Classé sans suite

Chaque livre est une forme de
musée. Il permet de se souvenir mais
surtout de ne pas oublier. Consacré
livre de l’année par le magazine Lire,
le roman de l’écrivain italien Claudio
Magris, auteur de l’inoubliable
Danube, revient dans ce roman qui
tient parfois de l’essai, sur un
épisode peu connu de la seconde
guerre mondiale : la présence à
Trieste d’un camp de la mort – le
seul sur le territoire italien – où juifs
et opposants politiques furent
enfermés et exécutés notamment
via un four crématoire. Là-bas, les détenus gravèrent sur les murs
du camp les noms de leurs bourreaux, noms consignés dans de
petits carnets.

La narratrice de ce roman, petite-fille d’une prisonnière du camp
au passé trouble, raconte la volonté d’un professeur d’établir à
partir de ces carnets, un musée de la guerre pour montrer
l’horrible ingéniosité des hommes. Cette quête muséale se double
vite d’une quête personnelle en même temps que d’un combat
contre l’oubli de cette ville qui classa sans suite la mort de ce
professeur et de son projet pour la vérité. Du poignard qu’il fut, le
stylo devient ainsi, dans la main de Magris, ce burin destiné à
gratter la chaux d’un mensonge qui, même s’il est partagé par tous,
n’en demeure pas moins un mensonge.

Par Laurent Pfaadt

Claudio Magris, Classé sans suite,
Chez Folio, 480 p.