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Le retour du roi

simeonL’ancien roi de
Bulgarie se raconte et raconte son siècle.

Comme le rappelle le titre de l’ouvrage, la vie de Siméon II de Bulgarie devenu Siméon Sakskoburggotski fut un destin singulier. Devenu roi de Bulgarie à l’âge de 6 ans puis destitué par l’Empire soviétique, trois ans plus tard en 1946, le monarque déchu vécut un demi-siècle en exil avant de revenir dans son pays comme Premier ministre.

Il raconte aujourd’hui sa vie exceptionnelle dans son autobiographie. Car celui qui est aujourd’hui un citoyen de la République de Bulgarie qu’il a contribué à servir aux plus hautes fonctions a connu les grandes tragédies du XXe siècle, le fascisme, le communisme, l’Europe de Stefan Zweig et le monde de Milton Friedman, la mort des libertés et leur renaissance.

Cette formidable destinée – cas unique dans l’histoire récente – commence réellement en 1943 à la mort brutale de son père, le roi Boris III de Bulgarie, monté sur le trône en 1917 et qui dut assumer la position de la Bulgarie dans le camp de la Triple Alliance au côté de l’Allemagne. Très populaire et hostile aux régimes fascistes qui l’entouraient (Roumanie, Hongrie), le roi Boris décéda mystérieusement, peut-être de la main des nazis.

« Une autre vie commençait pour nous tous. Une vie tissée de tristesse et d’incertitudes » écrit Siméon II. La régence est confiée à son oncle, le prince Kirill qui est exécuté sitôt l’Armée rouge entrée dans Sofia en février 1945. Siméon II est contraint de fuir son pays natal mais n’abdique pas. Les pages que Siméon II consacre à son règne sont assez brèves. Face aux évènements tragiques et historiques qui se déroulent sous ses yeux, il est projeté dans cette guerre qui le dépasse et sur ce trône trop grand pour lui.

Commence alors pour Siméon II, ce roi sans royaume, une vie d’exil, une errance qui durera plus d’un demi-siècle. Après l’Egypte, c’est véritablement en Espagne qu’il s’établit, grandit et se forme. Les années passent, et la Bulgarie communiste de Jivkov, ce roi rouge installé par Staline, semble devoir être éternelle. Son enfance bulgare n’est alors plus qu’un lointain souvenir, lui-même parlant très mal sa langue natale. Durant ces nombreuses pages espagnoles, Siméon II raconte cette vie de cour en exil au milieu de cet jet set que l’on croise à Monte Carlo ou à la Scala avec les figures de Juan Carlos, d’Otto de Habsbourg ou celles plus singulières de Maurice Druon ou de Marie Bonaparte

Mais Gala laisse vite place dans cette autobiographie au Monde diplomatique lorsqu’arrive novembre 1989 et l’effondrement du mur de Berlin. Il faudra néanmoins à Siméon II attendre encore sept années avant qu’il pose à nouveau le pied sur sa terre chérie. Il décide de reprendre les choses là où il les avait laissé en 1946, de rattraper le cours de l’histoire en quelque sorte. « Pour les Bulgares, j’étais le roi, le lien avec le passé, mais aussi la possibilité d’un avenir plus prometteur » écrit-il. Son investissement dans la campagne législative de 2001 qu’il remporta à la tête de son mouvement national Siméon II (NDSV) et sa nomination en tant que Premier ministre par le président de la République d’alors, Petar Stoyanov, représentent les plus belles pages de l’ouvrage. On y découvre un homme d’Etat investi d’une mission envers un peuple – « pour moi, la seule et unique question a été celle de servir mon pays, aveuglément » – mais surtout de belles leçons de courage où tout combat même perdu d’avance peut être gagné.

Pendant quatre ans, il gouverna la Bulgarie, préparant l’adhésion de cette dernière à l’Union européenne, cette Europe qu’il avait vu brûler de ses yeux d’enfant, avant que son parti ne disparaisse de la scène politique bulgare. Cette autobiographie permet aujourd’hui de comprendre la vie de ce monarque, de cet homme, de ce personnage qui marqua à jamais, de par son destin, l’histoire de notre continent.

Siméon II de Bulgarie, un destin singulier, Flammarion, 2014.

Laurent Pfaadt