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Un chat dans les bois

Francesco Piemontesi © Marco Borgreve

Le pianiste suisse
Francesco
Piemontesi a offert
un Ravel de toute
beauté

L’auditorium de
Radio France s’est
transformé, le temps
d’une soirée, en une machine à remonter le temps, embarquant ses
spectateurs dans un voyage au sein de la musique française du 20e
siècle. Centenaire oblige, ce voyage débuta par une subtile
navigation sur les eaux mystérieuses des Jeux de Claude Debussy.
Pareil à un coucher de soleil en plein été, la conduite d’Ingo
Metzmacher, experte en matière de musique du 20e siècle, fut
emprunte de l’onirisme nécessaire à toute interprétation
debussienne bien servie il est vrai par des bois inspirés qui ne
faisaient – on ne le comprit que plus tard – que s’échauffer sur ce
cours d’eau symphonique. L’accompagnement tout en subtilité du
violon solo, Hélène Collerette, renforça ce sentiment de rêve.

C’est alors, au moment où ce voyage atteignait les côtes ravéliennes
qu’un chat nommé Francesco Piemontesi sauta dans ce navire. Il se
rappela certainement ses leçons auprès du grand Weissenberg au
moment d’entamer le concerto en sol majeur de Maurice Ravel. Ses
coups de griffes dessinèrent un jeu alerte, bondissant notamment dans ce premier mouvement qui reste un morceau de bravoure
pianistique pour tous ceux qui s’y frottent. Son excellente maîtrise
du tempo rencontra un orchestre philharmonique de Radio France
virevoltant, transformé en une souris espiègle qui joua plus qu’elle
ne lutta avec le soliste. Cela produisit une réelle complicité, déjà
perceptible au printemps dernier dans les variations symphoniques
de Franck, et surtout une interprétation d’une grande beauté.

Le meilleur restait indubitablement à venir avec l’adagio assai. Le
chat se lova dans cette musique où Piemontesi déploya toute sa
sensibilité. Bien accompagné par des bois de haute volée, on eut
l’impression de voir l’ombre du grand Bernstein dessiner de sa main
une arabesque dans l’air tandis que le temps sembla, un instant,
suspendu. Un triomphe et un sourire satisfait du chef accueillirent la
dernière note du pianiste suisse.

Les bois et en particulier la clarinette et le hautbois n’en avaient pas
encore fini et transformèrent ce triomphe en apothéose. Ils furent à
l’avant-garde d’une deuxième symphonie d’Henri Dutilleux, dite « le
Double » en référence à ces deux orchestres enchâssés
musicalement. Maniant parfaitement les nuances de tonalités et de
rythmes, Ingo Metzmacher bien aidé par l’alto, le violoncelle, le
basson mais surtout par un continuum d’un clavecin de cristal,
réussit à produire cet écho qui est à la base de l’œuvre de Dutilleux.
Il ne lui restait plus alors qu’à conduire ce navire sur les rives
bienveillantes d’un Claude Debussy.

Par Laurent Pfaadt

Concert du 12 octobre 2017