Dorte Mandrup, architecte de l’humilité

La Maison du Danemark présente une magnifique exposition consacrée à l’une des figures de proue de l’architecture danoise

Des bâtiments en forme de dos de baleine ou d’aile de chouette des neiges sur la plus belle avenue du monde ? Ne cherchez plus, ils sont au Bicolore, espace d’exposition de la Maison du Danemark qui, pour l’occasion, a ouvert ses portes à l’architecte danoise Dorte Mandrup.


© MIR.no

Méconnue du grand public, cette architecte – elles sont encore trop peu nombreuses dans la profession – récente lauréate du Global Award for Sustainable Architecture impressionne par ses réalisations qui s’inscrivent dans un profond respect de l’environnement, de l’histoire et des sociétés où elles s’implantent. Ce prix, placé sous le patronage de l’UNESCO depuis 2010 et en partenariat avec la cité de l’architecture et du patrimoine qui a récompensé notamment l’agence Lacaton et Vassal, Pritzker Prize 2021, traduit bien le travail de Dorte Mandrup qui conçoit l’architecture comme la matrice d’une vie meilleure. Celui-ci, adossé à une éthique, témoigne avant tout d’une profonde humilité pour la nature.

L’exposition présente ainsi deux réalisations ainsi que plusieurs projets en cours de Dorte Mandrup. Parmi les réalisations, l’Ilulissat Icefjord Center au Groënland, centre pédagogique sur le changement climatique est d’une beauté à couper le souffle. Le visiteur est ainsi invité à se plonger à la fois dans les immenses photos mais également dans la maquette de cet édifice qui épouse, sous la forme d’une aile d’harfang des neiges, le relief du fjord d’Ilulissat. Dans ce bâtiment en lévitation, le fjord se déploie à mesure que le visiteur avance vers le cœur de l’édifice. Et le promontoire qu’il lui offre est moins un observatoire qu’un témoignage, en temps réel, du changement climatique. Car il ne faut pas s’y méprendre, en plus de déployer une beauté esthétique indéniable, l’art de Dorte Mandrup se veut une architecture de conviction, militante, une passerelle entre l’homme et son environnement. L’idée de passerelle, comme ce toit en libre-accès où déambule les visiteurs, est d’ailleurs emblématique de la réflexion de l’architecte.

Idem avec The Whale en Norvège, projet dédié à l’observation des baleines. Ici, le bâtiment s’apparente à une colline s’inscrivant dans la continuité du paysage tout en abritant une sorte de cavité. Conçu comme un point de rencontre entre les humains et les baleines qui mêle science, art et culture, l’endroit se veut être, une fois de plus, une passerelle, cette fois-ci entre l’homme et l’animal.

Cette même idée préside également au projet du musée de l’Exil de Berlin mais cette fois-ci entre passé et futur. Ici, sur le site de l’ancienne gare d’Anhalt qui symbolisa la fuite des Allemands face au nazisme, Dorte Mandrup a choisi de réutiliser les briques et débris de l’ancienne gare désaffectée pour y implanter le futur musée. Qu’il s’agisse donc d’environnement ou d’histoire, les projets de Dorte Mandrup témoignent d’une profonde humilité face à des environnements plus grands, face à des bouleversements historiques ou climatiques qu’il s’agit non pas de domestiquer mais d’épouser. Cette humilité forge la grandeur du travail de Dorte Mandrup. Une œuvre appelée à durer, sans aucun doute.

Par Laurent Pfaadt

Place, Dorte Mandrup : Architecture et paysage en symbiose, Le Bicolore, jusqu’au 6 novembre 2022

Pour découvrir l’univers de Dorte Mandrup, on pourra se plonger dans l’ouvrage (en anglais) de Tomas Lauri, Dorte Mandrup Arkitekter (Arvinius + Orfeus Publishing).