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Le dernier afghan

Avec Le dernier afghan, embarquez non pas dans un train mais dans le
fourgon des convoyeurs de fonds d’un centre commercial de
Batouïev. Les Afghans sont un réseau d’anciens militaires
soviétiques de la guerre d’Afghanistan revenus à la vie civile. Entre
eux existe une fraternité comme l’explique un ancien commandant
devenu parrain de la pègre : « Un flic afghan couvrira tes arrières. Un
bandit afghan ne s’en prendra pas à toi ». L’un des convoyeurs, un
ancien afghan, Guerman dit « l’Allemand » va pourtant briser cette
fraternité en dérobant le butin et filer dans la nature. S’ensuit alors
une chasse à l’homme absolument palpitante car pour Guerman, il
n’y a que deux possibilités : la disparition ou la mort.

A travers ce récit où se mêlent violence et désillusions, Alexei Ivanov
dresse le portrait d’une Russie rongée par le crime organisé et la
corruption, une Russie où le plomb dont on faisait les cercueils pour
les morts d’Afghanistan sert désormais à armer les vivants. C’est une
gangrène que nous dépeint l’auteur, celle d’un homme revenu de la
guerre, celle d’une mémoire bafouée, celle enfin d’un monde passé
du communisme au capitalisme sans lois où les anciennes structures
étatiques ont servi de fondations aux futures mafias. Les frontières
entre l’ordre et le désordre n’existent plus. Et les héros sont fatigués.

Par Laurent Pfaadt

Alexeï Ivanov, Le dernier afghan, traduit du russe par Raphaëlle Pache
Rivages noir, 640 p.

Une cathédrale à soi

A l’occasion de son 40e livre, l’un des monstres sacrés de la
littérature policière retrouve David Robicheaux, son héros fétiche,
dans cette 23e enquête qui revient sur la lutte fratricide que se
livrent les familles Balangie et Shondell. Une cathédrale à soi qui clôt
la trilogie de la Louisiane, remonte le temps, avant le 11 septembre
2001. David Robicheaux, ancien adjoint du shérif de New Iberia, pas
encore devenu détective, vient d’être suspendu. Et en suivant Isolde
Balangie, cette fille si attachante à la voix d’ange, Robicheaux
découvre la haine ancestrale que voue la famille de la fille à celle de
son petit ami chanteur, Johnny Shondell, menée par son oncle, le
terrible Mark Shondell. Ce dernier ne recule d’ailleurs devant rien
pour assurer sa puissance : corruption, prostitution et meurtres bien
évidemment.

On connait la suite. Avec sa satanée manie de s’enticher de cas
désespérés et de marginaux – sauver cette petite des griffes de
l’oncle de Johnny – et son sens si personnel, trop personnel de la justice, Robicheaux entre une fois de plus dans ce marais psychique
qu’il connait bien et qu’il redoute, en compagnie bien évidemment
de son fidèle compère, Clete Purcel. Racisme, déchéance, pourriture
sont les relents qui s’en dégagent. Il y croisera surtout un serpent,
cet assassin qui conduira Robicheaux au-delà de ses propres limites.
Une fois de plus, James Lee Burke emmène son lecteur dans ce
monde entre réalité et surnaturel où les morts et les vivants
partagent cette même barque naviguant sur ce Styx contemporain.

Dans ce grand shaker littéraire, mettez-y deux bonnes doses de
Shakespeare et de Faulkner, ajoutez une bonne rasade de whisky et
quelques jets d’humidité des bayous et de folie humaine et vous
obtiendrez cet excellent Burke, sorte de western contemporain à la
sauce Capulet et Montaigu.

A lire également de James Lee Burke, Robicheaux et New Iberia Blues (Rivages noir poche) qui façonnent avec Une cathédrale à soi, cette terrifiante trilogie.

Par Laurent Pfaadt

James Lee Burke, Un cathédrale à soi
Chez Rivages noir, 448 p.