CONDOR

De Frédéric Vossier

L’histoire n’oublie pas, l’histoire ne pardonne pas.

Dans la pièce « Condor » écrite par Frédéric Vossier et mise en scène
par Anne Théron, un frère, Paul et une soeur, Anna se retrouvent
après quarante ans de séparation. C’est elle qui a fait les recherches
et qui vient le voir. Ils vivent dans un pays d’Amérique latine, un de
ces pays où l’opération « Condor », dans les années 70-75, menée par
les Américains, avec la complicité des gouvernements locaux, a
poursuivi, emprisonné, torturé, tué ceux que l’on considérait comme
rebelles, subversifs, révolutionnaires. On comprend vite que lui a fait
parti de ces bourreaux et qu’elle en a été victime.

C’est un face à face, une rencontre dure, implacable entre deux
êtres, deux mondes.

Lui qui s’est retiré du monde, ne cesse de décrire avec complaisance
sa vie de solitaire, se vantant d’être en pleine forme à 72 ans,
expliquant comment ses longues promenades en forêt
entretiennent un corps qu’il exhibe sans pudeur devant sa soeur,
torse nu et provocant.

Contraste saisissant avec elle, marquée par ces enfermements, ces
tortures qui ont abîmé son corps, l’ont vieilli. Elle se souvient et exige
avec calme et détermination qu’il se souvienne aussi. Elle le met en
demeure mais il se dérobe, évoquant par quelques réflexions à peine
structurées ces actes de répression qu’il juge encore nécessaires
contre « des intellectuels ».

Nuit de cauchemar pour elle et crise d’angoisse qu’elle s’efforce de
surmonter. Le courage dont elle a fait preuve pour venir et
témoigner lui donne la force de ne pas s’effondrer, de repartir, de
vouloir vivre malgré tout.

Les comédiens, Mireille Herbstmeyer, Anna, Frédéric Leidgens, Paul,
mènent un jeu corporel très fort dirigé par le chorégraphe Thierry
Thieù Niang et portent ces situations douloureuses avec une
intensité, une authenticité qui nous rendent à notre tour témoins
bouleversés de l’Histoire.

La mise en scène signée Barbara Kraft, sobre et pertinente fait du
lieu de leur rencontre un bunker sombre, meublé de façon sommaire
d’un petit lit de fer tel qu’on peut le trouver dans une prison. Seule
une simple meurtrière permet d’apercevoir l’extérieur. Tout est fait
pour souligner l’enfermement réel et symbolique. Comme est
symbolique  aussi l’image projetée en fond de scène  de ces grands
rapaces, les condors  qui vivent en Amérique  latine et dont le dessus
du crâne  dénudé a la couleur du sang des victimes dont ils se
repaissent.

On ne sort pas indemne d’un tel spectacle.

Le texte est édité par « Les Solitaires Intempestifs »

Marie-Françoise Grislin

Représentation du 13 octobre auTNS