Construire la déconstruction…

[plus ou moins deux virgule deux
degrés de fantaisie orthogonale]

C’est sous ce titre, que l’artiste alsacien Pierre Muckensturm, dernier
invité de l’année 2020, présentera à l’Espace d’Art Contemporain André
Malraux à Colmar ses derniers travaux inspirés de l’Entasis, cette
imperceptible courbure de 2,2° qu’appliquaient les architectes Grecs aux
colonnes de leurs temples pour donner à l’œil l’illusion d’une parfaite
rectitude qu’ils n’avaient pas.

L’art concret n’est pas un dogme, pas un « isme », il est l’expression
d’une pensée intellectuelle. 

L’art concret n’est pas une abstraction, n’est pas narratif, littéraire. Il
est proche de la musique.

L’art concret veut mobiliser notre sens esthétique, notre créativité,
notre conscience sociale.

Extraits du Manifeste de l’art concret (avril 1930)

S’il parle plus volontiers d’art construit, Pierre Muckensturm
s’inscrit dans cette filiation-là. En effet il conçoit beaucoup de ses
œuvres par ordinateur, y teste des séries ouvrant sa création à une
autre spontanéité, celle d’une tentative d’exhaustivité avec des
propositions plurielles (allant quelquefois jusqu’à livrer une matrice
d’accrochage à ses collectionneurs). L’atelier devient un lieu
d’exécution de ses projets, mais le soin, la précision, la pédagogie
demeurent : il laisse sur la toile les indices du tracé, de l’élaboration.
Discrètement l’artiste déconstruit la rigueur par débauche de
rigueur, démasque le simulacre du jeu mathématique qui ne l’est pas
autant que cela. Une transgression de la norme rationnelle qui
égratigne au passage notre société du paraître brandissant une
science dont les réussites masquent les nombreuses lacunes et
incertitudes…

Si le rez-de-chaussée du white cube décline sur de grands formats
une chorégraphie d’équerres avecentas – sa figure de base –, la
coursive déploie avec des pièces plus sérielles et sophistiquées
l’affrontement d’aplats noirs avec leurs interstices blancs. Ces
travaux génèrent d’hypnotiques illusions d’optique suscitant parfois
un troublant malaise : des taches sombres apparaissent en mirages
aux croisements des lignes blanches séparant ces faux carrés
délicatement désalignés. Comme en musique, les figures imaginées
par l’artiste induisent des harmoniques non transcrites sur la
partition.

Un portfolio de douze estampes

© Luc Maechel

On en retrouve certaines en petit format dans le portfolio créé à
l’occasion de cette exposition : un coffret de douze estampes (25 x
25 cm) imprimées chez „En l‘Encre Nous Croyons“ à Gérardmer sur un
vélin BFK Arches par une Original Heildelberg, une presse
typographique à platine de 1965 qui permet de préserver un léger
foulage : l’empreinte laissée par la pression de la matrice (un
„tampon“ en polymère) sur le papier. Une proposition élaborée avec
l’imprimeur Christin Georgel. Formé à l‘École supérieure d‘art
d‘Épinal (ÉSAÉ), celui-ci a dirigé pendant plus de trois ans l‘atelier de
production de l‘Imagerie d’Épinal et enseigne désormais à la Hear à
Strasbourg.

Un lien entre art et art appliqué qui permet à un savoir-faire de
rester vivace et créatif.

Par Luc Maechel

Espace d’Art Contemporain André Malraux
4 rue Rapp 
F. 68000 COLMAR

Tél. : 0033(0)3 89 24 28 73 

Entrée gratuite
Reportée en raison du confinement, elle ouvrira 
du ?/?? au 7/03/2021 ?

Le portfolio est en vente à la boutique du Musée Unterlinden

http://racinesnomades.net/ephemerides/ephemeride-2020/#Muckensturm