Entre Hitler et Staline, Russes blancs et Soviétiques en Europe durant la Seconde Guerre mondiale

Nous avions quitté Nicolas Ross en plein Paris de la fin des années
30, lorsque les agents du NKVD kidnappaient Yevgueni Miller, le
chef de l’émigration russe blanche opposé à Staline que ce dernier fit
d’ailleurs exécuté le 11 mai 1939. Moins de quatre mois plus tard, la
Wehrmacht envahissait la Pologne, entraînant l’Europe et le monde
dans la seconde guerre mondiale, et préparant moins de deux ans
plus tard, l’invasion de l’URSS.

Le cours de l’histoire venait de basculer et les anciens partisans du
tsar pensaient alors tenir leur revanche et chasser la peste
bolchevique de leur Russie éternelle. Sauf que leurs stratégies
divergaient : attendre la chute du régime soviétique ou le provoquer,
quitte à collaborer avec l’occupant. Avec l’érudition et la fluidité qui
caractérisent son récit, Nicolas Ross nous emmène ainsi au sein de la
diaspora russe blanche, dans chaque cercle, chaque officine, de la
Yougoslavie à la Pologne en passant par la France. Dans ce pays qui
compta la plus forte concentration d’émigrés  – près de 100 000 –
les anciens partisans du tsar eurent malheureusement à subir
l’amalgame d’une population voyant dans chaque russe, un espion
potentiel de Staline. 

Mois après mois, année après année, leurs initiatives convergèrent
vers « l’incontournable » Andreï Vlassov, héros soviétique de la
défense de Moscou en décembre 1941 qui constitua, avec l’aide d’un
Führer et d’un Himmler réticents, une armée de libération nationale
(ROA). S’y retrouvèrent selon le vieil adage voulant que « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », anciens partisans de Wrangel et de
Trotski. Nicolas Ross brosse ainsi une fascinante galerie de portraits,
entre ataman cosaque supplétif de la Wehrmacht et prince russe
engagé dans la LVF. Cependant, rappelle-t-il, leurs espoirs
demeurèrent finalement vains : « Vlassov ne fut qu’un nom et un
emblème sans pouvoir réel autour duquel s’organisait la propagande
allemande ». Entre désillusions – les Russes blancs restèrent
cantonnés à la guerre contre les partisans russes ou yougoslaves – et
répressions, ces diverses résistances s’achevèrent au goulag ou avec
une balle dans la nuque dans les caves de la Loubianka. Le récit de
Ross s’achève, lui, dans l’enceinte de la prison de Boutyrka, le 2 août 1946, lors de l’exécution de Vlassov et de ses compagnons avec
cette même constatation : à la fin, c’est toujours Staline qui gagne.

Par Laurent Pfaadt

Nicolas Ross, Entre Hitler et Staline, Russes blancs et Soviétiques
en Europe durant la Seconde Guerre mondiale
Aux Editions des Syrtes, 397 p.