Drôle de tête

Le musée Würth propose une
réflexion autour de la figure
humaine

Avec près de 17 000 œuvres
et une quinzaine de lieux
d’exposition, la collection
Würth recèle en permanence
des trésors cachés que l’on
découvre au gré des
expositions. Et lorsque l’on
annonce une réflexion autour
de la figure humaine, il est
aisé de soupirer. Mais en
pénétrant dans l’exposition, on retient plutôt son souffle devant
Marc Quinn, Andy Warhol, Arnulf Rainer ou A.R. Penck.

Mais alors quelle est cette figure humaine ? Celle de l’Antiquité
que se plait à reproduire un Rainer Fetting (Mike Hill, 1986) ?
Celle de la Renaissance, fidèle reproduction de l’image divine
comme le suggère Elisabeth Wagner (Maria, 2008) dans son
hommage à Jean Fouquet ? Celle de l’abstraction avec Mondrian
ou Penck et qu’Aurelie Nemours porta à son paroxysme ? Ou bien
celle, déconstruite, standardisée du 21e siècle par Martin
Liebscher (Redaktion, 2002) où elle devient l’allégorie d’une
société qui transforme tout en marchandise ?

Dans ce kaléidoscope polymorphe, il convient de faire le tri, ce
que parvient à réaliser l’exposition en convoquant les artistes de
ces quelques 130 peintures, sculptures et installations pour
expliquer l’évolution et l’implication de chaque courant dans une
thématique artistique aussi vieille que l’art lui-même.

Déconstruisons d’abord nos idéaux de beauté et nos
représentations civilisationnelles où imperfection et perfection
doivent être traitées à égalité. Réglant cette question épineuse,
attaquons-nous à notre propre représentation en analysant, à
travers le mythe de Narcisse, l’autoportrait, dans une profonde
plongée introspective conduit magistralement par le Black Light
Self Portrait (1986) d’Andy Warhol. Puis vient le temps de
banaliser le nu féminin et cette pureté virginale grâce à ces
artistes iconoclastes, à l’instar de Marc Quinn et de sa Vénus
d’Hoxton portant pantalon baggy et sandales. Le grand mérite de
Quinn mais aussi d’Harding Meyer est ainsi d’arracher la femme à
cette beauté qui l’emprisonne et la relègue pour en faire un être
humain, à égalité avec l’homme. D’ailleurs, il n’est pas anodin que
Quinn ait caché le visage de son modèle pour se concentrer sur sa
banalité vestimentaire et sa fonction procréatrice. Ainsi, il restitue
la féminité dans sa fonction physiologique et non en tant
qu’attribut sexuel.

Puis vient le moment où la figure humaine finit par exploser et
devenir multiple. Sous l’effet des nouvelles technologies et du
progrès, il n’y a plus de modèle mais des modèles. Entièrement
libérés de toutes contraintes techniques et de toute morale. Le
jugement est facile mais réducteur. Et l’art devient ainsi la grille de
lecture d’un monde en mouvement, qui change à chaque minute et
modifie la représentation de la figure humaine.

A la fin de l’exposition, l’esprit du visiteur a été réduit, à raison, en
bouillie. Parvenu devant l’interrogatif garçon à l’envers de Georg
Baselitz (Knaben I, 1998), le visiteur comprend alors que cette
exposition a fait plus que renverser ses certitudes sur la figure
humaine. Que cette dernière n’est jamais figée, qu’elle est en
constante mutation. Une séance chez le psy  aurait eu moins
d’effets…

De la tête aux pieds, la figure humaine
dans la collection Würth, Musée Würth, Erstein
jusqu’au 7 janvier 2018.

Laurent Pfaadt