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#Lecturesconfinement : Vernon Subutex de Luz-Despentes par Pierre Lungheretti

C’était l’une des
sorties BD les plus
attendues. Un pari
gonflé, celui
d’adapter l’un des
romans cultes de ces
dix dernières années.

Le roman-fleuve de
Despentes, en trois
tomes, décrit la
dérive dans Paris d’un ancien disquaire expulsé de chez lui, qui s’incruste chez ceux
qui étaient ses amis, des lointaines connaissances ou des clients. A
partir d’une situation de dénuement extrême et de dégringolade
sociale, Despentes se livre à une dissection de la société
contemporaine. Le marginal flamboyant, sur fond de mythologie
rock, est lentement broyé par les mutations économiques et sociales
du monde contemporain qui anéantissent les fondations sur
lesquelles reposait son univers.

Dans ce premier volume d’un projet qui en comportera deux, Luz, le
génial dessinateur de Charlie Hebdo, de Catharsis et des Indélébiles,
a réussi un véritable tour de force avec la complicité de la
romancière, Virginie Despentes, qui l’a délibérément choisi.

Dans cette adaptation fidèle, l’expressivité graphique de Luz, qui
donne un visage, une allure et une présence à cette galaxie de
personnages, est à son sommet. Il dépeint une jungle urbaine,
peuplée de personnages corrompus, aigris, désenchantés ou
dépressifs. Vernon s’immisce dans ces univers intimes, qui derrière
des façades bravaches ou d’un glamour vaguement décati, sont
marqués par les échecs existentiels, les frustrations et les
désillusions croqués par Luz avec finesse et empathie. Sa virtuosité
restitue la tension entre une narration tourbillonnante et la lente
décomposition d’un monde. L’utilisation magistrale des couleurs
avec une dominante différente pour chaque séquence, fait vivre au
lecteur l’intensité des situations et des émotions de Vernon.
L’attente du second tome n’en est que plus vive.

Peter Lungheretti est le directeur général de la cité internationale
de la bande-dessinée et de l’image d’Angoulême
Vernon Subutex de Luz-Despentes (Albin Michel)
par Pierre Lungheretti