Claus Peter Flor

Anton Bruckner et Max Bruch étaient au programme du concert que donnait, le vendredi 3 mars, le chef allemand Claus Peter Flor, invité de longue date à  l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. La violoniste néerlandaise Liza Ferschtman tenait la partie soliste.


Claus Peter Flor

Bien qu’auteur d’une œuvre importante, comprenant plusieurs opéras, oratorios, symphonies et autres compositions, Max Bruch n’est aujourd’hui connu que pour l’un de ses trois concertos pour violon, au demeurant fort réussi. Il a aussi écrit, durant les années 1879-80, une Fantaisie écossaise pour violon et orchestre. A l’instar de l’autre ‘’écossaise’’, la symphonie de son mentor Mendelssohn, la pièce de Bruch emprunte elle aussi son matériau thématique à la musique traditionnelle du pays. Mais elle est bien loin d’offrir l’élégance, la finesse d’inspiration et l’originalité d’écriture du chef d’œuvre de son ainé. Après une introduction plutôt avenante, les quatre mouvements qui suivent, aux couleurs conventionnelles et à l’harmonie naïve, peinent à retenir l’intérêt malgré les qualités de rythme et de timbre qu’y déploie la violoniste Liza Ferschtman, attentivement épaulée par Flor et l’orchestre. En bis, Liza Ferschtman nous a proposé sa conception particulièrement méditative de l’andante de la seconde sonate pour violon de Jean-Sébastien Bach.

Certains musicologues et chefs d’orchestre considèrent la troisième symphonie d’Anton Bruckner comme vraiment inaugurale de sa musique. Elle ne lui en a pas moins donné du fil à retordre, comme en témoignent les trois révisions et éditions successives (1873, 1878, 1889). Œuvre ambitieuse, d’une grande originalité d’écriture, d’une orchestration particulièrement cuivrée, la qualification de ‘’génial chaos harmonique’’ proposée par Pierre Boulez à propos de la tardive huitième symphonie convient également à sa cadette. Entre l’édition de 1873 et celle de 1878, on remarque d’importantes différences : dans la seconde, les deux mouvements extrêmes se trouvent raccourcis et, pour le premier, dépouillé de quasi toutes les citations wagnériennes ; en revanche, le déjà remarquable scherzo voit son caractère méphistophélique accru par une étonnante coda. Si beaucoup d’arguments plaident en faveur de l’unité supérieure de la seconde édition, la première, de 1873, garde pour elle son caractère envoutant et la puissance de son étrangeté, en dépit d’un final un peu répétitif. Quoi qu’il en soit, c’est cette version originelle de 1873 qui figurait, le soir du 3 mars, au programme de l’OPS.

A la tête d’une formation resserrée d’environ soixante-quinze musiciens, Claus Peter Flor en aura donné une interprétation particulièrement vibrante et fébrile, sans négliger pour autant l’indispensable homogénéité de la texture orchestrale. Vu la durée de l’œuvre, on a apprécié la vivacité du tempo adopté ; et aussi le jeu expressionniste de tous les pupitres de l’orchestre dans cet univers quasi-abstrait où ‘’faire joli’’ n’a guère de sens. L’OPS a  montré une fois encore l’excellente forme qu’il affiche depuis le début de saison.

                                                                                              Michel Le Gris