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God save the french music

LPOLe London Philharmonic Orchestra rend hommage à la musique française

Après Brahms et Chostakovitch, le London Philharmonic Orchestra, à l’instar du LSO, poursuit son abondante production discographique. Avec cet enregistrement consacré à la musique française de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle, le LPO a indubitablement marqué les esprits et surtout nos oreilles car il y avait bien longtemps que l’on n’avait pas entendu Saint-Saëns de la sorte.

Enregistrées en concert au Royal Festival Hall, ces deux grandes oeuvres du répertoire pour orgue, le concerto pour orgue de Francis Poulenc et la troisième symphonie de Camille Saint-Saëns se prêtent parfaitement à la configuration des lieux, en raison de la présence du fameux orgue Harrison & Harrison, construit sous la supervision du célèbre organiste anglais Ralph Downes et qui est depuis longtemps le modèle des orgues modernes. Et lorsque l’organiste qui officie sur le disque n’est autre que James O’Donnell, directeur de la musique de l’abbaye de Westminster, on ne peut que s’attendre à la perfection.

Et celle-ci est immédiatement perceptible dans le concerto pour orgue, orchestre à cordes et timbales de Francis Poulenc, oeuvre injustement méconnue aujourd’hui. Dans ce concerto constitué d’un seul mouvement et encadré par deux allegros, l’orgue n’est pas qu’un instrument parmi d’autres. Grâce à James O’Donnell, il prend vie, devient un être à part entière, sorte de mezzo-soprano d’airain qui entonne ses superbes vocalises. Ce bijou d’orchestration, sorte de Divine comédie musicale délivre alors une palette d’émotions, tantôt ténébreuses (orgue et percussions) tantôt sensibles (cordes).

La troisième symphonie en ut mineur avec orgue résonne également avec fougue et passion sur ce disque. Son écriture la destinait d’emblée à cette rutilance, à cette majesté qui lui est propre. Il faut dire que, malgré notre chauvinisme atavique, elle est un peu chez elle ici dans le Royal Festival Hall puisqu’elle fut écrite par le compositeur à la demande de la Royal Philharmonic Society et créé à Londres en mai 1886. Et on doit bien dire qu’elle s’y sent bien auprès du LPO qui a su parfaitement prendre la mesure de ses rythmes tantôt enlevés, tantôt intimes.

Pour l’occasion, Vladimir Jurowski a laissé sa baguette à l’un des futurs très grands chefs de la planète, le québécois Yannick Nézet-Séguin, principal chef invité du LPO et directeur musical de l’orchestre de Philadelphie. Fidèle à lui-même, Yannick Nézet-Séguin a enfourché ce cheval français avec l’énergie qui est la sienne. Malgré des tempi plutôt rapides, Nézet-Séguin laisse l’orchestre respirer lors des rares moments d’accalmie tout en tenant la bride d’une main de fer afin de permettre aux deux pianos et à l’orgue de pouvoir couronner cette cathédrale sonore. Au final, il s’en dégage une impression de profondeur et de grandeur musicale, presque beethovienne. D’ailleurs, Marcel Proust ne qualifiait-il pas cette symphonie de « la plus belle que l’on ait jamais composé depuis Beethoven » ?

Avec ce disque magnifique, on se rend bien compte qu’une fois de plus, les plus grands interprètes de notre musique se trouvent bien souvent de l’autre côté de la Manche.

Poulenc, organ concerto ; Saint-Saëns, symphony n°3 (organ), Yannick Nézet-Séguin (dir.), James O’Donnell (organ), London Philharmonic Orchestra, LPO, 2014

Laurent Pfaadt