Tandis qu’approche la conclusion du championnat d’Europe de football, il y a un siècle, un homme porta le football soviétique avant d’en être la victime. Méfiants vis-à-vis de ce sport considéré comme petit bourgeois, les bolcheviks, après leur prise du pouvoir en 1917, comprirent très vite que le football pouvait rallier à eux les masses. Il leur fallait pour cela des symboles, de nouveaux héros soviétiques. Et c’est en Nikolaï Starostine qu’ils trouvèrent leur nouveau Stakhanov. Starostine fonda ainsi en 1922 le club du Spartak de Moscou dont il dessina le logo. Le football devenant populaire, il suscita très vite des convoitises et de nouveaux clubs virent le jour notamment le Dynamo Moscou contrôlé par le NKVD et le terrible Lavrenti Beria qui vit d’un mauvais œil la réussite d’un Spartak que Starostine entraînait depuis le terrain et dirigeait. Son sort fut ainsi scellé et en 1942, Starostine et ses frères furent arrêtés. Après deux années passés à la sinistre prison de la Loubianka, Nikolaï Starostine fut expédié au goulag. Il n’en ressortit que dix ans plus tard, après les morts de Staline et Beria, et retrouva son poste au Spartak.
François Guéroult, journaliste à France Bleu Orléans nous raconte ce destin hors du commun et oublié dans cette biographie qui mêle sport et histoire et se lit comme un roman, certains personnages ayant été inventés pour les besoins du récit. A l’instar d’un Matthias Sindelar, Nikolaï Starostine demeura ainsi l’un de ces héros du ballon rond qui jouèrent, malgré eux, sur le terrain de la grande histoire et furent piégés par le hors-jeu des totalitarismes.
Par Laurent Pfaadt
François Guéroult, Goulag football club
Éditions Infimes. 184 p.