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#Lecturesconfinement : Nouvelles complètes de Philip K. Dick par Laurent Pfaadt

Surveillance des citoyens, société régie par les machines,
mégalomanie du consumérisme, épuisement des ressources ou
standardisation de la production. Tous ces concepts font désormais
partie de notre quotidien, de notre vie, de notre logorrhée. Et si on
vous disait qu’un écrivain avait prévu tout cela, il y a plus d’un demi-
siècle, alors que les algorithmes, internet, les téléphones portables
et mêmes les ordinateurs n’étaient que de fumeuses élucubrations
d’écrivains de bas étage, incapables de produire de la « grande »
littérature, et consommateurs invétérés de drogues. Autant dire
personne.

Parmi cette cohorte d’écrivains perdus, d’outsiders de la société,
vivant et décrivant les marges de cette dernière et ne trouvant leurs
saluts financiers que dans le divertissement et la culture pulp figure
en majesté Philip K. Dick. Les plus avertis se souviendront de
l’adaptation cinématographique de Blade Runner mais peu
connaissent la force de ses nouvelles. Car Dick demeura avant tout
un grand nouvelliste, à l’image d’un Edgar Allan Poe, un siècle plus
tôt, comme en témoigne ce double volume qui recense l’intégralité
de ses cent vingt nouvelles publiées entre 1947 et 1981. Dick y
déploie une force narrative concentrée à l’extrême comme de
l’héroïne dans le piston d’une seringue. L’effet est immédiat,
surpuissant et vous laisse au mieux KO, au pire en état de choc ou de
mort littéraire cérébrale. Prenez par exemple Autofab écrit en 1955
qui raconte l’emprise d’un réseau mondial de fabriques
automatisées après une crise majeure tirant sa puissance de
l’épuisement des ressources naturelles de la terre. Cela ne vous
évoque-t-il personne, en ces temps de confinement et de fermeture
des librairies ? Ici comme dans les autres nouvelles, Dick, comme
l’écrit Laurent Queyssi qui préface ce volume, a son « doigt sur le
pouls de l’Amérique »
 sans que l’on sache si c’est pour en mesurer
l’évolution et les travers ou pour en tapoter la veine avant d’y
injecter son héroïne littéraire et faire vaciller l’American Way of Life.
Peut-être un peu des deux finalement. Tout y passe : le temps,

l’Histoire, nos modes de vies, nos interactions sociales, l’altérité. Pas
étonnant  que de nombreux intellectuels se réclamèrent de lui :
Roberto Bolano ou Jean Baudrillard pour ne citer qu’eux. Alors,
après cela, si vous trouvez encore que Dick n’est qu’un écrivain de
science-fiction, on ne pourra désormais plus rien pour vous.

Nouvelles complètes de Philip K. Dick (Quarto, Gallimard)
par Laurent Pfaadt

#Lecturesconfinement : Oeuvres de Cesare Pavese par Pierre Adrian

Le bon côté d’une sédentarité
forcée, c’est qu’elle donne l’occasion de découvrir des lectures
graves ou légères dans des livres
lourds. Quarto est une collection
familière et précieuse qu’on
emporte rarement avec soi. Elle
rassemble des textes éparpillés.
Dans le beau rouge et blanc du
Quarto, il convient de lire et relire
Cesare Pavese. Le volume parut en
2008 est présenté par Martin
Rueff. Tout y est. La poésie de
l’écrivain turinois, Travailler Fatigue,
ses cours romans: Le Bel ÉtéLa PlageLa Lune et les feux… Et Le Métier
de vivre
, bien sûr, son douloureux journal. Pavese est le grand
écrivain du temps qui passe, du souvenir, de l’enfance, du retour
chez soi. Il écrit avec une simplicité qui dit tout.

Une fois achevée cette existence confinée, on partira en Italie, un
livre de Pavese sous le bras. Et un soir, comme dans ses romans, on
ira voir les feux de Turin depuis la colline.
Pierre Adrian est écrivain, prix des Deux-Magots 2016 pour La Piste
Pasolini 
(éditions des Equateurs, 2015). Dernier livre paru: Les bons
garçons (
éditions des Equateurs, 2020)

Oeuvres
de Cesare Pavese (Quarto, Gallimard)
par Pierre Adrian