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Chung transcende Mahler

ChungMyung-Whun Chung et l’Orchestre Philharmonique de Radio France rendent un hommage appuyé à Gustav Mahler

Il a mis longtemps à dompter Mahler, à s’en imprégner mais au fil du temps Myung-Whun Chung en est devenu l’un des plus grands interprètes. Disque après disque dont récemment dans la 9e avec le Seoul Philharmonic Orchestra, son autre phalange, concert après concert, le maestro coréen qui s’apprête à laisser son fauteuil à Mikko Franck a poli lentement ces diamants aux mille reflets que sont les symphonies de Mahler. Preuve en fut encore donnée à Toulouse lors d’un concert de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, à tel point que l’interprétation du concerto pour violon de Bruch par Gil Shaham passa presque au second plan.

Et pourtant que cette interprétation fut belle de la part de l’un des solistes les plus géniaux de la planète. Gil Shaham entra dans ce concerto avec sa passion habituelle et y délivra une interprétation merveilleuse. Entre la majesté de l’orchestre et la subtilité du violon se créa une osmose très belle qui se manifesta surtout dans les deux mouvements rapides. Sans forcer les tempii, l’orchestre accompagna le soliste dans un finale sans violence où se dégagea jusqu’à la dernière note la passion inhérente à cette œuvre de toute beauté.

Le public croyait avoir écouté une merveille – ce qui fut le cas – mais ne s’attendait pas à son retour de l’entracte au choc de la Cinquième de Mahler. Emmené par une excellente trompette solo en la personne d’Alexandre Baty qui ouvrit cette symphonie, l’Orchestre Philharmonique de Radio France brilla de mille feux. Une fois de plus, Chung délivra une interprétation en forme de prisme de lumière en révélant les différentes facettes musicales de cette œuvre

Avec minutie, il distilla les subtilités d’une orchestration de génie qui oscille entre l’incroyable force tellurique qui se dégage du monument mahlérien avec notamment les percussions du deuxième mouvement, et la déclaration d’amour faite à Alma qui trouve son aboutissement dans ce magnifique adagietto où la harpe répond aux contrebasses dans un long chant qui s’étira dans la halle aux grains comme une poussière d’étoile dans la nuit.

Que les équilibres sonores furent prodigieux comme lorsque les vents et l’alto se mirent à dialoguer ensemble dans le premier mouvement. Cette interprétation permit également à cette symphonie de retrouver sa place dans l’histoire de la musique, entre les apports de Bruckner et de Wagner – n’oublions pas que Chung est également un chef d’opéra qu’il manifesta dans la mise en valeur des motifs d’inspiration wagnérienne – et les influences sur Chostakovitch notamment.

Avec cette interprétation cristalline, les ovations ne furent pas feintes à l’égard de cet orchestre incroyable et de ce chef au talent unique.

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Laurent Pfaadt