’y rester,
même après son mariage tardif aux
abords de la cinquantaine. Mère
possessive, abusive, castratrice,
Félicité obtient peu de temps après le
mariage que Fernand quitte le lit
conjugal et revienne dormir dans sa
chambre d’enfant dont une mince cloison le sépare d’elle. La mort de
Mathilde, la femme de Fernand, des suites d’une fausse couche, est
vécue par Félicité comme une victoire et une délivrance : elle va lui
permettre d’exercer à nouveau les pleins pouvoirs sur son fils, sans
plus avoir à se heurter à la résistance de Mathilde. Mauvais calcul,
car Fernand prend alors conscience de son amour pour sa femme et
retourne vivre dans la chambre conjugale qu’il avait désertée et il se
confine désormais dans cet amour posthume. Vaincue, Félicité
meurt des suites d’une attaque cérébrale, ce qui n’affecte pas
Fernand dont cependant l’amour pour Mathilde s’éteint. Vient alors
pour Fernand le temps d’un troisième type de confinement, définitif
celui-là, dans son atavisme et son héritage bourgeois.

Hormis, la magnifique construction du roman avec son impitoyable
progression, la puissance dramatique de la narration, il faut
souligner le style, précis, économe, efficace et toujours élégant de
Mauriac.  

Bernard Fournier a enseigné la musicologie à l’université Paris VIII,
et est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du quatuor à
cordes et sur Beethoven. Dernier livre paru : A l’écoute des quatuors
de Beethoven (Buchet-Chastel)

Genitrix
de François Mauriac (Livre de poche)
par Bernard Fournier

#Lecturesconfinement : Le chien des Baskerville d’Arthur Conan Doyle par Laurent Pfaadt

Un papier froissé et menaçant dans
un tas de feuilles. Une malédiction
visant une illustre famille. Une
créature surnaturelle ayant
l’apparence d’un chien sorti des
Enfers face au plus grand détective
de son temps.

Il est des livres qui demeurent à
jamais dans votre mémoire. Surtout
quand vous l’ouvrez enfant, une
lampe torche à la main, en quête de
frissons et avant que l’aube
brumeuse ne se lève sur ce paysage
alsacien qui rappelle étrangement la lande de Dartmoor au sud-
ouest de l’Angleterre. Il est des livres qui ne vous quittent jamais, qui
vous construisent intellectuellement, culturellement, humainement.
Consciemment ou inconsciemment. Qui impactent votre vocation
d’écrivain. Le chien des Baskerville fut l’un d’eux comme il le fut pour
d’autres y compris pour de grands maîtres, au premier chef le si
regretté Umberto Eco.

Le chien des Baskerville d’Arthur Conan Doyle (Livre de poche)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement :Le monde d’hier de Stefan Zweig par Géraldine Schwarz

Alors que nous traversons une
époque tourmentée où il est aisé de
perdre ses repères et d’oublier les
valeurs que nous défendions il y a
encore peu, j’invite avec force à la
lecture d’une œuvre phare du XXe
siècle qui résonne fortement avec
aujourd’hui : Le Monde d’hier, les
mémoires de Stefan Zweig, l’un des
auteurs les plus lus de son temps.
L’écrivain autrichien décrit la
splendeur d’une Europe en ébullition
au début du XXe siècle, à l’apogée de
sa richesse et de sa culture, un monde
d’hier qui n’existe plus. Puis il fait le récit du suicide de l’Europe avec
la Première puis la Deuxième guerre mondiale et la barbarie du
nazisme qui anéantira sa famille. Témoin impuissant de ce tragique
naufrage, il préfère d’abord rester à l’écart de la politique,
souhaitant préserver sa pureté d’artiste, au-dessus des partis, libre
et inclassable. Mais l’évolution ne lui laisse plus le choix. En tant que
juif et intellectuel il est persécuté par les nazis. Ses livres sont
brûlés, il perd ses biens et est contraint à l’exil à Londres puis au
Brésil ou il se suicidera.
Le Monde d’hier est un testament que Zweig a légué aux futurs
générations pour qu’elles comprennent le monde au lieu de le subir,
qu’elles agissent au lieu de se victimiser. Pour qu’elles apprennent à
apprendre de l’histoire

Géraldine Schwarz est journaliste franco-allemande et écrivaine.
Son livre, Les Amnésiques (Flammarion) a remporté le prix du livre
européen en 2018


Le monde d’hier
de Stefan Zweig (Le livre de poche)
par Géraldine Schwarz

#Lectureconfinement : Le Maître de Ballantrae de Robert Louis Stevenson par Laurent Pfaadt

Que dire de ce livre, ce « cristal à l’état
pur »
 selon Henry James, sinon qu’il
constitue à l’instar d’une petite
dizaine, un absolu pour tout lecteur et
tout écrivain ? C’est un livre que tout
écrivain aimerait écrire, un livre qui
faut absolument avoir lu avant de
mourir, un livre à emporter sur une île
déserte pour ne pas oublier la folie
des hommes, pour se rappeler sans
cesse le paradoxe de l’âme humaine,
capable de la plus grande empathie
comme de la bassesse la plus vile. En
suivant les pas du Maître, James
Durie, ce noble écossais spolié de son titre et de son royaume et qui
n’aura de cesse d’assouvir sa vengeance contre son frère Henry,
Robert Louis Stevenson nous embarque, jusqu’à la conclusion finale
du livre, dans un tourbillon d’aventures, de rebondissements et, en
même temps, dans la noirceur la plus profonde des cœurs. Rien ne
sera épargné aux lecteurs, sa morale sera mise à rude épreuve à
chaque instant. Il est ressortira marqué au fer littéraire. Et malgré
toute cette folie et ce chaos, le génie de Stevenson parviendra à
nous faire aimer ce diable d’homme, c’est dire…


Le Maître de Ballantrae
de Robert Louis Stevenson (Livre de poche)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement – Rien n’est noir

Un livre comme un portrait. Celui
d’une femme. Celui d’une destinée.
Celui d’un orage permanent. Grand
prix des lectrices Elle, Rien n’est noir
raconte ainsi la vie de Frida Kahlo et
de sa liaison avec le peintre mexicain
le plus célèbre de son temps, Diego
Rivera, « la couleur de la couleur ».
Portée par l’écriture pleine de feu de
Claire Berest, à l’image de ce métal en
fusion qui coule dans les veines du
corps de Frida ravagé par une barre
d’acier, le livre chemine dans ces deux
vies indissociables. Les couleurs
foisonnent dans cette succession de chapitres où la vie de Frida
passe du bleu au jaune et du rouge au noir. Réflexion sur la création
artistique, ce livre est également un hymne à la volonté de
transcender la fatalité.

Rien n’est noir n’est pas une biographie mais plutôt un roman d’amour
de deux êtres s’enlaçant au-dessus d’un volcan, et de cette peinture
qui va les unir et les consumer. Du Mexique à New York en passant
par Paris, cette relation constitua cet autre accident, cette autre
barre d’acier qui ne cessera de transpercer Frida Kahlo. Car à
travers cet autoportrait inconscient, le livre est également le
portrait en pied d’une femme libre, indépendante et une source
d’inspiration terriblement actuelle, couleur vermillon de mercure, ce
métal qui, ingéré, ne s’évacue jamais….

Par Laurent Pfaadt

Claire Berest, Rien n’est noir,
Livre de poche, 240 p.

La Porte

Magda Szabo, la Porte, le livre de poche

Paru en 2003 aux éditions Viviane
Hamy, seize ans après sa publication
originale, couronné par le Prix
Femina et célébré dans le monde
entier, la Porte de Magda Szabo,
auteur hongrois inconnue en France à
l’instar des Sandor Maraï, Laszlo
Krasznahorkai, Lajos Zilahy, est enfin
disponible en poche. Récit intime et
puissant de la relation entre deux
femmes, une bourgeoise intellectuelle et sa domestique, Emerence, ce roman est une porte
vers l’une des plus belles histoires d’amitié de la littérature
européenne. Mais c’est également une porte vers l’histoire
personnelle d’une femme qui se confond avec l’histoire de toute une
nation et de ses ombres.

La Porte marque la frontière du logement d’Emerence, ce monde si
jalousement protégé par son occupante qui s’ouvre régulièrement
pour en sortir des objets improbables tirés de la rue. Mais surtout,
cette porte renferme des secrets insoupçonnés qui, une fois
dévoilés, changèrent irrémédiablement l’un des personnages du
roman en même que les lecteurs que nous sommes.

Alors n’hésitez plus, poussez la porte…

Laurent Pfaadt