Fantastique Gérardmer

De Ghostland à Groland et
au-delà…

                                                                                                                      

Sept comme les péchés capitaux
qu’ils ont si souvent pris un malin
plaisir à exhiber : c’est le nombre de
lettres pareillement réparties
d’Udo Kier et d’Eli Roth, les deux
récipiendaires du trophée de cristal
que le 26
e Festival International du
Film Fantastique de Gérardmer a eu, cette année, l’excellente idée de leur remettre. Mais, outre l’addition de ce double hommage, c’est encore celle des autres prix dont devraient
être gratifiés les meilleurs des dix longs métrages en compétition

Puisque sur le fond vert bio choisi pour l’affiche du cru 2019, un
crotale s’apprête à croquer notre planète bleue, il s’avérait non
moins judicieux d’inviter aux morbides réjouissances vosgiennes un
trouble-fête patenté, âpre explorateur en 2013 du Green Inferno et
porteur, l’an passé, de l’apocalyptique Prophétie des horloges. Autant
dire qu’avec le cinéaste et acteur bostonien Eli Roth au bord du lac,
« inglourious basterd » prédisposé au « death wish » depuis sa
première « cabin fever », il faudra veiller à ne pas s’y tromper
d’« hostel » et y réfléchir à deux fois avant de faire « knock knock » !

Très attendue après deux ans de fâcheuse suspension, sa «
masterclass » du samedi 2 février sera suivie le lendemain par celle,
tout aussi alléchante, du très singulier comédien allemand Udo Kier
(deux fois juré à Locarno) que ses initiales semblaient destiner à de
modestes débuts anglais en 1966 (mais sur La Route de Saint-
Tropez
!). Riche à 74 ans d’une filmographie volontiers sulfureuse de
plus de 260 titres (dont il sauverait une cinquantaine), ce fidèle de
Fassbinder et de Lars von Trier, dérangeant ou dérangé avec la
même étrange force de conviction, fit son incursion initiale dans
l’épouvante sous la Marque du Diable (jugée insoutenable en 1970).
Romantique au besoin pour le Joseph Balsamo de Jean Marais, il y
jouira ensuite de l’unique privilège d’avoir incarné, d’une année sur
l’autre, le Baron Frankenstein et le Comte Dracula (vu par Warhol).
Parmi les monstres de son placard, on compte aussi le Docteur
Jekyll, Jack l’Eventreur, Erich von Stroheim ou Adolf Hitler  et c’est
d’ailleurs en créateur de poupées nazies que nous le reverrons dans
Puppet Master : The Littlest Reich, unique candidat 100% américain
en compétition – le film d’ouverture Escape Game d’Adam Robitel
étant coproduit par l’Afrique du Sud.

On doit pourtant ce fond de tiroir ludique à deux Suédois dont le
pays natal (couronné ici en 2009 pour Morse de Tomas Alfredson) s’y
trouve, avec la Corée du Sud (Rampant de Kim Sung-hoon et The
Witch : Part 1. The Subversion
de Park Hoon-jung, le scénariste de J’ai
rencontré le Diable
, deux fois primé en 2010), doublement représenté
par deux premiers films : l’odyssée spatiale du vaisseau Aniara vers
Mars (nourrie des poèmes de leur compatriote Harry Martinson,
Prix Nobel de Littérature 1974) et The Unthinkable, chaos rural
signé du « club des cinq » Crazy Pictures. Ajoutons à ses
ressortissants, majoritaires, Carolina Hellsgard, la réalisatrice de
Endzeit – Ever After, 1er film de zombies au féminin qui concourt pour
l’Allemagne. Trois nations rivaliseront avec les quatre précitées :
l’Angleterre (Await Further Instructions, un Noël à huis clos selon
Johnny Kevorkian), l’Autriche (The Dark de Justin P. Lange, 1er long
issu d’un court triomphal) et le Canada (Lifechanger de son
homonyme MacConnell).

Mais il faut bien trancher et, hormis l’insolite présidence bicéphale
du Jury (paritaire) exercée par les Grolandais Benoît Delépine et
Gustave Kervern, lesquels entretiennent autant de liens avec le
fantastique que le giallo avec les gilets jaunes ou, l’an passé, le
victorieux Ghostland  (Laugier l’ayant hélas emporté sur The Lodgers
de Brian O’Malley !) avec un vrai film de fantômes, se manifeste le
réjouissant recentrage de la plupart de ses membres autour du
genre à défendre. Fabrice Du Welz et Yann Gonzalez, qui s’y
emploient dans leurs œuvres borderline, y côtoieront ainsi Ana
Girardot, l’interlocutrice privilégiée des Revenants, ou Astrid Bergès-
Frisbey, envoûtante Sirène des Caraïbes dont viendra relayer la voix,
en projection de clôture, sa congénère russe du Lac des Ames
perdues
.

Môme Caoutchouc chez Jeunet, Julie Ferrier signe, elle, son retour
en tête à dix ans d’intervalle pour jauger les 5 courts métrages
retenus, entourée de Vincent Mariette et Sébastien Marnier,
cinéastes de l’invisible menace, et du trio électro Zombie Zombie,
féru de John Carpenter.

Outre Rétromania, une nouvelle section vouée aux films cultes
méconnus (stimulant oxymore), nous attend enfin, hors compétition,
le ténébreux pensionnat de Blackwood où Rodrigo Cortés, l’auteur
comblé de Buried, devrait sans peine nous ensevelir.

Maxime Stintzy