Dieu chez lui

Cheikh Abu Zayed
© Raied Allehyani

Magnifique voyage à
la découverte des
plus belles
mosquées du monde

Voilà enfin comblé
une lacune
iconographique et
éditoriale. Il existait
d’innombrables
ouvrages recensant les plus beaux châteaux ou les plus belles bibliothèques du monde
mais curieusement, rien n’existait sur les plus belles mosquées du
monde. C’est à cette tâche que s’est attelée avec bonheur et disons-
le avec réussite Leyla Uluhanli. La coordinatrice de cet ouvrage nous
embarque ainsi dans un voyage architectural vertigineux devant
tant de beautés et de traditions différentes à l’image de ces
mosquées de l’ancien espace soviétique et notamment celle de
Bakou en Azerbaïdjan qu’elle observa jeune et contribua
indiscutablement à forger la passion qu’elle a aujourd’hui couchée
sur le papier.

Qu’elle soit rouge en Inde, bleue cobalt à Samarkand, blanche à
Doha ou rose à Chiraz, la mosquée est avant tout la rencontre entre
un bâtiment et une idée. La forme importe peu. C’est le second
calife, Omar, qui consigna en 638 la forme architecturale de la
mosquée en prenant comme modèle celle de Kufa en Irak. Cette
décision constitua le début d’une longue histoire ininterrompue de
monuments prodigieux dont l’essor fut favorisé par…les femmes ! «
Diverses sources historiques et archives de fondations pieuses ainsi que
des épitaphes présentes en Asie centrale, Iran et terres ottomanes,
attestent que l’élite féminine a joué un grand rôle dans la fondation des
mosquées »
écrit ainsi Renata Holod, professeur d’art islamique à
l’université de Pennsylvanie.

Très vite et l’usage en est resté, la mosquée et ses transformations
architecturales servent d’instruments de pouvoir. En Afrique du
Nord, elle devient une « véritable vitrine offerte aux écoles doctrinales
rivales »
selon Heather Ecker, professeur d’art et d’archéologie à
l’université Columbia de New York. En Iran, l’ayvan, ce grand espace
vouté dont trois côtés sont fermés et le quatrième s’ouvrant sur un
espace public permet, comme dans la mosquée de l’Imam construite
par le chah Abbas le Grand au début du 17e siècle, à la fois de voir
mais aussi d’être vu. Enfin, la récente mosquée Cheikh Zayed à Abou
Dhabi capable d’accueillir 40 000 fidèles, doit incontestablement
traduire la puissance de l’émir.

L’ouvrage montre également – et il est important de le dire par ces
temps agités – que si les religions se sont combattues tout au long
de l’histoire, elles se sont également imprégnées de la culture de
l’autre. A l’instar de la gastronomie ou de la langue, l’architecture
religieuse en fut l’un des témoignages les plus éclatants. Il n’y a qu’à
voir pour cela la Giralda, ce minaret de la mosquée sévillane
devenue une cathédrale après la Reconquista, la grande mosquée de
Damas qui emprunte beaucoup à l’art byzantin ou le portail d’entrée
de la Grande mosquée de Mahdia en Tunisie qui s’inspire fortement
de l’arc de triomphe romain.

Des explosions de couleurs de la mosquée du cheikh Loftallah à
Ispahan à l’innovation architecturale de la grande mosquée de
Samarra avec sa rampe hélicoïdale qui a quelque chose de biblique,
on ressort ébloui d’un tel voyage et fasciné par tant de raffinement.
Mais surtout, ce livre nous prouve que l’homme a également été
capable, au nom de Dieu, d’accomplir des choses d’une beauté inouïe
et d’atteindre l’impossible.

Par Laurent Pfaadt

Leyla Uluhanli, Mosquées,
Citadelle & Mazenod, 308 p.