Deux amis

Nous retrouvons Stanislas Nordey dans le spectacle écrit pour lui et
pour Charles Berling par Pascal Rambert, auteur associé au TNS et
que nous connaissons bien pour avoir vu ici plusieurs de ses oeuvres.
Il est en quelque sorte un »spécialiste » des histoires de rencontre. On
se rappelle de « Clôture de l’amour » avec Stanislas Nordey et Audrey
Bonnet. Dans cette pièce il s’agit  de la rencontre entre deux amis,
deux metteurs en scène que l’on va redécouvrir identiques à eux-
mêmes puisque leurs prénoms jailliront au cours de leurs échanges,
néanmoins quelque peu transfigurés par le jeu auquel ils doivent se
prêter à l’instigation de l’auteur qui en fait les protagonistes de cette
pièce. Deux amis certes mais à qui, d’entrée de jeu on propose une
querelle de professionnels puisqu’il va être question de « monter » les
« Quatre Molière » comme l’avait fait Antoine Vitez, un des grands
maîtres de la mise en scène vis à vis duquel ils ont tous les deux une
profonde admiration. Ils ne sont pas d’accord sur la scénographie et
leurs échanges sont peu amènes et leur donnent l’occasion de
dérisionner journalistes et critiques.

L’audace de cette pièce est de mêler amour et théâtre, de reproduire
avec acuité et parfois de façon violente et crue la relation très
tendre mais aussi très tendue entre ces deux hommes au caractère
entier qui ne s’épargnent pas. Preuve s’il en fallait  cette crise de
jalousie qui surgit chez Charles quand il surprend par inadvertance
un message sur le portable de Stan. La crise frise le délire avec tous
les fantasmes qui l’envahissent et que Stan qui garde son sang-froid
essaie  de juguler.

C’est un pur moment de Théâtre, les deux comédiens se prêtant au
jeu avec maîtrise et talent, l’un dans l’excès, l’autre dans le calme
jusqu’à ce qu’à son tour comme pour de défouler Stan se mette à
tout casser.

On n’en restera pas là. plus tard dans le temps on verra Charles aux
portes de la mort et durant cette agonie le dévouement, la
compassion, l’amour dont Stan fait preuve vis à vis de lui  et qui sont
tout simplement poignants.

Alors, cette pièce comme le reconnaît l’auteur est bel et bien une
pièce d’art, de guerre, d’amour, de mort qui a retenu et bouleversé
un public fasciné de retrouver en parfaits comédiens deux hommes
de théâtre bien connus, interprétant avec conviction, humour et
sensibilité des situations aussi vraisemblables par certains côtés
qu’improbables par d’autres.

Par Marie-Françoise Grislin

Représentation du 24 novembre 2021 au TNS