Emanuel Ax : « la musique de Brahms est très inspirante »

AxA l’occasion d’un cycle Brahms à la salle Pleyel en compagnie du Chamber Orchestra of Europe sous la direction du chef d’orchestre Bernard Haitink, le pianiste américain Emanuel Ax était à Paris. Né à Lvov en Pologne et vainqueur de nombreux prix internationaux, Emanuel Ax joue depuis quarante ans les grandes œuvres du répertoire avec les plus grands orchestres. A cette occasion, il est revenu sur le rapport particulier qu’il entretient avec Brahms

Quelle est votre approche de la musique de Brahms ?

Elle est très inspirante et en même temps très logique et historiquement très orientée. Si vous regardez sa musique, elle est toujours connectée avec ce qui s’est passée avant. Brahms fut à mon sens le premier compositeur à aimer et à collecter ce qui s’est fait avant, en additionnant les héritages de Chopin, de Schumann, de Bach ou de Beethoven. Prenez par exemple le deuxième concerto pour piano, il renvoie au cinquième concerto de Beethoven tandis que le premier concerto de Brahms rappelle le troisième de Beethoven.

Ce lien musical entretenu entre Chopin et Brahms rappelle votre propre histoire…

Oui, j’ai découvert les concertos pour piano de Brahms en écoutant les versions de Rubinstein qui fut l’un des plus grands interprètes de Chopin mais également de Brahms. Ses versions de la sonate pour deux pianos en fa mineur ou du quintette pour piano et cordes demeurent encore à ce jour mes favorites.

Quelles sont les spécificités du premier concerto, très différent du second…

Oui, il a du paraître très étrange au public lors de sa création en 1859. D’ailleurs, il a été mal reçu et c’est assez compréhensible en raison de sa structuration qui a pu paraître compliquée. Le dernier mouvement est très excitant alors que le premier est très sombre, très déconcertant. De plus, la virtuosité de la pièce à l’époque ne fut pas la même qu’aujourd’hui.

Vous avez interprété ce concerto sous la direction de nombreux chefs, James Levine, Leonard Slatkin ou Kent Nagano notamment. En quoi, celle de Bernard Haitink est-elle particulière ?

Parce que Bernard Haitink quel que soit l’œuvre jouée ou le tempo choisi, c’est toujours le juste tempo. Et si vous parlez avec les membres de l’orchestre, ils vous diront la même chose : ils savent exactement comment jouer. Il a un langage physique très expressif et n’a pas besoin de parler. Il est très professionnel et vous savez exactement ce qu’il veut, c’est très clair.

Et avec James Levine ?

C’est différent. Nous nous connaissons depuis tellement longtemps. Lorsque nous avons enregistré le disque des concertos Brahms, nous étions jeunes. Cet enregistrement constitue l’un des grands moments de ma vie car ma fille est née deux jours avant cet enregistrement. Ce fut un souvenir incroyable.

Vous connaissez également bien le Chamber Orchestra of Europe pour avoir interprété le premier concerto pour piano de Brahms à Londres en 2011.

Oui, vous n’avez pas besoin de moi pour dire que c’est un orchestre fantastique. C’est très excitant, formidable de jouer avec eux, de sentir chaque musicien, chaque énergie individuelle.

Après ces nombreuses interprétations des concertos de Brahms, que ressentez-vous à la veille d’une nouvelle interprétation ?

De la nervosité, comme toujours…

Interview Laurent Pfaadt